saint-jacques - Illustration Saint-Jacques de la Baie de Quiberon et des courreaux de Belle-Île, une des perles du Morbihan

Saint-Jacques de la Baie de Quiberon et des courreaux de Belle-Île, une des perles du Morbihan

Dotée d’une grosse noix et coraillée, la coquille Saint-Jacques de la Baie de Quiberon et des courreaux de Belle-Île est parmi les plus appréciées des connaisseurs. Route pêche avec les paysans de la mer.

Sous la lumière de la pleine lune, quelques silhouettes fantomatiques de navires se dessinent au ponton. Il est à peine 7 h 30, le jour n’est pas encore levé mais il règne une douceur inhabituelle en ce mois de décembre. Sur le quai de Port-Haliguen, au bout de la presqu’île de Quiberon, c’est déjà l’effervescence. Aujourd’hui, pour la flottille armée à la coquille Saint-Jacques, c’est jour de pêche. Le temps que les moteurs diesel montent en température et les bateaux se glissent les uns après les autres entre la digue et le brise-lames.

Cap sur la zone réglementaire de pêche « A2 », dans les courreaux de Belle-Île, à proximité de la pointe de Kerdonis. À bord de l’Emma-Loan, Guillaume Denigot, patron-pêcheur de 32 ans, fait équipe avec Cédrick Hervel, 37 ans. « Pour la coquille, il faut être au moins deux. C’est une question de sécurité ». Les deux hommes se connaissent bien, cela fait plusieurs années maintenant qu’ils naviguent ensemble pour la saison de Saint-Jacques. Le reste du temps, Guillaume pêche seul. « La coquille, pour moi, c’est de fin novembre à début janvier. Ensuite, j’attaque la civelle (alevin de l’anguille) à Arzal, sur la Vilaine. Et la majeure partie de l’année, je pratique le chalut – soles, seiches, encornets… – depuis le port de La Turballe ».

La star des étals

Si la période de pêche à la coquille est plutôt courte, c’est une saison à ne pas rater pour le marin-pêcheur. « Cela représente de 20 à 30 % de mon chiffre d’affaires annuel », souligne Guillaume. Très prisée des gourmets, avec son corail et sa grosse noix, la Saint-Jacques morbihannaise est la star des étals de poissonniers à l’approche des fêtes de fin d’année. « À la criée du Croisic où je vends ma pêche, cette saison, le cours moyen est de 4,5 euros le kilo de coquilles ».

Une précieuse ressource vivante que les pêcheurs ont appris à gérer avec soin. Chaque année, des prélèvements sont effectués en collaboration avec l’Ifremer afin d’estimer la population de Saint-Jacques. En fonction de l’état des stocks, un calendrier est arrêté, avec des zones de pêche, des jours et des horaires à respecter. « Pour cette campagne, c’est au maximum trois jours par semaine, pour des durées allant de 30 minutes à deux heures ».

Avec cette même volonté d’engagement en faveur d’une pêche durable et responsable, le Comité départemental des pêches du Morbihan procède chaque année à des semis de naissains. Des coquilles âgées de 1 an qui atteindront la taille commercialisable deux années plus tard.  

[caption id=”attachment_24325″ align=”aligncenter” width=”800″]Sur L'Emma-Loan, Guillaume Denigot, patron-pêcheur, fait équipe avec Cédrick Hervel le temps de la saison des coquilles Saint-Jacques. Sur L’Emma-Loan, Guillaume Denigot, patron-pêcheur, fait équipe avec Cédrick Hervel le temps de la saison des coquilles Saint-Jacques.[/caption]

Saute-mouton

À l’approche de la renverse de marée, le vent fraîchit. Des moutons soulignent désormais la crête des vagues. Après une heure et demie de navigation, l’Emma-Loan arrive enfin sur son lieu de pêche. Venus de différents ports morbihannais, une quarantaine de coquilliers sont là, prêts à ratisser la parcelle du jour. Sur l’écran de l’ordinateur de bord s’affichent la carte marine, les limites de la zone autorisée ainsi que les traces des traits de dragues effectués la veille par Guillaume et Cédrick. À 9 h 55, un message sur la radio VHF rappelle que le coup d’envoi sera donné dans 5 minutes. Mais tout le monde est déjà prêt. Sur le pont, les gestes sont précis. Dès que le signal tant attendu retentit, les deux dragues de 2 mètres de large et 300 kg chacune sont mises à l’eau. Le bateau se cabre lorsque les dragues s’enfoncent dans le fond sableux.

