Dossier technique

L’AOP, fruit d’un héritage et d’une passion

EARL Saint Louis, à Roz-sur-Couesnon (35) - Les agneaux AOP des Prés Salés du Mont-Saint-Michel comptent parmi les sept appellations d’origine protégée attribuées en Bretagne. C'est la seule AOP en viande en Bretagne.

Un homme devant des agnelles qui pâturent sur 
les herbus - Illustration L’AOP, fruit d’un héritage et d’une passion
Yannick Frain devant ses agnelles qui pâturent sur 
les herbus, recouverts régulièrement par la mer, 
lors des grands coefficients 
de marée. | © Paysan Breton

« Le mouton, c’est une histoire de famille, et ce depuis 4 générations », affirme fièrement Yannick Frain, à la tête de l’EARL Saint Louis à Roz-sur-Couesnon (35). Dans les vastes herbus de la baie, ses brebis, agnelles et agneaux paissent une végétation singulière, constituée de plantes halophytes comme la puccinellia, l’obione ou la salicorne. Recouvertes au rythme des marées, ces herbes confèrent une texture et un goût uniques à la viande d’agneau.

Un agneau au goût unique, né de plantes halophiles pâturées

Un pâturage atypique et exigeant

Les ovins doivent parcourir chaque jour de longues distances pour profiter de cette ressource rare, répartie sur les 800 hectares du domaine maritime que se partagent les éleveurs bretons. Ils ne regagnent les bâtiments que lors des marées et sur des pâturages de repli, constitués de RGA/TB, obligatoire dans le cahier des charges. Ou pendant l’hiver, durant la phase d’agnelage correspondant à la fermeture du domaine maritime pour le pâturage. Pour nourrir les troupeaux durant la mauvaise saison, l’exploitation mise sur la luzerne, introduite avec l’arrivée d’Alexandre, le fils de Yannick et de Lydie Frain. La zone des polders y est propice sur le sol basique (pH 7 à 8). « Quatre coupes sont réalisées par an. 20 ha sont implantés : ce fourrage complémente bien le foin et assure notre autonomie fourragère hivernale. De plus, il redonne de la vigueur au sol et assure un bon nettoyage des parcelles en précédent pour les cultures légumières. »

L’exploitation dispose de 3 bergeries. « Nous sommes également situés dans un site classé où les permis de construire ne sont plus autorisés, ce qui freine les installations… », déplore celui qui est aussi le président de l’ODG (organisme de gestion) de l’appellation depuis sa création.

Le mouton, pilier du système

« Le mouton a une place prépondérante dans notre système. » S’il représente environ 40 % du chiffre d’affaires, l’atelier ovin apporte aussi de la matière organique nécessaire pour les cultures sur l’exploitation.

La mise à la reproduction se déroule d’août à septembre, les mises bas s’étalent donc de Noël à mars, avec un pic en février. Les agneaux rejoignent les herbus à la fin de la phase lactée, et au plus tard après leur 45e jour de vie. « Les ventes se réalisent de fin avril/début mai, quand le volume est suffisant pour satisfaire la demande, surtout présente durant l’été et à Noël. » Aussi, si le cahier des charges impose 70 j de pâturage, les agneaux sont sur les polders en moyenne 4 mois, avant d’obtenir le fameux sésame AOP vers 6 mois d’âge. « Et c’est bien cette nourriture spécifique riche de plantes halophytes du terroir qui exprime avec plus ou moins d’amertume la finesse du gras de l’agneau. » Pour être éligible à l’AOP, la carcasse de l’agneau doit faire au minimum 14 kg et respecter le temps de pâturage sur les herbus. La carcasse doit être classée de U à O, avec un engraissement de 2 ou de 3. Un test organoleptique vient finaliser l’évaluation : après 24 heures de ressuyage, la carcasse doit être ressuyée et le gras doit être blanc à blanc cassé. En moyenne, 15 % des agneaux sont déclassés et commercialisés sous la dénomination « Agneaux de la baie ».

La valorisation offrait à l’origine de l’AOP un bonus de 10 € par tête par rapport à un agneau standard. Aujourd’hui, ce différentiel s’amenuise pour se situer autour de 4 €. « Ce différentiel couvre surtout les coûts de certification plus qu’il ne génère de marge substantielle. Mais on arrive à un optimum de prix accepté par le consommateur… » La filière commercialise 1 500 agneaux sous l’appellation AOP en moyenne par an.

Carole David

Repères : 3 associés, 2 salariés permanents,1 apprenti et 5 saisonniers ; 700 brebis de race Suffolk, Roussin de la Hague et Vendéen ; Prolificité : 1,2 ; 85 ha dont 25 à 30 ha de maraîchage en bio depuis 2016 (pomme de terre, carotte, cèleri, potimarron, poireau, navet…) ; Diversification touristique avec 3 gîtes de groupe, capacité 90 couchages ; Commercialisation en vente directe.

Du pâturage sur le domaine public maritime

Le pâturage a lieu sur une partie du littoral appartenant à l’État, consentie au Conservatoire du Littoral qui en a donné la gestion au Département d’Ille-et-Vilaine pour la partie bretonne. 800 ha sont accessibles. Les éleveurs en contrepartie versent une contribution annuelle pour l’utilisation de ce Domaine public maritime (DPM). Pour améliorer la biodiversité et utiliser tout l’espace, du parcage de nuit ainsi que des clôtures de rivage ont récemment vu le jour, permettant aussi de séparer l’afflux touristique du GR 34 des aires destinées à l’élevage pour limiter les conflits d’usage. « On envisage également le rétablissement de cabanes de bergers. Il en existe 2 ou 3. Des démarches sont entreprises dans ce sens. L’objectif est de faire revivre et découvrir cette activité pastorale. »

Une AOP : Pour qui ? Pour quoi ?

L’AOC, première étape de reconnaissance nationale a été obtenue en 2009. Trois ans plus tard, en 2012, l’AOP européenne a été décrochée. Cette démarche collective permet de pérenniser une production d’élevage. Elle garantit la qualité et l’origine du produit, sur un territoire à forte pression touristique. Elle permet également d’assurer des garanties commerciales, tout en se démarquant. De plus, elle préserve la biodiversité sur le domaine maritime public où l’ovin est un élément indissociable à l’équilibre environnemental de la baie par le pâturage, nécessaire pour la gestion du chiendent maritime. Sur les huit éleveurs engagés dans la démarche, quatre sont installés en Ille-et-Vilaine.


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