C’est un hameau breton comme tant d’autres, auquel on accède par une petite route un peu raide. Mais ce que l’on y trouve contraste avec les paysages habituels de cette région de Quimperlé, aux portes du Finistère. Ici, au lieu-dit Guelvez, sur la commune de Querrien, les champs de maïs bio ont cédé depuis peu la place à… un vignoble.
Et c’est à une jeune femme de 37 ans, Laura Le Goïc Chauqué, que l’on doit cette métamorphose. « Je suis née très loin d’ici, à Cafayate dans le nord-ouest de l’Argentine, dans une famille de viticulteurs, au cœur d’un vignoble planté il y a 80 ans par mon arrière-grand-père », explique-t-elle dans le nouvel épisode du podcast Chaleur Sensible (*). Désireuse à son tour de se lancer dans ce métier exigeant, elle a souhaité quitter son village pour poursuivre ses études à Mendoza. C’est là qu’elle va rencontrer son futur mari, Gaétan Le Goïc, un étudiant breton originaire des Côtes-d’Armor, venu compléter sa formation d’ingénieur en Argentine. En 2008, Laura décide de le suivre en France et elle poursuit un cursus exigeant pour devenir viticultrice, enchaînant les expériences dans des vignobles prestigieux. « C’est un métier d’expérience et ce qui m’intéresse, c’est le terrain. On m’a fait confiance et j’ai pu travailler dans de magnifiques terroirs, en France, en Argentine, au Chili… », explique celle qui a décroché son diplôme d’œnologie à Montpellier, après avoir obtenu un master à Bordeaux.
5 cépages sur 5,5 hectares
Forte de cette formation d’excellence et de nombreuses références prestigieuses, Laura a réussi à convaincre ses banquiers de la suivre dans son projet d’installation viticole, à Querrien, sur une parcelle de 7 hectares idéalement orientée. En 2024, elle a implanté, sur 5,5 hectares, cinq cépages différents, rouges et blancs, tous choisis soigneusement en fonction de leur adaptabilité au sol granitique et à l’ensoleillement du secteur. Les premières vendanges sont prévues en septembre 2026. Et d’ici là, de nombreuses échéances attendent encore Laura, qui s’apprête à installer un chai dans un corps de ferme au bout du chemin creux séculaire qui borde la parcelle.
Cinq cépages choisis soigneusement en fonction de leur adaptabilité au sol granitique et à l’ensoleillement du secteur
Car ce qui frappe d’emblée, lorsqu’on parcourt ce nouveau vignoble breton, c’est la persistance d’un paysage de bocage. « Cela deviendra peut-être un marqueur, avec des arbres centenaires, qui apportent de la biodiversité, des insectes auxiliaires… Cela demande de l’entretien pour bien les conserver », souligne Laura, qui ne cache pas son amour pour ce coteau traditionnel et la magnifique vue panoramique du vallon.
Irrigation naturelle
Cette topographie a été choisie avec soin, et la place de l’eau y est essentielle. Laura a fait le choix d’enherber ses pieds de vignes, afin de ralentir au maximum le ruissellement et favoriser l’irrigation naturelle. « J’ai vu la différence entre mes cépages, avec certains qui ont été au bord du stress hydrique en fonction de la sécheresse de ces derniers mois. Ce qui m’inspire, c’est la nature. On ne décide pas, on doit s’habituer à la fluctuation des variations climatiques. Sans baisser les bras ! », explique-t-elle.
Elle a ainsi taillé plus tardivement ses cépages précoces pour tenter d’éviter le gel. Les haies tempèrent aussi le vignoble, tandis que des brebis viennent y pâturer l’hiver, pour désherber entre les pieds et enrichir le sol.
En entrepreneure avisée, Laura a prévu de produire au moins 5 000 bouteilles à partir de 2027 pour atteindre le seuil de rentabilité économique de son exploitation. « J’espère créer de la valeur pour pouvoir embaucher et travailler en équipe », confie-t-elle dans une logique de long terme. « J’ai planté ma vigne pour 80 ans ! Je dois tout faire pour augmenter la résistance et la robustesse de ce vignoble, tout en prenant soin de mon équilibre personnel et familial », sourit cette maman de deux jeunes enfants. Soucieuse des générations à venir, elle entend proposer, demain, un vin nature, sans intrant, « car la vigne, c’est d’abord de l’agriculture, de la terre, avant d’être un produit marketing », conclut-elle avec conviction.
Xavier Debontride
L’épisode N°7, enregistré dans les vignes de Guelvez, à Querrien, est à écouter en cliquant ici
(*) Chaleur sensible, le podcast de l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, est produit par la Chambre d’agriculture de Bretagne, avec le soutien de Groupama Loire Bretagne.

