Rudy Le Doyen fabrique entièrement ses instruments. La cléterie est personnalisable à l’infini. - Illustration Un facteur d’instruments dans le vent
Rudy Le Doyen fabrique entièrement ses instruments. La cléterie est personnalisable à l’infini.

Un facteur d’instruments dans le vent

Il faut arpenter les petites routes des Côtes d’Armor pour accéder à l’atelier de Rudy Le Doyen, facteur de son métier. Ici, pas de lettres à distribuer, mais une fabrication d’instruments traditionnels bretons.

Rudy Le Doyen est un artisan habile de ses mains ; il peut même être considéré comme un artiste. On dit souvent pour un sculpteur que l’œuvre est déjà présente sous le bois, le métal ou la pierre, et que lui ne fait que la mettre au grand jour. Pour un luthier, la tâche s’avère encore plus difficile, car l’œuvre d’art doit sonner juste. Une dimension musicale qui demande à son concepteur habileté et oreille exercée. « Le binioù coz est une octave au-dessus de la bombarde. Le moindre desaccord va s’entendre », confie-t-il. Une difficulté que le luthier sait relever, tout en créant entièrement des instruments beaux, uniques.

[caption id=”attachment_23036″ align=”aligncenter” width=”800″]Une fois assemblées, les différentes pièces sont tournées ensemble. Une fois assemblées, les différentes pièces sont tournées ensemble.[/caption]

Ébène, corne de vache et dent de cachalot

Dans son atelier de Plougras (22), les nombreux outils manuels côtoient de lourdes machines hydrauliques, comme le tour à bois, pilier de la fabrication. Celle-ci démarre par le choix des essences de bois : du buis, utilisé traditionnellement pour sa densité forte, à l’ébène, bois lourd d’une belle couleur noire, en passant par le palissandre ou le bois de rose, débarqué des tropiques. Le matériel organique fascine Rudy Le Doyen. « Les luthiers pouvaient utiliser du pommier ou du poirier, mais ces bois ne résistaient pas ». Le séchage, opération essentielle pour créer un instrument de qualité, demande de la patience : « Le buis sèche 10 ans avant d’être travaillé ».

La finesse de la lutherie sait aussi rendre solide la création. Ainsi, le pavillon de la bombarde est auréolé de corne de vache, un matériau aussi présent dans les viroles, le long de l’instrument. « La corne est déployée et devient malléable. Je tourne l’ensemble une fois chaque pièce assemblée ». Toujours à la recherche d’originalité, le facteur garde précieusement des bois de cerf, « car un couple se balade en forêt de Beffou (22) », ou plus surprenant, une dent de cachalot, peut-être prochainement utilisée pour un instrument qui ne manquera pas de mordant.

Chaque région a sa cornemuse

« La cornemuse a été un instrument phare des ménestrels au Moyen Âge ; chaque région avait sa particularité. Les binioù coz bretons possèdent un levriad (pièce où se posent les doigts pour jouer la mélodie) plus petit, donc plus aigu. Les Italiens jouent avec une cornemuse plus grave. Personne ne sait pourquoi ces particularités ont vu le jour ».
À son installation en 1999, Rudy Le Doyen a dû « apprendre à fabriquer sur le tas. Internet n’était pas développé comme maintenant, je prenais les cotes d’instruments existants pour les reproduire ». Après des études agricoles, le luthier s’est tourné vers un CAP facteur en instrument à vent, délivré à l’Institut technologique européen des métiers de la musique, au Mans (72), « ce qui m’a mis le pied à l’étrier pour réparer saxophones et autres flûtes traversières ». Sonneur sans faire de scène, c’est donc naturellement qu’il s’est orienté vers des instruments bretons.

Laisser le temps au chant

Difficile de chiffrer le temps de main-d’œuvre nécessaire à la fabrication, les demandes particulières de décorations viennent ajouter des heures passées à l’atelier au luthier. « Il faut compter 6 à 8 heures pour sortir l’instrument, tourné, poncé et séché. Reste à percer les trous, que je dimensionne à 1 mm au-dessous de la taille normale ». Le long travail commence alors, pour obtenir l’accord parfait. « L’accordage peut prendre plusieurs semaines : je ne joue pas des journées entières, car la pression exercée par les lèvres, fatiguées, ne serait pas la même ». Laissé de côté quelque temps, est alors repris par le fabricant l’instrument pour finir ce percement.

La cléterie ouvre la porte de l’imagination

Sur ses bombardes, Rudy Le Doyen travaille tout le système de clés qui, une fois actionnées, donne accès aux notes. Brasé à l’argent, le petit mécanisme est décoré, sculpté suivant la demande du client. Qu’ils soient en forme de cœur pour les musiciens amoureux, ou de poissons pour les pêcheurs avertis, les possibilités sont infinies. Un véritable chef-d’œuvre est même sorti de l’atelier, avec une bombarde entièrement sculptée sur le thème du loup. « J’aime utiliser des outils simples, pour graver de motifs le corps de l’instrument, et les sertir ensuite d’étain ». Le savoir-faire n’est pas encore perdu. Les instruments à vent retrouvent un second souffle avec des artisans créateurs qui allient modernité et tradition.

Où entendre les instruments de Rudy ?

« Traditionnellement, tous les bagadoù bretons se fournissent en instruments chez deux luthiers », explique Rudy Le Doyen. Pour sa part, ses bombardes et biniou koz peuvent être entendues lors de concerts de Jean-Pierre Riou, du groupe Red Cardell, des festoù noz des Diaouled ar Menez avec Yann Goasdoué, ou encore avec le talabarder Stéphane Foll.


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