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Quota : La robustesse des systèmes laitiers sera déterminante

La fin des quotas laitiers est un autre début. Le début d’une fin d’une certaine façon de gérer son exploitation. Le challenge paraît palpitant pour les uns, angoissant pour les autres. L’épreuve de vérité se fera par les chiffres.

Imaginons que les quotas fussent libérés en 1995. Dix ans plus tôt que prévu. L’euphorie aurait gagné les campagnes à l’idée d’une attribution de volumes supplémentaires. Avec dans les têtes, cette équation simple : plus de lait = plus de revenu.

Faible effet de dilution des charges

Aujourd’hui, plus de lait ne signifie pas forcément plus de revenu, ont expliqué les différents intervenants, jeudi dernier, à la journée du Cerel intitulée « Fin des quotas, une opportunité pour le Grand Ouest ? ». Les éleveurs l’ont eux-mêmes constaté en 2008/2009 lors de la crise laitière. Avec plus ou moins d’acuité selon le niveau de rentabilité des systèmes.

Et elle est bien là la clé de l’avenir laitier. La rentabilité. Les spécialistes de l’économie laitière parlent d’efficience. Une efficience qui prend en compte des dizaines de critères comme l’a précisé Geneviève Audebet, CerFrance 22. Tout en se focalisant sur un aspect déterminant : « La maîtrise des charges opérationnelles notamment le coût alimentaire ».

« De 2007 à 2013, on a assisté à une hausse constante du coût de production (330 €/1 000 L en 2013) », poursuit Mathieu Merlhe, ingénieur au pôle herbivore de la Chambre régionale d’agriculture, qui cite au passage la progression de 45 % des charges de structure quand, sur la même période, le volume vendu progressait de 32 %. « Il y a donc une faible dilution des charges ».

Capacité de résister aux chocs

Si l’on se réfère aux résultats économiques, la fragilité des exploitations saute aux yeux. Ce n’est plus d’efficience qu’il faut parler mais de résilience, cette capacité à résister aux chocs : « Sans les aides la moitié des exploitations passe en résultat négatif. En moyenne sur 5 ans, le revenu par UTA est d’environ 20 000 € pour 15 000 € d’aides », précisent les conseillers qui nuancent toutefois cette moyenne alarmante.

En effet, l’analyse par classe montre des revenus qui vont du simple au quadruple : 43 €/1 000 L à 163 €/1 000 L, dont quand même un tiers qui se trouve dans la fourchette basse de 48 €/1 000 L. Une réalité qui explique aussi cette grande difficulté des éleveurs à refaire actuellement leur trésorerie compte tenu des marges de manœuvre étroites dont ils disposent. D’autant plus qu’en lait, comme le rappelle Geneviève Audebet, les charges de structure représentent 55 % du total des charges contre 30 % en porc. « Il faut donc être vigilant sur les investissements ».
Vigilant sur les investissements et la gestion de son système. Elle est là aussi la clé de l’efficience et de la résilience des exploitations laitières demain. Sachant que, de 2005 à 2013, l’Ipampa « prix du lait », cet indice qui mesure en euros constants l’évolution du prix des produits agricoles, ne suit pas les coûts de production (100 en 2005 et 145 en 2013).

Profiter des atouts fourragers de l’Ouest

Alors que faire ? « Rechercher des économies d’intrants et sécuriser l’alimentation des troupeaux en valorisant les fourrages et en particulier l’herbe », souligne Jean-Louis Peyraud, chargé de mission à l’Inra de Saint-Gilles. Et d’insister sur « la complémentarité herbe/maïs, atout majeur dans l’Ouest. Avec ce régime, on arrive facilement à 7 000 kg de lait avec des coûts alimentaires maîtrisés ». Or, que voit-on ? : « Une sous-exploitation et un énorme gaspillage d’herbe. Si bien que l’on a parfois du mal à justifier 170 unités d’azote par hectare ».

Quand il parle de système fourrager, le chercheur parle lui aussi d’efficience. Cette capacité à exploiter des fourrages abondants et complémentaires donne de « la robustesse au systèmes laitiers de l’Ouest face aux aléas économiques et climatiques ». Aléa économique qu’est la volatilité des prix générée par l’ouverture des marchés. Aléa climatique qui revient cycliquement : maïs et herbe sont étroitement complémentaires pour passer certains caps difficiles (sécheresse, excès de pluie).

Ménager « l’esprit lait »

Cependant, que seraient-ce tous ces atouts sans « l’esprit lait » encore fortement présent dans les campagnes bretonnes. Pour que cette envie de « faire du lait » demeure, la filière « doit travailler sur l’attractivité des milieux », comme le formulent les experts. Une attractivité qui passera inévitablement par le revenu. Pour l’heure, le compte n’y est pas… Didier Le Du

L’avis de Marcel Denieul, président commission « économie et filières » Crab

Nos atouts ? Des coûts de production qui tiennent la route et des marchés porteurs en face de nous. Ailleurs, les producteurs parlent d’opportunité, chez nous on prépare l’avenir en voyant les risques. C’est quand même une drôle de façon de voir l’avenir. Je propose que l’on mette 10 € dans une cagnotte à chaque fois que l’on parle de risque à la place de ce qui m’apparaît une opportunité !
Toutefois, j’observe que les industriels disent aux producteurs de se caler sur les débouchés. Nous sommes le seul pays où ça se passe ainsi. On ne peut pas demander aux agriculteurs de se comporter en chef d’entreprise alors qu’au fond, on les considère comme des sous-traitants.


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