- Illustration Des taries sous la menace des Pseudomonas
L’infection à Pseudomonas peut parfois provoquer le décès de la moitié d’un groupe de vaches taries. « Mieux vaut avoir ses vaches sous les yeux pendant la période sèche », conseille Ivanne Leperlier.

Des taries sous la menace des Pseudomonas

Méconnues, insidieuses et parfois meurtrières, les mammites à Pseudomonas renvoient généralement à un défaut d’hygiène autour de la traite : lavage de la machine et des canalisations, nettoyage des faisceaux trayeurs et hygiène des lavettes… Dr Ivanne Leperlier fait le point.

Plusieurs vaches d’un lot foudroyées par une mammite juste après le tarissement. Le signe possible de la présence de Pseudomonas dans l’élevage. « C’est une pathologie année-dépendante. En Bretagne, on dénombre de 3 à 10 cas par an de troupeaux avec plusieurs mortalités », rapporte Ivanne Leperlier, en charge du dossier Santé de la mamelle à GDS Bretagne. Mais l’incidence est supérieure : « Plusieurs cas de figure existent quand la bactérie est présente : il peut ne rien se passer, les vaches sont “porteuses saines” ; isolément, un animal peut mourir, sans que l’éleveur ne pense forcément de prime abord à cette piste. Par contre, quand plusieurs gestantes sont emportées d’un coup, nous sommes alertés. » Dans ce cas, en effet, la perte zootechnique et financière est très importante pour l’exploitation.

Une bactérie très discrète pendant la lactation

Le genre Pseudomonas est insidieux. « Pendant la lactation, ces bactéries sont très peu inflammatoires ne provoquant quasiment jamais de cellules ou de mammite aigue. » Tant que le lait est tiré deux fois par jour, leur présence dans la mamelle reste discrète. Mais les choses se corsent à l’heure de tarir : « Résistantes à la majorité des antibiotiques, une fois que le traitement au tarissement a fait le ménage dans le quartier en éliminant Staphylocoques et Streptocoques, les Pseudomonas, si elles sont présentes, ont un boulevard pour se multiplier et produire leur toxine. » Généralement, deux à cinq jours après l’arrêt de la traite, brutalement, la vache tombe par terre. « Quand l’infection est déclarée, c’est de très mauvais pronostic. Le vétérinaire ne peut plus faire grand chose. »

Dès 2015, Ivanne Leperlier a mené des essais en partenariat avec des laboratoires fabricants de kits d’analyses. La spécialiste voulait notamment vérifier la présence des bactéries dans la mamelle en lactation, mieux connaître le cheminement qui mène à l’infection fatale et envisager des mesures préventives. Les premiers résultats ont montré un portage des bactéries par les taries de plus de 10 % des élevages suivis (7 sur 60). Des travaux complémentaires en 2018 sur le lait de mélange ont confirmé la répartition du germe dans les exploitations bretonnes. « Conclusion, on retrouve Pseudomonas dans les tanks et dans les pis. Et la contamination est possible dans les deux sens : des mamelles vers le tank comme de la tuyauterie vers la mamelle si la machine à traire est mal nettoyée et mal réglée… »

Attention au recyclage de l’eau de rinçage

« Les élevages concernés étaient très corrélés à des pratiques à risque. » En termes de qualité de l’eau : résultat défavorable en potabilité, forage positif en germes totaux ou entérobactéries… Ou d’hygiène autour de la traite : manchons usés, biofilm sur les coupelles de lavage et / ou dans les canalisations… « Parmi les erreurs majeures parfois mises en évidence, le non-respect des trois étapes de nettoyage de la machine ­—prélavage, lavage, rinçage— ou de la température de lavage », rapporte Ivanne Leperlier. Et de pointer les protocoles simplifiés « dangereux » où un lavage complet est effectué le matin et un simple rinçage le soir.

Autre mauvaise idée pour la spécialiste, le recyclage de l’eau de rinçage (3e cycle) de l’installation. « Récupérer et stocker ces 80 L à chaque traite est une minuscule économie par rapport au gros risque induit par son utilisation. Les éleveurs pensent que cette eau est décontaminée, mais certaines bactéries survivent. » Utilisée ensuite avec le surpresseur après la traite suivante, elle est projetée sur le sol des quais, mais aussi sur les faisceaux. « En dégoulinant, cette eau susceptible de contenir de très tenaces Pseudomonas va contaminer les manchons et les coupelles de lavage. » Et les mamelles des vaches en lactation par contact direct, en attendant le tarissement pour passer à l’action. Enfin, autre facteur de risque « énorme », l’entretien des lavettes. « Si un problème lié à Pseudomonas est confirmé, voire simplement suspecté, on les jette d’urgence. »

Quand suspecter Pseudomonas ?

En l’absence de vaccin, de traitement antibiotique ou de dépistage des vaches porteuses, mieux vaut éviter d’avoir affaire à Pseudomonas. Mais comment suspecter sa présence ? Une situation dégradée en germes totaux, « indicateur de la propreté », peut mettre la puce à l’oreille, rapporte Ivanne Leperlier. Mais surtout, le décès brutal d’une vache dans la semaine après tarissement doit alerter. « Si la présence de Pseudomonas se confirme, on jette les lavettes et on renforce les mesures d’hygiène. Si on a un doute sur l’entretien de la machine, on fait un choc base – acide, pour bien décaper le biofilm en enchaînant un prélavage lavage, un cycle avec une base puis un cycle avec un acide, avant le rinçage. »


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