Illuminations d’automne

En novembre, la campagne s’illumine. Phares de route, feux de travail, cabochons latéraux dopés par de puissants Leds : les semis de blé nocturnes se font désormais sous les feux des projecteurs. Dans les champs, c’est Noël avant l’heure. Le semeur n’abdique plus face à la nuit, vaincue par les torches électriques comme au temps des fêtes latines quand, flambeau en main, César traversait plus rapidement que la flamme du ciel les campagnes abandonnées par la charrue paresseuse. Aujourd’hui, la charrue ne paresse plus la nuit.

Que par la fée électricité la lumière soit. Adieu le flou sillon du disque traceur qu’il fallait jadis déceler sous la lumière jaune de deux phares blafards. Sous les « feux pénétrants de puissance professionnelle » la terre apparaît désormais comme sous les feux du soleil de midi. Rien n’arrête plus le tracteur laboureur, entraînant dans son sillage son semblable attelé au lourd combiné avant-arrière couronné d’un semoir. Perché à 2 m de haut, emporté par le son stéréo de sa cabine, le chauffer goûte à la puissance de la machine tout en tchatchant avec l’autre bout du monde ou avec son voisin de champ. Puisse la technologie du futur ne pas emporter de sitôt dans le sillon de l’oubli ce plaisir de semer le blé au cœur de la nuit.

Et pourtant, demain sonnera vraisemblablement la fin des semailles illuminées quand l’anonyme robot prendra les commandes du tracteur. Viendra alors le temps où la chute de la semence dans le noir de la terre sera ordonnée par la lueur imperceptible d’un ballet de satellites tournoyant autour de la Terre comme jadis les gyrophares scintillaient au milieu des champs.


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