15118.hr - Illustration Décapitalisation, de quoi es-tu le nom ?
En 2022, l’agrandissement des élevages de bovins viande a marqué le pas, alors qu’il compensait jusque-là les arrêts.

Décapitalisation, de quoi es-tu le nom ?

La décapitalisation qui frappe le cheptel bovin s’est accélérée l’année dernière, provoquant un recul de la production de viande. La France a perdu plus de 800 000 vaches en six ans, et la barre du million devrait être franchie cette année.

Rien ne semble pouvoir freiner la décapitalisation qui grignote le cheptel bovin français un peu plus chaque année. L’érosion à l’œuvre depuis 2016 s’est même accélérée l’année passée. En décembre 2022, la ferme France est passée sous la barre des 7 millions de bovins : les élevages hexagonaux comptent désormais 3,54 millions de vaches allaitantes (-3 % par rapport à 2021)* et 3,44 millions de vaches laitières (-2,3 %)*. Depuis 2016, le cheptel hexagonal a perdu 837 000 vaches (494 000 allaitantes et 343 000 laitières). Dans ce mouvement, 2022 a été une « année de rupture », selon la FNB (Fédération nationale bovine). Car l’effondrement du cheptel a commencé à se ressentir sur la production de viande bovine en 2022 (-4,7 %). Jusque-là, en provoquant un afflux d’animaux vers les abattoirs, la décapitalisation soutenait « artificiellement » la production. Mais moins de vaches, c’est moins de potentiel de production et, après quelques années, moins de production tout court. L’année 2022 a aussi levé le voile sur de nouveaux phénomènes économiques, techniques et sociaux, à l’œuvre dans la filière bovine. Certes, les grands moteurs de la décapitalisation n’ont pas fondamentalement changé : une population d’éleveurs vieillissante, une production peu attractive et peu rémunératrice, qui tend à être délaissée – quand c’est possible – pour les cultures. Mais d’autres facteurs apparaissent qui concourent à ce que le recul du cheptel se soit emballé en 2022, dépassant les prévisions basées sur la seule démographie.

Fin de l’agrandissement des élevages

Première surprise : l’année dernière, l’agrandissement des élevages de bovins viande a marqué le pas, alors qu’il compensait jusque-là les arrêts. 2022 est la première année de stabilité pour le nombre moyen de vaches allaitantes par atelier. Un coup d’arrêt après des années de progression (+1 vache par an entre 2009 et 2015, puis +0,4 par an entre 2016 et 2022). « On cumule des flux de départs importants et un désintérêt pour la croissance », note Christophe Perrot, de l’Institut de l’élevage (Idele). Et sa collègue Eva Groshens de préciser que « les stratégies des éleveurs pour améliorer l’équilibre économique ne passent plus par l’agrandissement ». Trois pistes semblent privilégiées par les producteurs : la réduction des charges, le développement du « produit viande » (montée en gamme) et la diversification (volailles, végétal, énergie). Tout en relativisant : « Même si la moyenne plafonne, il y a quand même de plus en plus de grandes exploitations. » Second phénomène nouveau : un effet paradoxal des prix. À raison, le manque de rentabilité de la production allaitante est souvent mis en avant pour expliquer la décapitalisation. Comparés aux autres productions agricoles, les bovins viande sont « les derniers du classement en termes de revenu sur dix ans en euros constants », rappelle Christophe Perrot. Pour le nouveau président de la FNB Patrick Bénézit, le facteur économique est d’ailleurs celui qui « prédomine ». « Si vous avez la rentabilité, vous trouvez des jeunes pour reprendre les troupeaux, vous gérez moins finement l’autonomie fourragère, etc. »

Agra Presse

* Le cheptel breton a reculé de 2,4 % en vaches laitières et de 3,5 % en bovin viande en 2022.

Des cessions précipitées par les prix élevés

En raison du manque d’animaux, l’année 2022 a été marquée par une flambée des prix à la production : +22 % pour les vaches allaitantes de réforme, +28 % pour les jeunes bovins (JB) et jusqu’à +30 % pour les broutards. Paradoxalement, « ce contexte de prix élevés a pu inciter des éleveurs qui avaient l’intention de céder leur cheptel à précipiter leur décision », note Guillaume Gauthier, secrétaire général adjoint de la FNB. Rappelons toutefois que les charges ont aussi explosé dans le même temps. Autre événement exceptionnel à mettre dans la balance en 2022 : la sécheresse. Au-delà de la crise, les dérèglements climatiques remodèlent les élevages à plus long terme. Quand ils le peuvent, certains producteurs cherchent aussi à améliorer l’autonomie alimentaire de leur troupeau. Mais plus que les facteurs économiques ou climatiques, le premier moteur de la décapitalisation reste la démographie des éleveurs pour Christophe Perrot. Elle expliquerait environ les quatre cinquièmes des animaux « perdus » entre décembre 2017 et décembre 2022.

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