La main sur la manette des gaz, Guillaume régule le régime du moteur de 240 chevaux. En fonction de ses sensations, il adapte la vitesse. Et conserve un œil attentif sur sa trajectoire et celle de ses voisins. « Si les dragues s’emmêlent, comme le temps est compté, c’est la journée de pêche qui est perdue ! » Déjà 10 h 25, le premier trait se termine. Les dragues sont remontées et se déversent sur le pont. D’un œil expert, les deux marins ont jaugé la récolte, « C’est moins bien qu’hier… »

Mais pas le temps de tergiverser. En quelques minutes, les deux dragues sont à nouveau en pêche. Pour Cédrick, le tri commence. Une caisse pour les belles coquilles, une autre pour les plus petites dont il faudra contrôler la taille et une dernière pour les prises annexes : lotte, seiche, araignée… Les mains virevoltent de l’une à l’autre.

Paysans du large

Sur la VHF, un nouveau message vient d’annoncer la fin prochaine de la pêche. À la passerelle, Guillaume vérifie une dernière fois le cap de l’Emma-Loan, enclenche le pilote automatique puis vient sur le pont pour manœuvrer les treuils. Les câbles s’enroulent avec régularité, le bateau recule. « C’est bon signe, cela veut dire que les dragues sont bien remplies ». Et, en effet, les filets aux mailles d’acier qui émergent de l’eau sont nettement plus garnis que lors du premier trait. Onze heures, la pêche est terminée.

Guillaume met le cap sur Port-Haliguen à petite vitesse et vient épauler Cédrick sur le pont. Une fois le tri effectué,  les marins s’assurent, avec une jauge, que les Saint-Jacques les moins grosses font bien les 10,2 cm réglementaires. Faute de quoi, elles sont rejetées à la mer. Reste encore à « taper » les coquilles. À l’aide d’un  couteau spécial, les Saint-Jacques sont débarrassées des crépidules collées à leur surface puis conditionnées par sac de 25 kg. Un passage en vivier et elles seront vendues, demain ou après-demain, sous criée.

Treize heures trente, voici que l’entrée du port se profile. À l’avant du bateau, de chaque côté de la cabine, les sacs s’amoncellent, tandis qu’à l’arrière sont stockés encore plusieurs bacs remplis de coquilles attendant d’être nettoyées. « Au final, cela fera entre 350 et 400 kg ». Une bonne journée. D’ailleurs, le vent est tombé et le soleil brille maintenant dans un ciel bleu purgé de ses nuages matinaux. Parfois, la mer sait se faire douce pour les paysans du large.

« Cohérence et motivation »
En tant que banque de proximité, nous sommes impliqués dans l’économie locale. Et donc dans le secteur de la pêche. Nous avons rencontré Guillaume Denigot lorsqu’il a souhaité acheter un bateau plus grand. Il nous a présenté son parcours, son expérience et sa vision de l’évolution de son entreprise. Son projet était cohérent et sa motivation perceptible.
Suite au financement de son navire, nous avons aussi échangé sur des questions comme la remise du bilan, l’épargne (gestion de la trésorerie pour cette activité avec des rentrées irrégulières dans l’année), la prévoyance, la gestion du quotidien avec les services de banque à distance… C’est une vraie satisfaction d’accompagner dans son évolution professionnelle ce jeune pêcheur, formé au lycée maritime d’Étel et couronné, en 2004, meilleur apprenti de France dans sa spécialité. Régine Thomas, CMB, Pôle professionnel de Questembert


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article