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Essais : l’agronomie en a sous le pied

Installer une prairie par ci, épandre plus d’azote par là, diminuer la dose d’herbicide ici. À Chizé (89), le Centre d’études biologiques multiplie les essais chez les agriculteurs. Les résultats sont parfois étonnants.

La zone atelier Plaine et Val de Sèvre est une station expérimentale grandeur nature au sud de Niort (79). Une station de plein champ de 45 000 ha. Quatre cents exploitations sont en activité sur cette zone agricole essentiellement céréalière, mais l’élevage est encore présent. Sur ce secteur cohabitent des exploitations conventionnelles, mais le bio a connu un développement important ces dernières années. « On ne discerne pas forcément quelle parcelle est en bio ou pas », note au passage Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS et directeur de cette zone atelier. Comprendre que le cliché des cultures en bio avec plein de chardons et autres indésirables qui a la vie dure appartient au passé. « Le meilleur herbicide c’est le blé. Cette culture très compétitive élimine 90 % des adventices ».
Faut-il en déduire qu’il faut arrêter le désherbage des céréales pour avoir une culture propre capable d’exprimer un bon rendement ?

On y parle rendement économique

« Il s’agit d’abord de déterminer quelle réduction de dose peut accepter l’agriculteur sans perte de rendement supérieure à 3-4 %, par exemple », répond Bernard Bretagnolle. Au centre d’études biologiques de Chizé, on ne parle d’ailleurs pas forcément de rendement en quintaux par hectare, mais de rendement économique. « Un rendement économique qui peut être amélioré jusqu’à 200 €/ha de blé en réduisant par deux la quantité d’herbicide et d’engrais azotés ». Une recette qui est loin de fonctionner partout de façon uniforme, admet le chercheur. Tous les sols n’ont pas la même capacité à stocker et restituer l’azote.

Sans compter qu’il faut aussi bien mesurer l’impact sur la qualité de la récolte (présence de graines d’adventices au battage). Tous les agriculteurs savent en effet que la propreté d’une parcelle tient d’abord à une rotation adaptée et réfléchie, et que le rendement dépend parfois moins d’une dose d’ammonitrate que de la réserve d’azote disponible dans le sol (Il n’y a qu’à voir cette année le bon rendement des cultures de maïs après pâture dans les zones bretonnes qui ont été suffisamment arrosées).

Une question d’équilibre Quand on creuse la littérature scientifique, on s’aperçoit que ce sujet de l’équilibre écologique est peu étudié. Il existe au maximum une dizaine d’études sur ce thème, notamment au Danemark, aux Pays-Bas, etc., mais aucune n’est conduite en plein champ en y associant des agriculteurs utilisant des méthodes diversifiées sur un même territoire. Le fait de conduire les expérimentations directement sur le terrain nous permet d’explorer les relations entre la biodiversité et les activités agricoles. En conditions ultra-contrôlées des stations, ces interactions complexes du milieu ne peuvent pas être mesurées.Vincent Bretagnolle, chercheur CNRS

Profiter des interactions positives

Faut-il alors comprendre qu’en faisant moins, l’agriculteur gagne forcément plus ? Non. Il s’agit de faire autrement. Ou plus exactement de profiter des interactions positives entre environnement et pratiques agricoles.
C’est ce qu’il ressort des expérimentations conduites depuis 1994 par le Centre d’études biologiques de Chizé auquel sont associées 15 unités de recherche (CNRS, Inra, universités). La dernière restitution des travaux, présentée en juin dernier, concernait une expérimentation destinée à tester l’efficacité des herbicides et des engrais azotés ; avec cette particularité de s’appuyer sur le maillage des 400 exploitations d’un même territoire et de pouvoir ainsi multiplier les combinaisons et les comparaisons entre systèmes.

En résumé, il en ressort que le désherbage destiné à réduire la compétition avec la culture favorise le développement de plantes résistantes qui ne sont pas simplement coriaces mais voraces en azote. En clair, ces mauvaises herbes désormais sans concurrentes profitent de l’espace libre pour se développer et prospérer grâce à l’azote apporté à la culture ; l’adventice résistante devient ainsi concurrente de la culture.

Quand les mauvaises herbes font le rendement…

La réduction du nombre d’espèces de mauvaises herbes a un autre effet moins attendu : la période de floraison sauvage se trouve de fait raccourcie ce qui est préjudiciable aux insectes pollinisateurs. Dans la nature, le décalage de la floraison entre espèces assure une fourniture permanente de nourriture aux insectes. Un désherbage casse les cycles de floraison et entraîne des périodes de disette pour les insectes. Résultat, les colonies d’abeilles et les centaines d’espèces d’insectes sauvages peuvent se trouver affaiblis à des moments où les cultures en ont besoin pour exprimer leur rendement. « Augmenter d’un facteur dix l’abondance des pollinisateurs peut faire grimper le rendement de colza de 34 % », cite le chercheur.

Augmenter d’un facteur dix l’abondance des pollinisateurs peut faire grimper le rendement de colza de 34%.

Dans un secteur géographique donné, la variété des cultures et des modes de conduite peut compenser partiellement ce déficit de fleurs. Autrement dit, des coquelicots présents dans une culture bio pourront fournir jusqu’à 60 % de l’alimentation des colonies d’insectes. En parallèle, une prairie conventionnelle de trèfle ou permanente généralement riche en diversité florale constitue aussi un garde-manger bien garni pour les insectes. Sans parler du bocage qui foisonne d’espèces de fleurs pour les butineurs qui viendront ensuite travailler sur les cultures à des périodes ponctuelles. Sans faire de distinction entre bio ou conventionnel…


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