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Le bio, pas seulement du « sans pesticide »

L’agriculture bio est perçue comme favorable à l’environnement et à la santé par les consommateurs. Insuffisant aujourd’hui, ce message doit être complété par d’autres valeurs.

« La crise de l’agriculture biologique est une crise de confiance. Quand on interroge les consommateurs sur les raisons du ‘non-achat’ du bio, 71 % d’entre eux évoquent le prix, 57 %, le doute et 44 %, l’intérêt », a cadré Bernard Ollié, président de Good (études et conseil en consommations alternatives), lors de l’assemblée générale d’Agrobio 35, le 9 mars à Cesson-Sévigné. « Cette année, nous avons souhaité mettre au cœur des échanges la thématique ‘Mieux comprendre la crise pour que la bio s’en sorte plus vite et plus fort’ », note Sonia Fretay, présidente du groupement.

Selon Bernard Ollié, « les idées du bio ont gagné puisque toutes les marques passent au vert, au ‘sans’ pesticide, ‘sans’ adjuvant… Mais le label bio est concurrencé de manière déloyale par certains signes de qualité. Il est devenu une proposition comme une autre. Plus cher, il est pénalisé par la crise généralisée. » Le conseiller évoque plusieurs pistes d’action en direction des ‘pratiquants’ qui achètent autour de 30 % de produits bio dans leur consommation totale, plus volatiles que les ‘adeptes’ qui sont convaincus des intérêts de la bio. Il faut s’adresser à eux avec une réponse « unique, motivante, crédible et cohérente ».
« La motivation d’achat doit rester la protection et l’amélioration de la santé. La consommation bio a toujours augmenté suite aux scandales sanitaires (vache folle…). Les ‘pratiquants’ commencent à consommer bio pour des raisons de santé, pour eux ou leurs enfants, mais leur pouvoir d’achat peut les freiner ensuite. »

Chiffrer les économies liées au bio

Les consommateurs savent que ‘bio = moins de pesticides’. Mais aujourd’hui, les acteurs doivent passer de nouveaux messages sur la valeur ajoutée liée à leurs produits. « L’agriculture biologique doit être perçue par les consommateurs comme un projet de société qui répond aux enjeux de bien-être animal, de justice sociale, d’impact sur le climat, de biodiversité, qui fait gagner de l’argent aux citoyens sur les aspects santé, environnement… Cela se calcule ! »
Par ailleurs, « l’origine France et le local crédibilisent le label bio. Tout cela doit être expliqué de manière simplifiée. » Difficile mais nécessaire équation. « Et ce sont les agriculteurs qui sont les plus légitimes pour faire passer les messages », ajoute le conseiller.
« Sur le plan technique, collectivement, nous avons réalisé d’énormes progrès ces dernières années. Aujourd’hui, nous devons réinvestir les marchés, le lien vers les consommateurs », soulignent plusieurs agriculteurs présents au débat.

Ailleurs en Europe, des crises sont arrivées et elles ont toujours été surmontées. En Allemagne, des stagnations ont été rencontrées en 2003 et 2008/2009. « Les producteurs se sont organisés : 2/3 des 35 000 exploitations bio sont membres d’une association aujourd’hui. Les grands groupements se rapprochent des GMS. Des innovations mais aussi des voies de dégagement ont été construites : transformation, stockage et partenariat avec des distributeurs discount », souligne Burkhard Schaer, de l’agence Ecozept.

« On peut parfois faire de l’entrée de gamme »

Sur 2021-2022, « le discount (Aldi, Lidl) continue à croître sur le bio. Les supermarchés conventionnels agrandissent leurs assortiments bio en marques de distributeurs. Alors que les prix du conventionnel explosent, les prix bio montent modérément mais le secteur n’arrive pas en profiter. L’image d’un bio très cher reste forte. » Une étude récente fait toutefois du bruit dans le pays : « L’agriculture biologique fait économiser 4 milliards € en coûts environnementaux. »
De son côté, le Royaume-Uni a connu une baisse de marché en 2008 suite à la crise financière. « Les décideurs ont anticipé une baisse du pouvoir d’achat et réduit l’offre en bio. » Après de lourdes pertes, le secteur renoue avec la croissance en 2012 dans un marché plus diversifié avec des magasins bio et de la vente en ligne. Après une croissance de 5,2 % en 2021, le marché baisse de 2,4 % en 2022 mais affiche + 10 % dans certaines chaînes GMS. En Belgique, le recul est aussi marqué en 2022. « Des associations citoyennes s’engagent pour le bio et le soutien politique reste stable. »

En Suède, le secteur recule depuis 2018. « Alors que les forêts brûlent cet été-là, une publication dénonce la contre-productivité du bio. La filière, non préparée reste muette. La régionalité devient plus importante que le bio, les produits végétariens sont promus pour la santé et le climat. »

Croissance aux États-Unis

Enfin, deux pays sont en croissance. « Aux États-Unis, après + 4 % en 2021, entre + 3 et 7 % sont attendus en 2022. Le secteur y bénéficie d’un soutien politique et financier. En Autriche, le développement est de + 5 % en 2022 notamment grâce aux fruits et légumes et au soutien des GMS. Un lien ancien entre ‘bio’ et ‘origine autrichien’ existe là-bas. »

Diversifier

La consommation bio baisse en France et c’est une surprise car elle était en croissance depuis 20 ans. Elle occupe 6,5 % de part de marché (13 % au Danemark et 12 % en Autriche). Ce n’est plus une niche, une diversification est nécessaire avec un produit bio pour le lundi, un autre pour le samedi soir… La grande distribution généraliste notamment a développé une gamme bio mais elle a aussi engendré des incohérences avec des prix parfois déconnectés du produit et de sa qualité. Le risque aujourd’hui est le désengagement des managers des échelons intermédiaires dans les GMS. Burkhard Schaer Directeur de l’agence Ecozept

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