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Les agriculteurs inégaux face au célibat

Selon la dimension économique de l’exploitation avant tout, mais aussi en fonction du diplôme, le taux de célibat des agriculteurs diverge.

Avec des émissions telles que l’Amour est dans le pré, au succès colossal, l’image de l’agriculteur seul sur sa ferme est largement entretenue. Des sites de rencontres sont dédiés aux exploitants agricoles sur internet. Les Jeunes Agriculteurs organisent parfois des événements dédiés aux célibataires de leur profession, comme cela avait été le cas lors de la Fête de l’agriculture 2013 en Ille-et-Vilaine, avec l’animation « l’Amour est à Luitré ». « Un chapiteau spécifique avait été mis en place et différentes activités proposées : “La buvette des Cupidons”, “La tombola des amoureux”… », expliquent les organisateurs. Dans le cadre des Terralies 2014, les JA 22 avaient également organisé les « Défis de Cupidon » pour « prendre le temps de connaître d’autres personnes et à l’occasion, rencontrer l’âme sœur. Nous souhaitions dire tout le bonheur de vivre à la campagne, dans un environnement préservé par le travail des agriculteurs. »

Avec qui se marient les agriculteurs ?

En grande majorité, les agriculteurs se marient avec des femmes issues de milieux agricoles ou ouvriers. Les autres groupes sociaux (indépendants, cadres, professions intermédiaires, employés) sont plus présents quand le niveau de diplôme de l’agriculteur s’accroît, ainsi que la taille de l’exploitation. Ces deux critères pèsent également dans le niveau de diplôme de la conjointe et son métier. Les épouses « cadres » et « professions intermédiaires » sont davantage représentées auprès des agriculteurs diplômés, et sur les grandes et moyennes exploitations. Autre constat, les agriculteurs sont en moyenne davantage en couple avec des femmes diplômées au moins du bac que les ouvriers et employés.

Les femmes moins « touchées »

Mais dans les chiffres, les agriculteurs sont-ils davantage célibataires que les autres catégories socioprofessionnelles ? Les situations sont en fait très hétérogènes à l’intérieur du monde agricole. Première remarque, les données statistiques montrent que les femmes agricultrices sont moins « touchées » que les hommes. Mais au sein de cette population masculine, des différences considérables existent. Comme dans les autres catégories, l’âge de la mise en couple a beaucoup reculé depuis les années 70. « Pour pouvoir comparer, il est donc opportun de prendre en considération le célibat définitif, c’est-à-dire habituellement, les actifs masculins âgés de 40 à 49 ans qui n’ont jamais vécu en couple », précise Christophe Giraud, sociologue et maître de conférences à l’université Paris Descartes.

Dans cette tranche d’âge, et en s’appuyant sur les enquêtes « familles-logement » de 2011 et « histoire familiale » de 1999, basées sur des échantillons importants de populations, on remarque d’abord que le taux de célibat a tendance à baisser chez les agriculteurs, alors qu’il augmente pour les autres profession et catégories socioprofessionnelles. Les ouvriers agricoles présentent le pourcentage de célibataires le plus important, à 21 %.

Moins célibataires que les cadres sur les plus grandes exploitations

Ensuite, la dimension économique de l’exploitation compte ; cet indicateur prend en compte les biens fonciers, le capital d’exploitation et les revenus susceptibles d’être dégagés compte tenu de l’orientation productive. « Les agriculteurs des petites exploitations affichent un taux de célibat définitif de 17 % en 2011, alors que les agriculteurs sur des moyennes et grandes exploitations sont moins touchés, à 5 %. »  Ce dernier chiffre est similaire aux indépendants, et inférieur à tous les autres groupes sociaux. Les CPIS (cadres et professions intellectuelles supérieures) se situent à 7 %, et les employés et ouvriers qualifiés, à 10 %.

« Au fil du temps, l’augmentation de la taille des exploitations et des capitaux économiques a constitué une dimension faisant des agriculteurs sur de grandes exploitations un parti aussi avantageux que les groupes sociaux les plus favorisés économiquement. » On peut nuancer le propos par rapport aux petites exploitations reprises par des agriculteurs non issus du milieu qui vivent souvent en couple.

Les plus diplômés s’en sortent mieux

Le niveau d’études est un autre facteur important de célibat au sein même de la population agricole. « Vivant seuls pour 9 % en 2011, les agriculteurs ayant au moins un BEP sont mieux lotis que les autres, à 17 % : un niveau équivalent à celui des employés et ouvriers non qualifiés », fait remarquer Christophe Giraud. Toutefois, selon les données issues du recensement agricole de 2000, la différence de diplôme ne compte plus sur les structures d’exploitation de grandes tailles. Le capital économique fonctionne le mieux contre le célibat. Enfin, les agriculteurs ayant effectué un autre métier avant ont moins de risques de vivre seul. Agnès Cussonneau

L’avis de Christophe Giraud, Sociologue et maître de conférences à l’université Paris Descartes.

Le caractère plus ou moins fusionnel de la vie familiale en agriculture est un autre grand déterminant de célibat pour les exploitants. Selon les familles, les membres et notamment les femmes arrivant sur l’exploitation ont plus ou moins de liberté, alors que ces dernières recherchent aujourd’hui une vie familiale prenant de la distance. Les agriculteurs dans des systèmes très familialistes, notamment avec des élevages de bovins, sont davantage touchés par le célibat, car la conjointe potentielle sent qu’elle est attendue sur l’exploitation, qu’elle est perçue comme un nouveau collaborateur…


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