adage-bovin-antibiotique-huile-essentielle - Illustration Les huiles essentielles ouvrent des perspectives

Les huiles essentielles ouvrent des perspectives

Enclenchées il y a 6 ans, les expérimentations de l’Adage sur l’utilisation des huiles essentielles peuvent jouer un rôle dans la réduction des antibiotiques, enjeu majeur pour les éleveurs et l’ensemble de la société.

« Lorsque nous avons décidé d’expérimenter les huiles essentielles (HE) sur nos troupeaux, l’antibiorésistance commençait à préoccuper les éleveurs. Notre objectif était de réduire l’utilisation d’antibiotiques, et nous avons réussi », situait lundi Jean-Paul Renault, adhérent de l’Adage, lors du colloque organisé à Rennes par l’association, synthétisant six années d’expérimentations sur les bovins. Une réunion qui a fait le plein dans l’amphithéâtre de l’Agrocampus, avec 260 participants.

Analyses labo

« Nous avions décidé de nous focaliser en premier lieu sur les mammites. Dès le début de la formation il y a 6 ans, les premiers résultats ont été positifs. Au fil du temps, la pratique s’est affinée avec l’appui de Michel Derval, aromatologue. » En 2009, une expérimentation en laboratoire a été lancée en partenariat avec le laboratoire Isae. Le but était d’évaluer l’effet in vitro sur des germes de mammites isolés dans les élevages adhérents. « Nous avons choisi la méthode de l’aromatogramme, au principe identique à l’antibiogramme. Les HE montrant un effet inhibiteur important sont celles possédant des propriétés anti-infectieuses et/ou antibactériennes. Elles contiennent des molécules comme le thymol, les terpinènes, certains phénols et aldéhydes. Nous avons également été surpris par l’efficacité d’autres HE, notamment sur E.coli (ex : Ocimum basilicum) », retrace Guillaume Lequeux de l’Isae, précisant que ces résultats constituent une première approche estimative. D’autres expérimentations ont montré la moindre efficacité de certains mélanges par rapport aux HE les composant.

AMM ou ordonnance vétérinaire

Dans une note, l’Anses (Agence nationale de la sécurité sanitaire) reprécise que l’utilisation de plantes concentrées à vocation thérapeutique est soumise à AMM (Autorisation de mise sur le marché), ou doit faire l’objet d’une ordonnance vétérinaire avec un délai d’attente de 7 j pour le lait et de 30 j pour la viande. « Nos travaux restent pour le moment insuffisants sur le plan scientifique. Mais au vu des perspectives et en réponse au plan EcoAntibio, nous souhaitons que des structures disposant de moyens plus importants, en premier lieu l’Anses, poursuivent l’expérimentation pour fonder des bases solides. Nous proposerons à ces structures d’être leur terrain de jeu, en continuant à tester, expérimenter, tâtonner… », explique Mathilde Boutin, animatrice Adage. L’association souhaite par ailleurs que les vétérinaires prennent en compte cette alternative thérapeutique, en lien avec une demande croissante des éleveurs.

« Une approche différente »

« Nous avons alors décidé de ne plus utiliser de mélanges préconfectionnés, mais plusieurs HE peuvent être proposées à l’animal », note Michel Derval. Sur le terrain, l’aromatologue a privilégié une approche qui s’intéresse certes au germe, mais aussi à la « toxémie » (froid, chaud, humidité) et au « terrain » (équilibres immunitaire, métabolique, neuro-émotionnel, tempéramental…). « Les HE ont la possibilité de jouer sur ces trois tableaux. Si on tue le germe, mais que les conditions favorables à son développement sont toujours là, il finira par revenir. C’est le cas avec les antibiotiques. »

Selon lui, il convient donc d’essayer de comprendre « pourquoi une vache fait une maladie à tel moment. » On le voit, l’utilisation des huiles essentielles est complexe et suscite de nombreuses questions. « Nous n’avons pas de solutions toutes faites à donner aux éleveurs, mais les formations et la pratique permettent d’avancer et d’acquérir de l’autonomie », notent les différents intervenants. Très concentrés, ces produits peuvent être dangereux. « Mais les doses que nous utilisons sont 10 fois inférieures à ce que l’animal peut supporter. Et on pourrait encore baisser les quantités », précise Michel Derval. Agnès Cussonneau

L’avis de…

Jean-Paul Renault, éleveur à Broons sur Vilaine, 42 VL

Au fil du temps, les HE sont devenues le traitement de 1re intention sur l’élevage. Depuis 2 ans, nous n’utilisons aucun traitement antibiotique, sauf pour 3 ou 4 VL au tarissement. Pour faciliter la mise en œuvre, j’utilise un mélange confectionné juste avant l’application, par massage de la mamelle. L’observation reste prépondérante. Nous avons également de bons résultats sur les diarrhées des jeunes veaux.

Marie-Edith Macé, éleveuse à Melesse, 90 VL

Le gros avantage des HE, c’est la précocité d’intervention. A la moindre petite anomalie, on applique l’huile adéquate, alors qu’on aurait attendu le lendemain avec un antibiotique. J’utilise 10 HE en tout sur mon élevage, dont 5-6 pour les mammites, les autres servant pour les diarrhées et les boiteries. Je les applique principalement au compte-goutte, sur l’épi du garrot ou sur l’attache de la queue. Le coût est moins élevé qu’avec les antibiotiques, et j’ai moins de scrupules à utiliser le lait des vaches traitées pour les veaux. Le bien-être de l’animal et de l’éleveur est aussi amélioré en évitant des traitements intramammaires ou intramusculaires.

 


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