En 10 ans, le territoire français a perdu près de 1,16 million de vaches, dont 647 000 en races à viande. « Sur la dernière campagne 2024-2025, les naissances issues de mères allaitantes sont en forte baisse, de – 7 %. Sur les 9 premiers mois de 2025 en comparaison à 2024, les tonnages globaux sortis des abattoirs français sont en baisse de 3 % », a chiffré Caroline Moniot, de l’Institut de l’élevage, lors de la conférence Grand angle viande du 13 novembre.
« C’est le manque d’offre qui tire les prix à la hausse sur 2025, pour toutes les catégories d’animaux », précise-t-elle. Sur un an, la vache U voit sa cotation augmenter de 27 %, de 48 % pour la vache O, de 49 % pour les broutards limousin E et charolais U, de 32 % pour les JB (jeunes bovins) U. Une augmentation observée partout en Europe. Le manque d’offre en UE découle de la décapitalisation, le territoire ayant perdu 1 million de vaches en 2 ans. Le problème du renouvellement des éleveurs en bovin viande touche aussi nos voisins. « En France, certains départs sont retardés du fait des prix favorables actuels et du faible niveau des retraites. Mais la décapitalisation en vaches allaitantes va se poursuivre en lien avec ces sorties prévisibles », informe Christophe Perrot, de l’Idele.
Ce contexte de chute de production généralisée freine les importations françaises de viande (provenant des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Espagne notamment) et booste les exportations (+ 4 % vers l’Italie et + 5 % vers les Pays-Bas sur 8 mois en 2025). La consommation est bridée par la baisse du disponible.
Importations en hausse de 14 % sur l’UE
Sans surprise, les importations de l’Union européenne sur 8 mois sont en hausse, de 14 % par rapport à 2024. Des tonnages supplémentaires provenant essentiellement du Mercosur. « Le Brésil exporte en Europe, hors contingents, même avec des droits de douane pleins », ajoute Caroline Moniot.
Arrêter de perdre des veaux à l’export
Dominique Guineheux (intervenant pour Culture viande) ne cache pas l’inquiétude du secteur par rapport à la baisse de production en France. « De 220 abattoirs en 2010, nous en sommes à 171 aujourd’hui. La consommation en France et en Europe baisse moins vite que la production. Souhaitons-nous, demain, manger de la viande produite à l’extérieur ou chez nous ? Plus le Mercosur entre en Europe, plus des signaux à la baisse sont envoyés sur les prix. »
« Détenant le 1er cheptel européen, la France a des capacités de rebond », souligne Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev. « Nous devons arrêter de perdre des veaux qui vont vers l’Italie et l’Espagne. »
Des cotations favorables à l’engraissement
Pour limiter durablement la baisse de production, les responsables de la filière doivent imaginer des scénarios combinant la stabilisation du cheptel et le renforcement de l’engraissement en France. Les achats de bovins pour des mises en place de JB en France augmentent. « Une part croissante de veaux sont gardés sur le territoire national », note l’Idele. Mais sur 2025, la dynamique repart à l’export. « L’équilibre de l’intérêt gras / maigre pour les éleveurs sera déterminant. »
« La conjoncture de prix actuelle laisse une rentabilité possible pour l’engraissement des jeunes bovins. Des opportunités existent aussi en génisses et en bœufs. » En fonction des ressources et surfaces disponibles, de la main-d’œuvre, de la trésorerie, des bâtiments, des débouchés… des différences de coût de production ressortent.
Plus spécifiquement sur les animaux issus du troupeau laitier, leur part baisse dans les abattages, représentant 31 % en 2024 (- 4 % par rapport à 2016). « Une diversité d’itinéraires techniques, avec ou sans pâturage, avec plusieurs types génétiques, pouvant répondre à des débouchés variés, ont été testés avec succès à la station Cirbeef de Mauron (56). Mais des ‘sevreurs’ sont actuellement recherchés pour le démarrage des veaux sur la phase lactée. »
Agnès Cussonneau

