Forum climat-énergie : Limiter la concurrence entre énergie et alimentation

L’inquiétude d’une concurrence entre production d’énergie et production alimentaire se fait sentir sur le terrain avec le développement de la méthanisation, dont certaines cultures sont dédiées à alimenter le digesteur, et avec l’émergence de projets photovoltaïques au sol. « Nous sommes dans une période de transition où nos modes de consommation vont devoir s’adapter à une raréfaction des disponibilités de l’énergie fossile d’ici 2050. À l’échelle de l’activité humaine, depuis 100 ans, l’énergie fossile a permis de produire plus, plus vite et moins cher. Avec pour conséquence, un déstockage massif du carbone emmagasiné depuis plusieurs milliers d’années qui impacte le climat », lance Régis Le Carluer, responsable d’équipe énergie-climat à la Chambre d’agriculture de Bretagne lors du forum climat-énergie Grand Ouest qui s’est déroulé à Rennes le 14 mars. Il ajoute que nous allons devoir concevoir notre mix énergétique avec les énergies renouvelables que sont le solaire et la biomasse. « Dans ce contexte, le foncier devient aujourd’hui un potentiel de production d’énergie. Une situation qui crée des opportunités mais aussi des concurrences potentielles entre production alimentaire et énergétique ce qui interroge sur l’utilisation et la valorisation des sols demain. » Développer prioritairement le photovoltaïque en toiture Pascal Chaussec, président de l’Apepha (agriculteurs producteurs d’électricité photovoltaïque associés), indique : « Les agriculteurs s’occupent de 52 % du foncier en France. Ce foncier agricole est indispensable pour le développement de 75 % des énergies renouvelables que ce soit du photovoltaïque, de l’éolien ou de la méthanisation, cela passera donc par des projets en lien avec les agriculteurs. Pour le photovoltaïque nous souhaitons un développement prioritairement en toiture pour limiter la concurrence avec la production destinée à l’alimentation. » Et Cédric Henry, président de la FDSEA 35 de rebondir : « On nous a sorti une loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Avec un peu d’ambition politique, nous aurions eu une loi d’accélération du photovoltaïque en toiture. » Pour Pascal Chaussec le photovoltaïque affiche la meilleure rentabilité horaire sur une exploitation agricole. « Cela assure un revenu complémentaire et stable à nos productions agricoles et cela sans travail. Pour moi, c’est une faute professionnelle de ne pas profiter des toitures disponibles pour produire de l’énergie. De plus aujourd’hui, il est possible d’autoconsommer l’électricité sur l’exploitation et de revendre le surplus à un tarif intéressant. Cela permet de maîtriser son coût de revient de l’électricité au moment où les tarifs flambent. » Une méthanisation avec 100 % d’effluents d’élevage Loïc Guines, président de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, a abordé la question de la méthanisation, de son développement et des tensions que cela peut générer sur le foncier. « Il faut faire très attention à ce que l’on introduit dans les digesteurs des unités de méthanisation. L’équilibre entre la production alimentaire et la production énergétique est très fragile. » Cédric Henry rebondit : « En Bretagne, nous sommes en capacité de développer une méthanisation basée uniquement sur nos effluents d’élevage. Le problème est que cette méthanisation est peu rentable et je trouve dommage que la Région ne soutienne pas ce type de projets. » Un conseiller énergie de la Chambre d’agriculture précise que dans les semaines qui viennent un tarif spécifique de rachat de l’énergie devrait être annoncé pour les unités de méthanisation travaillant avec 100 % d’effluents d’élevage. Garder la main sur les projets de photovoltaïque au sol Le développement de projets photovoltaïques au sol pose aussi question sur une éventuelle concurrence avec la production destinée à l’alimentation humaine ou animale. Loïc Guines précise que les Chambres d’agriculture ont mis en place un cadre sur le photovoltaïque au sol. « Mais quelle sera notre capacité à nous agriculteurs à garder la main sur ces projets ? On entend des chiffres comme 1 million d’euros à l’hectare d’investissement. Ce sont des projets demandant beaucoup de capitaux, il y aura certainement un peu de collectif agricole mais cela ne se fera pas partout. Comment la profession peut garder la main pour continuer à produire de l’alimentaire ? Si cela génère beaucoup de revenus, est-ce que l’on va continuer à s’embêter à produire sous ces installations solaires ? » Beaucoup de questions soulevées sur le photovoltaïque au sol lors du forum climat-énergie et finalement peu de réponses. Pascal Chaussec a tenu à préciser : « En termes d’efficacité, le photovoltaïque au sol est bien supérieur aux biocarburants qui occupent quand même 4 % de la surface agricole en France. Avec un rendement moyen de 75 quintaux/ha, nous pouvons produire environ 2 200 litres de bioéthanol qui permettront à une voiture de parcourir 32 000 km. Avec 1 ha de photovoltaïque, nous allons produire 1 Mégawatt qui va permettre à une voiture électrique de parcourir 7,5 millions de kilomètres. »

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