dd8875.hr - Illustration Marchés du lait et de la viande bovine : Le pari européen de l’environnement
La différenciation « verte » de l’Europe s’affirme. La France a une carte à jouer.

Marchés du lait et de la viande bovine : Le pari européen de l’environnement

Sur l’échiquier mondial, l’Europe affirme ses valeurs environnementales qui sont aussi une source de différenciation et de protection de ses productions. Des pays comme la France et l’Irlande ont des cartes à jouer. Mais ce pari sera-t-il gagnant ?

« La crise sanitaire a accentué les tendances latentes au niveau de l’économie mondiale. Aujourd’hui, se joue une redistribution du pouvoir avec une mondialisation davantage pilotée par une Chine ambitieuse qui repart en croissance, que par les États-Unis dont la puissance hégémonique décline », a cadré Thierry Pouch, économiste pour les Chambres d’agriculture, lors d’une journée « Marchés mondiaux du lait et de la viande » organisée par l’Idele. « L’Union européenne est devant un triple défi : l’unité, la volonté et la capacité dans cette rivalité sino-américaine. Doit-elle choisir son camp ou affirmer ses intérêts ? »

Valoriser les normes environnementales

Aujourd’hui, elle affiche fortement l’une de ses valeurs, universelle : l’environnement qui va concerner fortement le secteur agricole. Ses rivaux pas encore… Toutefois, des signaux forts sont envoyés par les USA sur ce point : « Joe Biden a réintégré la Cop 21 et il mène une politique environnementale y compris dans son programme agricole avec des objectifs de réduction des intrants, de l’agro-écologie… »

Une étude a montré qu’une application unilatérale du Green Deal – pacte vert proposé par la Commission européenne – provoquerait un recul de la production en Europe. Mais ce pacte vert offre aussi des opportunités pour des négociations commerciales, pour refuser l’entrée de certaines denrées agricoles sur le territoire ou pour vendre des produits à affichage environnemental. « Au regard de la concurrence mondiale, nous devons mieux valoriser nos produits. Les normes environnementales peuvent être valorisées sur notre marché européen d’abord, avec un consentement à payer plus important, mais aussi à l’export (Chine, Japon, USA…) en direction des classes plus aisées sensibles à ces enjeux », précise Pilippe Chotteau, responsable du département Économie de l’Institut de l’élevage.

Vers un « impact zéro » des élevages irlandais

Pays fortement exportateur, l’Irlande fait preuve de dynamisme pour consolider ses marchés. « Nous souhaitons aller vers une production toujours plus durable et visons un impact zéro des élevages. Nous développons une démarche tournée vers les consommateurs et leurs attentes », indique Noreen Lanigan, directrice Europe et Amérique du Nord chez Irish Food Board. L’organisation, qui fait le lien entre les produits irlandais et les acheteurs, porte « Origin Green », charte nationale sur le développement durable lancée en 2012.
« Aujourd’hui, nous travaillons sur la réduction des emballages en plastique et la nutrition. Mais nous avons aussi identifié des démarches importantes pour l’avenir comme l’empreinte carbone, la biodiversité, la qualité de l’eau, l’agriculture régénératrice… Des études réalisées dans de nombreux pays européens montrent que les consommateurs souhaitent consommer ‘moins mais mieux’. »

Les jeunes bovins français appréciés des Allemands

La France et ses produits de qualité sont aussi valorisés à l’export. Ingmar Fritz Rauch, responsable achats-marketing-qualité pour un distributeur de viande et charcuterie en Allemagne (R & S), témoigne : « Nous proposons des viandes de qualité avec du goût, venant de France notamment. 70 % de notre chiffre d’affaires se fait en GMS et 30 % auprès des grossistes pour des boucheries ou magasins spécialisés. Pour notre marque Château Bœuf, nous n’utilisons que des jeunes bovins français de races mixtes ou viande. Nous mettons en avant le bien-être animal, les élevages familiaux de France, leur savoir-faire. En Allemagne, les élevages sont de plus grande taille. » Le distributeur précise : « Aujourd’hui, les consommateurs deviennent plus critiques, ils souhaiteraient aussi avoir des viandes nourries sans OGM. »

Recherche de valeur ajoutée

Autre exemple en Bretagne : la filière Ma Normande locale, qui commercialise des réformes bien finies de cette race, travaille sur une différenciation HVE (Haute valeur environnementale) de niveau 3, pour répondre aux besoins des cantines en produits de qualité. « Nos élevages herbagers utilisant moins de phytosanitaires entrent bien dans cette démarche. Il ne faut pas la voir comme une contrainte, elle offre de la valeur ajoutée », a souligné récemment Roger Brault, le président du collectif.

Reprise des échanges mondiaux

Le secteur alimentaire a plutôt bien résisté à la crise mondiale. Sur 2020, l’offre de bœuf mondiale est toutefois en recul. Au Brésil, la production a baissé de 3,4 % mais les exportations sont en forte hausse de 11 % participant au retour de croissance. Les pays du Mercosur sont toutefois très dépendants de la Chine. En Australie, la sécheresse a entraîné une chute de production de 12,5 % en 2020. Concernant le lait, la production mondiale poursuit sa hausse, mais les échanges se tassent depuis 2013 et sont en recul en 2020. Les laits infantiles sont moins vendus en Chine notamment en 2020. Si les échanges mondiaux ont fortement repris sur ce printemps, les prix des matières premières ont flambé en lien avec une demande mondiale soutenue, une pénurie de containers, des prix du fret maritime en hausse… Les cours des céréales et encore plus des oléagineux se sont envolés avec même un record historique pour le tourteau de colza. Depuis début mai, les prix sont toutefois en repli suite aux conditions climatiques favorables. Les tensions restent fortes sur le soja non-OGM du fait des problèmes en Inde, fournisseur quasi unique, et devraient se poursuivre jusqu’à la prochaine récolte en novembre. Philippe Chotteau de l’Institut de l’élevage


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