Autoroute de campagne

La nuit tombée, les petites routes sinueuses de la campagne prennent un repos bien mérité. Si les veines bleues carrossables conduisant tantôt dans une ferme, tantôt à l’entrée du village ont supporté sur leur dos des convois agricoles s’affairant au semis de céréales, ou encore la voiture jaune du facteur délivrant bonnes et mauvaises nouvelles, l’encre noire de la nuit plonge la petite route dans un sommeil léger.

Pourtant, d’autres passagers de ces voies de communication l’empruntent, à l’heure où les lits ont retrouvé leurs occupants. Ici, une salamandre prend le chemin de la mare pour y déposer ses larves. Son déplacement lent lui donne des allures de marionnette, actionnée par des fils invisibles. Là, un marcassin ferme la marche de la harde de sa famille ; il cherche comme dans le conte pour enfant un toit plus solide, l’ensileuse par un souffle puissant ayant eu raison de son gîte et de son couvert. Brusquement, un bruissement de feuille dans le talus bordant la route communale laisse s’échapper un jeune chevreuil. Sans appréhension, il foule élégamment le macadam, comme si de rien n’était.

Perchée sur son poteau, la chouette effraie est la seule spectatrice. Elle sait se faire discrète, mais est rapidement trahie par un hululement qui laisse celui qui l’entend dans des sentiments mêlés d’apaisements cotonnés et de curiosité. Tout à coup, une voiture. Sans doute un quidam rentrant chez lui après une dure et longue journée. Le ronronnement du moteur thermique fait fuir tout le monde, à l’exception du rapace qui présente son disque blanc aux feux du véhicule. Ce bruyant danger repart, sans même que le pilote ne se soit rendu compte que des dizaines de paires d’yeux l’observaient, tapis dans les fougères.


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