Avec une double activité d’éleveur et de vétérinaire, Kevin Le Roux s’est organisé pour pouvoir exercer ces 2 métiers. « Je suis éleveur tôt le matin et tard le soir, vétérinaire bovin à Landivisiau (29) en journée », résume-t-il. À la tête d’un troupeau de 20 mères en race charolaise à Commana (29), il préfère faire vêler les vaches « entre novembre et décembre ». Une façon de mettre les veaux à l’herbe en avril quand la pousse est là.
Avant les inséminations, les mères suivent une cure d’oligo-éléments, avec des minéraux distribués sous forme de semoulette. Toutes les vaches sont inséminées, une partie d’entre elles sont fécondées par de la semence prélevée sur les taureaux de la ferme. Pour les génisses, des taureaux à vêlage facile sont sélectionnés, ils ont un index de facilité de naissance à plus de 110.
Acidifier la ration favorise les contractions utérines
Le Finistérien vaccine le troupeau contre les diarrhées néonatales. « C’est quasiment indispensable quand les naissances sont groupées en bâtiment en hiver, car la pression infectieuse est importante ». Dès le début septembre, les mères sont complémentées en oligo-éléments via des bolus administrés au champ. Ils sont « riches en sélénium, ce qui donnera de la vitalité au futur veau ». En s’inspirant de la conduite d’un troupeau laitier, Kevin Le Roux baisse la balance cation-anion de la ration pour l’acidifier. « Les vêlages sont ainsi plus efficaces, les contractions utérines sont meilleures. On évite une partie des retournements de matrice ». Pour nourrir les futures mères, un ensilage de seigle fourrager et de trèfle incarnat est distribué. Ce fourrage est produit en interculture, entre un méteil grain composé de pois protéagineux et d’orge de printemps et un maïs ensilage.
Ne pas gaver les veaux
Tous les vêlages sont surveillés par une caméra placée dans le bâtiment. « C’est pratique, on voit tout le troupeau d’un seul coup d’œil. Je peux aussi les surveiller quand je ne suis pas sur la ferme ». Le double actif porte une attention particulière sur la prise de colostrum. Pour les naissances qui se passent sans problèmes, l’éleveur laisse le veau découvrir sa mère. Si le vêlage est plus compliqué, « je drenche le veau car je sais qu’à partir du moment où on aide la vache, c’est que le veau est moins vigoureux. Toutes les vaches sont traites, j’ai une banque de colostrum ». Même vif dans ses premières heures de vie, un jeune animal « n’ira pas forcément boire une quantité suffisante de colostrum dans les 6 heures. C’est pourquoi je vide les mamelles de ce qui n’a pas été bu ». Pour autant, pas question de faire boire une grande quantité de ce lait très riche, « il ne faut pas gaver les veaux, sinon ils dorment 24 heures, et n’iront pas téter d’eux-mêmes. Je limite la prise à 2 L au maximum ». Il y a 7 ans, l’élevage a connu une épidémie de cryptosporidiose. « Si je ne garde pas une telle rigueur sur le colostrum, cette pathologie a tendance à revenir. Aussi, je suis persuadé que cette bonne prise de colostrum joue sur le GMQ, fait de beaux veaux au sevrage : tout se joue dès la naissance ».

D’une case commune où le groupe vêle, le couple mère/veau passe ensuite en case maternité. Cette organisation est préférée car « dans une grande aire paillée, le rapprochement entre les 2 pourrait être plus difficile ». Commence alors un travail de surveillance. « Si le veau va très bien à sa mère dans les 24 heures, je le laisse. Dans le cas contraire, il est séparé temporairement. S’il tète, je le laisse, sinon, c’est une nouvelle séparation ». Ce séjour en case maternité dure entre 3 jours et une semaine, « j’en profite pour vérifier le cordon ombilical, cette case est pratique pour surveiller que tout va bien ». La fin de l’hiver se passe enfin dans une case commune, où les veaux disposent d’une case spécifique pour se mettre à l’abri, en pouvant passer sous une barrière.
Des veaux forts contre le loup
Cet élevage hivernal en crèche « est peut-être plus coûteux et plus gourmand en paille », mais est une petite garantie d’avoir des animaux en forme et prêts pour la mise à l’herbe. En cours d’hiver, les veaux sont vaccinés (RSB, Mannheimia hemolytica, PI3) et vermifugés avant d’aller en pâture. Le sevrage est réalisé « quand la pousse d’herbe diminue, en été. Les mâles pèsent alors 420 kg, les femelles autour de 360 kg ». Sortir des veaux lourds au printemps est aussi une façon « de se prémunir des attaques, la présence du loup est ici avérée. Il est déjà passé dans les paddocks proches des bâtiments, j’ai retrouvé le troupeau complètement apeuré. Si on fait vêler à une autre période qu’en hiver, les veaux sont tout petits et sont vulnérables. Ici, ils sont beaucoup plus costauds, pèsent entre 200 et 250 kg à la mise à l’herbe ».
En regardant ses chiffres et le taux de mortalité des veaux, Kevin Le Roux remarque « que le dernier mort date de 2022, il s’agissait d’un veau né malformé. La mortalité est très faible habituellement, mais j’appréhende cette année de FCO », conclut-il.
Fanch Paranthoën
Vêler à 3 ans, le bon compromis
Les primipares mettent bas à l’âge de 3 ans. « À 2 ans, c’est trop exigeant pour l’animal, il faut pousser sa croissance. 30 mois est sans doute plus approprié, mais oblige à avoir 2 périodes de vêlage dans l’année, c’est pourquoi je préfère garder un âge de 3 ans, même si ce n’est pas parfait, car les femelles ont alors tendance à devenir grasses ».
Des veaux au chaud
« Un bâtiment naissance ne doit pas être trop volumineux ni trop ventilé. Les veaux doivent toujours être au chaud ». Le site de la ferme est orienté à l’est, des rideaux modulables sont tirés en hiver. En cas de veaux un peu faibles, ils sont « couverts d’un manteau pendant les périodes de froid, ça leur évite de brûler de l’énergie pour lutter contre les températures basses ».

