18981.hr - Illustration « La surdité n’est pas un problème »
Installés à Plénée-Jugon (22), Laurent et Magali Guérin produisent 600 000 L de lait avec 85 Normandes sur 112 ha.

« La surdité n’est pas un problème »

Laurent Guérin, malentendant, est installé à Plénée-Jugon (22) depuis 1996 sur l’exploitation laitière familiale. Il est rejoint par sa femme Magali, atteinte de surdité, quelques années plus tard. Pour ces 2 agriculteurs, leur handicap n’est pas un frein.

« Certes nous sommes sourds, mais nous sommes capables de travailler comme les autres. Depuis 13 ans que je suis installée, je me sens épanouie dans ce métier d’agricultrice où j’ai dû tout apprendre », explique Magali Guérin, dans la langue des signes. 

Les nouvelles technologies ont pris le relais du fax. « On fait comprendre à nos interlocuteurs de nous contacter de préférence par SMS ou mail… Et, avec les gestes et les messages écrits, la communication est assez aisée », précise son mari Laurent Guérin. Ils utilisent aussi des applications de retranscription vocale en texte, avec un accès de 3 heures/mois – « Ce forfait pris en charge est insuffisant et limité : il n’est pas à double-sens, on ne peut pas répondre, et il ne fonctionne pas la nuit ni le dimanche… » – ou peuvent faire appel à des interprètes. « Même s’il existe des aides sous certaines conditions, cela représente un budget et demande de l’anticipation car il faut s’y prendre 3 mois à l’avance… » Pour gérer les urgences, la famille vient à l’aide pour appeler un vétérinaire par exemple. Si Magali Guérin dit apprécier le calme à la traite, une assistance avec des flashs lumineux vient l’aider au quotidien, « lui permettant de travailler en toute autonomie ». Et c’est avec une hyper acuité visuelle qui s’est développée pour compenser le sens manquant qu’elle détecte toute anomalie.

Accueil de stagiaires

Ils accueillent régulièrement apprentis et stagiaires malentendants sur leur exploitation. « Grâce au langage des signes, on leur explique le jargon agricole et ils acquièrent dans de bonnes conditions les connaissances requises pour leur formation ». Une façon pour eux de faire part de leur expérience et d’attirer de futurs salariés ou candidats pour le renouvellement des générations. Mais pas que ! « Des élèves sans notre handicap nous accompagnent aussi. Ils ressortent de notre ferme avec des notions de langue des signes et ils peuvent ensuite développer lors de leur oral d’examen un sujet autour du handicap. » Une manière cette fois-ci de sensibiliser le plus de personnes possible et de lutter contre les préjugés. 

« À ce mot de handicap, je préfère celui de différence », ajoute Gaëlle Marollaud, présidente de l’association Agriculture des sourds de France. « Car finalement on est tous handicapé de quelque chose. Sans interprète, et sans maîtrise de la langue des signes, c’est vous qui le devenez si nous vous parlons ». Visible ou non – 80 % des handicaps sont invisibles –, « la différence ne doit pas masquer nos compétences. » 

S’installer ou embaucher, et pourquoi pas ?

Si l’exploitation mise en avant concerne la surdité, huit autres témoignages ont été recueillis dans un guide ‘Handi Cap vers l’agriculture !’, piloté par la Chambre régionale d’agriculture(1), rassemblant de nombreux partenaires autour du handicap. Ce guide vise les candidats à l’installation et les employeurs en quête de main-d’œuvre, pour « déconstruire les peurs de la différence » et favoriser l’inclusion. « Rien de tel qu’un témoignage pour ouvrir le champ des possibles et ne laisser personne sur le bord du chemin », insiste Marie-Christine Le Crubière, présidente de la commission Égalité-Parité.


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