18978.hr - Illustration Chine : le faiseur de prix
La Chine absorbe 60 % des importations de soja mondiales.

Chine : le faiseur de prix

La Chine s’est invitée dans de nombreux marchés et rythme, plus qu’on ne le pense, la vie des agriculteurs européens.

Un prix, c’est la rencontre d’une offre et d’une demande. On parle beaucoup de la première alors que c’est la seconde qui fait battre le cœur du marché. On doit en effet produire pour une demande, au risque de voir sa production bradée, faute de clients… Ceci est d’autant plus vrai que l’UE a renoncé à sa politique des stocks… une décision à l’opposé de la Chine.

On connaît l’importance de l’empire du Milieu dans le marché international de la graine de soja (60 % des importations mondiales), de l’orge (38 %), et de la viande de bœuf (24 %). Mais savez-vous que la Chine absorbe désormais 50 % des achats de farine de poisson, 28 % de ceux de graines de colza, 22 % de ceux de tourteaux de colza et 30 % de ceux de tourteaux de tournesol ? Et même si les parts de marché en blé et maïs sont plus faibles (respectivement 7 % et 15 %), cela fait quand même de ce pays en 2022/2023, le premier importateur mondial des deux céréales devant l’Égypte et l’Indonésie pour le blé et devant l’UE et le Mexique pour le maïs. Nous pourrions aussi évoquer le marché mondial du pois, là aussi trusté par les Chinois.

Alors forcément, la santé économique de la Chine est un phare dans cet océan de volatilité que sont les marchés des commodités agricoles. Et de nombreux articles évoquent la faiblesse actuelle de la demande chinoise pour expliquer une partie de l’évolution des prix (voir encadré).

Des baisses d’importation en soja  ?

En 2023, les importations de graines de soja ont atteint un record de 111 Mt (+16 %) mais les perspectives sont moins bonnes pour 2024. La demande en alimentation porcine est faiblarde et se traduit par des marges de trituration décevantes dans le pays. Ajoutons à cela que la Chine favorise l’Amérique du Sud (guerre commerciale avec les USA), ce qui a tendance à impacter le marché à terme de Chicago. Enfin, ne perdons pas de vue que le pays manque aussi cruellement d’huiles végétales. Il représente aujourd’hui 14 % de ce négoce mondial et arbitre ses achats en fonction des prix internationaux des huiles et des graines. Il joue régulièrement au chat et à la souris avec les vendeurs, agitant très souvent des mesures de rétorsion sur les produits agricoles pour arriver à ses fins sur d’autres secteurs. Le meilleur exemple est le différend qui l’a opposé au Canada de 2019 à 2022. Pour mémoire, la Chine représentait 40 % des débouchés du canola canadien. Mais après l’arrestation à Vancouver fin 2018 d’une dirigeante du géant chinois Huawei, accusée par les États-Unis d’avoir contourné les sanctions américaines sur l’Iran, les Chinois ont fermé l’accès à leur marché pendant trois ans. Cela a alors favorisé l’UE et les Émirats arabes unis, qui ont exporté en Chine de l’huile de colza fabriquée à partir de… canola canadien. La fin du conflit a entraîné une envolée des achats de graines canadiennes par l’empire du Milieu en 2023 (passant de moins de 2 Mt à 5,5 Mt en un an). L’UE, qui n’est pas autosuffisante en graines de colza, a vu la palette de ses fournisseurs diminuer, conférant plus de volatilité à son marché.

Coté tourteaux, la Chine impacte largement le marché du tourteau de tournesol. La Russie et l’Ukraine sont les deux principaux fournisseurs et dans ce petit marché (moins de 10 Mt), l’appétit chinois est déterminant et ne cesse de progresser.

14 % du commerce mondial en céréales

En céréales, la Chine a de quoi faire valser les exportateurs. Ce sont 58 Mt qui ont été importées en 2023, soit 14 % du commerce mondial. Les achats de blé progressent. La France peut y trouver des débouchés, mais sans aucune visibilité.

En maïs, les stocks officiels restent d’une opacité stratégique, et le pays est devenu
le premier importateur (27 Mt en 2023).

Les Chinois ont ouvert il y a un an, leur marché aux
Brésiliens qui s’y sont engouffrés au détriment des USA.

Demandes irrégulières en viande

Enfin, terminons par l’impact du pays sur le commerce mondial des viandes. En 2021, la Chine importait 3,6 Mt de viande de porc, un chiffre qui tombe à 1,5 Mt en 2023. Ces évolutions sont loin d’être neutres pour l’élevage européen et notamment espagnol, premier fournisseur de l’empire du Milieu.

Comme dit le proverbe chinois « Les vérités qu’on aime le moins à apprendre sont celles que l’on a le plus d’intérêt à savoir ». Alors gardez un œil sur l’ogre chinois…

Après des records en 2023, les perspectives sont moins bonnes pour 2024

Le talon d’Achille chinois

La dépendance aux importations agricoles est le talon d’Achille de la Chine. Les terres arables ne représentent que 12 % des superficies chinoises (34 % en France). La Chine doit donc nourrir près du cinquième de la population mondiale mais dispose de moins de 10 % des terres arables dans le monde. Si la consommation chinoise se grippe, c’est tout le négoce international qui tousse.

Une croissance en deça des attentes

Même si les nouvelles ne sont pas mirobolantes, le pays n’est pas au bord de l’effondrement et sa croissance est encore positive bien que décevante par rapport aux attentes. Le PIB 2023 a augmenté de 5,2 % sur un an, mais 2022 avait été lourdement pénalisée par les restrictions contre le Covid-19. Si l’on compare les troisième et quatrième trimestres des deux années, le rythme est bien plus modeste (+1 %). Et la tendance est assez sombre, avec une croissance économique amenée à ralentir ces prochaines années selon le FMI. Le PIB est attendu à 4,5 % cette année puis à 3,4 % à l’horizon 2028. Le pays fait actuellement face à une consommation atone, comme en témoignent la déflation mais aussi la crise du marché immobilier et le chômage chez les jeunes. Or l’économie mondiale comptait sur les Chinois pour compenser les faiblesses de l’Occident… Que nenni ! Si la déflation dans la première puissance asiatique détone face à l’inflation qui sévit dans les économies occidentales, le résultat est le même : la consommation en pâtit !


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