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Environnement et revenus ne sont pas incompatibles

Pour diversifier son revenu, l’agriculteur a le droit d’utiliser son savoir-faire en matière d’environnement. L’idée : vendre un service écologique à des entreprises ou à des collectivités locales.

Qui mieux qu’un agriculteur pour répondre aux questions environnementales ? Derrière cette évidence, une réalité exercée chaque jour par une profession capable de s’adapter aux contraintes pour gagner en qualité de l’eau, limiter l’utilisation de matières fertilisantes, diminuer voire supprimer l’usage d’antibiotiques… Les exploitations savent traiter ces problématiques. Alors pourquoi ne pas utiliser ce savoir-faire écologique pour en tirer une source de revenus ? La question peut très sérieusement être réfléchie, tout en choquant une partie de l’opinion publique pour qui agriculteur synonyme de pollueur. « Il est temps que l’on soit payé pour le travail réalisé sur le bocage ou la qualité des eaux. La profession doit montrer sa volonté de pilotage », introduit Alain Hindré, vice-président de la Chambre d’agriculture du Finistère, lors d’une après-midi de réflexion organisée par la Chambre d’agriculture et la FDSEA, sur le thème des Prestations de services environnementaux (PSE).

Merci Mère nature

Ce patrimoine environnemental entretenu par les exploitants agricoles héberge une multitude d’espèces vivantes, parfois protégées. La pluie, avant de gorger les sols, n’appartient à personne. Par des semis de bandes enherbées ou par le maintien de zones humides, les agriculteurs contribuent à purifier cette eau et maintiennent tout un écosystème. « Mes sols sont couverts en permanence, et je travaille avec un grand nombre de familles végétales. J’entretiens de bonnes relations avec les apiculteurs grâce au pollen produit par mes cultures, je conserve les insectes des parcelles avec des techniques de semis en direct. Je réalise des comptages et préserve la petite faune de mammifères vivants dans les champs », illustre Bernard Pouliquen, agriculteur à Ploudiry (29). Cet état d’esprit, avec des décisions prises par le gérant, se substitue de par son impact environnemental à une multitude d’actions coûteuses qui seraient alors nécessaires pour obtenir le même résultat. Dès lors, le fait de demander une rémunération pour ces actions devient légitime.

De la somme d’argent à la rémunération

Le docteur en droit Carole Hernadez-Zakine est responsable de l’équipe expertise chez In Vivo Agro Solutions. Pour elle, le fait de contractualiser pour produire de l’environnement et du revenu est « une démarche nouvelle, où il faut dépasser les clivages. Les questions environnementales sont perçues comme des contraintes, où tout doit être fait gratuitement et de façon réglementaire. La rémunération est une somme d’argent perçue en échange d’un travail. L’objectif de ces PSE est donc de passer d’une somme d’argent à une rémunération pour construire une stratégie d’entreprise. L’agriculture a consommé 20 milliards d’euros d’aides en 2016. Et sans aides, pas de revenus…

Mais comment sortir de ces aides publiques, tout en maintenant la compétitivité des exploitations ? En changeant de posture, en ayant une approche positive. Il faut accepter les contrats : pour un juriste, les contrats de droit public sont des contrats signés, mais soumis à l’État qui les contrôle. Le rapport entre les partenaires est alors inégalitaire, car dicté par l’État au nom de l’intérêt général. Le contexte est différent dans un contrat de droit privé : les deux parties sont à égalité, avec nul besoin de l’administration », explique-t-elle. Ce contrat d’ordre privé débouche sur un service rendu qui peut être écosystémique ou environnemental, et même s’ils sont indissociables, il ne faut pas les confondre.

L’enjeu des mots

Le service écosystémique correspond aux services que procurent les écosystèmes au bien-être des humains, comme le butinage opéré par les abeilles. À l’inverse, les services environnementaux correspondent aux « services rendus par les hommes à la nature, comme le stockage du carbone, les luttes contre les inondations, la fourniture d’eau salubre, la conservation de la biodiversité… L’action de l’homme envers la nature, même pour des fins privées, n’est pas là pour détruire Gaïa », illustre la spécialiste en métaphore.

Guillaume Le Fort est un jeune agriculteur installé en Seine-et-Marne. Il a choisi de signer un contrat avec une entreprise privée pour diversifier son revenu. « J’ai été sollicité par une société qui cherchait des parcelles en vue d’installer des éoliennes. Le site choisi abrite une espèce d’oiseau protégé, l’œdicnème criard, et j’ai toujours eu des intérêts pour la défense de la biodiversité. Tout a ainsi été cadré : je peux effectuer un travail du sol au moins tous les 5 ans, je peux chasser les lapins et les traitements chimiques sont tolérés pour lutter contre les chardons. Pour garder la parcelle propre, 1 à 2 broyages dont réalisés chaque année. Au final, mon service est rémunéré à hauteur de 1 000 € par hectare et par an », confie le producteur. Quand préservation du patrimoine rime avec revenu, la boucle vertueuse est bouclée. Initiative prise par les agriculteurs, il faut maintenant que l’État ne pervertit pas l’idée, notamment en remaniant le service environnemental en réglementation contraignante. Fanch Paranthoën

L’avis de Kristell Labous, Chargée de mission biodiversité à la FNSEA

Mieux vaut éviter les contraintes environnementales coercitives là ou l’approche contractuelle serait la plus efficace. Nos propositions pour des contrats de prestation de services environnementaux se feraient pour la compensation écologique, la trame verte et bleue, la prévention des inondations, les zones humides ou les captages d’eau potable. Les contrats PSE existent déjà en France, comme c’est le cas depuis 1987 où Vittel a mis en place un partenariat avec les agriculteurs au-dessus des sources pour protéger la qualité de l’eau.


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