commercialisation-circuit-court-legume-maraicher-claire-regis-orieux - Illustration Les circuits courts courent après le temps

Les circuits courts courent après le temps

Parfois sous-évaluée, la charge de travail doit pourtant être considérée pour juger de la rentabilité de l’activité. 

A l’heure de se lancer dans l’aventure du circuit court, bonnes intentions et motivations sont souvent communes aux porteurs de projet : « Etre en prise directe avec le consommateur », « redonner du sens au métier », « capter davantage de valeur ajoutée »… Mais si bon nombre de producteurs disent s’épanouir pleinement sur ce créneau, beaucoup s’accordent à dire que la comptabilité du temps est trop souvent négligée.

Temps de vente sous-évalués

« Pour préparer notre projet de maraîchage en circuit court, nous avons visité plusieurs structures, »  se rappellent Claire et Régis Orieux, installés en production de légumes bio depuis 2011 à Trémereuc (22). « Partout, ce qui avait été sous-dimensionné par les paysans était le temps de commercialisation… » Chez eux, l’une des priorités est donc de « maîtriser les heures consacrées au commerce ». La récolte « chronophage » intervient les lundi et jeudi. « Ensuite, pour rationaliser notre programme, les créneaux de vente sont concentrés les mardi et vendredi : paniers, vente à la ferme, mais aussi tournées de livraison des restaurants… » Claire avoue : « en temps de travail, nous sommes au taquet. » 70 heures par semaine en été, 45 en hiver. « Je n’ai jamais été aussi fatiguée, mais je n’ai jamais été aussi heureuse. Et je n’ai jamais eu aussi peu de vacances, mais je ne les ai jamais autant appréciées », plaisante tout de même la jeune femme qui a travaillé dix ans auparavant comme salariée.

Une mutualisation pas toujours si évidente

Pour d’autres qui travaillent avec la restauration hors domicile (RHD), c’est le temps sur les routes qui est long et peut-être trop improductif. À la récente journée Circuits courts du réseau Bienvenue à la ferme, à Quessoy (22), Marie-Jeanne Avril, productrice de volaille à Andel (22), partageait par exemple son sentiment : « J’essaie d’optimiser mes circuits en approvisionnant plusieurs lieux à la suite. Mais par exemple, j’ai un client isolé à Plancoët, à 30 km de l’exploitation. À chaque fois, je me dis que c’est loin… » Trop loin ? « Je continue à le livrer, notamment parce que le cuisinier est sympa… » Il n’y a pas que la rationalité économique qui compte dans la stratégie de commercialisation des producteurs. Du côté des centrales d’achat, on invite souvent à la mutualisation des livraisons. « Je ne suis pas contre, mais je demande à voir. Car s’organiser à plusieurs, c’est parfois une nouvelle contrainte », lâche Marie-Jeanne Avril, un peu sceptique. Mathieu Gaillet, conseiller filières alimentaires de proximité dans les Côtes d’Armor, abonde. « On peut vouloir mutualiser le transport, avec un chauffeur, mais ce qui ressort des enquêtes auprès des cuisiniers est leur désir d’avoir du contact direct avec les producteurs. »

Chiffrer le temps dans le juste prix des produits

« Quand on fait de la vente, on regarde les choses froidement », explique Françoise Phélippot, consultante rennaise en commerce de proximité et vente directe. « Le prix tarif doit prendre en compte vos coûts : c’est un prix de revient additionné d’une marge. On parle bien de votre coût complet. » Pour elle, il est indispensable de « regarder le temps passé par rapport à ce qu’on a gagné. Par exemple, en livrant une GMS proche, je gagne moins au kilo, mais j’y passe moins de temps. Au final, je retombe sur mes pieds financièrement. » Elle regrette que le temps ne soit pas assez « chiffré ». Sans ça, « on a peu de frais et on a l’impression qu’on gagne bien sa vie ». Le calcul de « combien ça me coûte en réalité », Françoise Philippot assène qu’il « faut le faire au moins une fois au départ pour fixer le bon prix ou le juste prix de ses produits en comptabilisant des heures au Smic net. » Par ailleurs, elle croit beaucoup au marché de producteurs « qui se rapproche de l’endroit où sont les consommateurs dont beaucoup ne viendraient pas au marché à la ferme. Et là, en plus, on gagne du temps. » Toma Dagorn

L’avis de Joëlle Péron, conseillère nouveaux marchés, Chambre d’agriculture du Finistère

En 2013, notre étude auprès de 100 producteurs en circuits courts rapportait effectivement une charge de travail très importante. Car souvent les personnes ont au moins trois métiers : produire, transformer et vendre. Le facteur temps est régulièrement sous-évalué. Malgré le nombre d’heures passées les producteurs disent ne pas regretter leur choix et  bien vivre leur métier. La reconnaissance de la clientèle apparaît notamment comme un vecteur de satisfaction important. Et puis, sur le terrain, on découvre des solutions mises en place pour économiser du temps : mutualiser la production et / ou la commercialisation ; déléguer ou embaucher ; planifier et mener une réflexion stratégique (Comme réduire le cheptel pour mieux valoriser la production par exemple ; mieux s’équiper car certains investissement s’avèrent vite rentabilisés…


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