« La Guillevic, c’est une variété compliquée, en breton cela veut dire ‘‘petit diable’’… Acidulée, elle donne un jus clair ou un cidre à la jolie robe dorée, comme un champagne breton servi à l’apéro ou en dessert ! ».
Le décor est planté, si l’on peut dire, puisque c’est Aurélie Rio, arboricultrice, qui s’en charge. En quelques phrases, elle décrit son projet lancé il y a dix ans. Après un parcours en Chambre d’agriculture, cette ingénieure agronome a remis en production la ferme de ses grands-parents. Sur 20 hectares, elle en a planté 10 en variétés locales et anciennes, sélectionnées dans un verger conservatoire sur les conseils de Dominique Biche, expert en la matière.
Des cidres et jus de pommes vendus 100 % en circuits courts
Précise et rapide, Aurélie complète le tableau : « Pour tenir compte du décalage entre plantation et première production, j’ai mis progressivement les choses en place. D’autant plus que j’ai fait le choix d’un verger haute-tige qui ne produit qu’au bout de six ans. La densité y est faible, pas plus de 200 arbres à l’hectare, mais un bon pommier haute-tige peut donner jusqu’à 300 kg de pommes ! ». La transformation en jus ? « Ultra simple : la pomme est pressée, elle dépose, puis je pasteurise le jus et le mets en bouteille. Je fais appel au service d’une presse mobile, ce qui jusqu’à présent m’a permis de débiter du volume sans que j’aie à investir. Pour le moment, mon atelier reste modeste : quelques cuves en inox et une petite presse pour les tests. L’acquisition d’une presse fait partie de mes projets ». Et la commercialisation ? « Du 100 % circuit court : vente directe à la ferme, livraison de drives fermiers en précommande, commerces locaux et restaurants ».
Mais ce tableau, dépeint à l’envie par Aurélie, prend une tout autre dimension quand on recule un peu, qu’on s’intéresse à la genèse… « J’ai grandi dans la ferme de mon grand-père. Je tannais mes parents pour avoir un carré de potager et n’avais pas 10 ans quand j’ai fait mon premier panneau ‘fruits et légumes’ . Évidemment, je les ai vendus à la famille… Mon démarrage dans le commerce local ! »

Diplômée de l’Agrosup de Rennes, Aurélie est rapidement nommée responsable de la ferme expérimentale de Kerlavic près de Quimper. Elle y valorise des travaux sur la qualité de l’eau et développe un projet de dialogue entre agriculture et société sur les questions environnementales, avant de revenir à ses origines morbihannaises en devenant animatrice de Rés’Agri 56… Pas étonnant donc si, aujourd’hui, on retrouve chez elle cette culture du collectif et du projet. « Je fais partie de plusieurs réseaux dont ‘La Pomme 56’ où les producteurs progressent ensemble sur la notion de vergers durables ou sur la connaissance des ravageurs… ». Insuffisant toutefois pour satisfaire son appétit : « J’ai la faculté de créer de l’activité là où il n’y en a pas ! ». Son nouveau challenge ? Les municipales 2026. « Si je suis élue, je chercherai un associé. Je sais qu’il y a du potentiel pour diversifier mon activité tout en prenant en compte l’intérêt des vergers. Le couple mouton-poule fonctionnerait bien pour lutter biologiquement contre l’anthonome du pommier… Et si je ne suis pas élue : je mets plein gaz pour aménager une nouvelle cidrerie avec l’achat d’une presse ».
Pierre-Yves Jouyaux
Contact : aurelierio@yahoo.fr
Repères : Aurélie Rio : 45 ans 2 enfants ; Diplômée ENSA Rennes (2003) ; Élue municipale depuis 2014 ; Formation cidricole au CFPPA Le Robillard – Calvados (2018) ; Création entreprise agricole (2015) ; Début d’activité en tant qu’agricultrice à titre principal (2021) ; Production : 12 000 bouteilles – 32 600 € de production nette ; Productions complémentaires : petits fruits, kiwi, courges, noix, sève de bouleau fraîche.
Jus de pomme chaud et épicé !
En 2023, l’arboricultrice a gagné le premier prix du concours fermier innovant du salon ‘‘Ohhh la vache’’ à Pontivy. « Encore un truc né de mes dix idées à la minute. C’était en 2020, sur le marché de Noël à Pluvigner. J’ai eu envie de faire un jus de pomme chaud et épicé (cannelle, gingembre, cardamome, clou de girofle…) pour animer mon stand et y faire de la dégustation. J’ai simplement présenté mon jus dans un réchaud. Les gens m’en ont redemandé, un vrai succès ! Alors, je me suis dit que pour en vendre, il suffisait de le mettre en bouteille. Comme je suis adhérente du réseau ‘‘Bienvenue à la ferme’’, l’animatrice du Morbihan m’a encouragée à le présenter au concours et j’ai gagné. Pour le moment, je suis encore sur des petits volumes, mais ça y est, j’ai trouvé au gramme près l’équilibre entre les épices. Depuis, je ne touche plus la recette, elle est arrêtée ». Ne vous reste plus qu’à goûter cette alternative au vin chaud, originale et sans alcool !

