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Épandage de lisier : la directive donne le « Tonne » départ

La DN 5 a repoussé l’autorisation d’épandage du lisier sur terre à maïs du 15 mars au 1er avril pour le tiers de la Bretagne. Pas sans conséquence.

La 5e Directive Nitrates définit une zone où les épandages de lisier sur terre à maïs sont interdits avant le 1er avril. En 2015, ce jour marquera donc la fin des quotas laitiers et donnera le « tonne » départ. En attendant, en cette fin mars, cette contraction des chantiers génère du stress chez les concernés : les fosses des éleveurs sont pleines et les entrepreneurs de travaux agricoles cherchent comment faire autant mais plus vite. Une réglementation d’autant plus décriée que mars a été peu arrosé : les risques de lessivage étaient donc faibles et la portance assurée.

Un calendrier surchargé

À la SARL des Abers, à Ploudaniel (29), Jonathan Boulch et Yann Faujour avouent que l’épandage sur terre à maïs avant le 1er avril ne représente « que quelques journées. » Mais les associés sont préoccupés : « Ce sont encore des chantiers qu’il va falloir caser dans un agenda surchargé où s’enchaînent fin des fumiers, lisiers, labours et préparation des sols, semis, ensilages d’herbe et fenaison… La période la plus intense et la plus demandeuse en tracteurs et en personnel. Près de 2 mois à fond. »

À Plouvorn (29), la SARL Pellen a « une très grosse activité lisier avec un environnement d’exploitations qui délèguent tout. » L’inquiétude est bien plus grande. Si les laitiers ont pu déjà épandre sur céréales et prairies, « nous avons une forte concentration de porcins qui ont avant tout des surfaces en maïs », note Dominique Pellen, qui ne digère pas la nouvelle donne. « Depuis le 15 mars, les conditions sont bonnes. Cette interdiction est une aberration. » Il raconte, décontenancé : « Nous avons une liste de clients qui nous attendent au 1er avril. Ce n’est pas simple de savoir à qui donner la priorité… »

350 000 € pour un tracteur et une tonne

Alors pourquoi ne pas s’équiper d’un ensemble supplémentaire ou de matériel plus volumineux ? « Une aberration économique qu’on ne fera pas », prévient Dominique Pellen. « En capacité, nous sommes au maximum des charges autorisées sur route avec des cuves de plus de 20 000 L. » Jonathan Boulch embraye : « Et puis, il faut compter 150 000 € pour une tonne et plus de 200 000 € pour le tracteur devant… » Dominique Pellen clôt le chapitre : « Comment amortir un tel ensemble sur 15 jours de travail entre le 1er et le 20 avril ? » Avec le risque que « le tarif de la prestation augmente… » Le Finistérien entrevoit seulement de « ne pas revendre l’ancien au moment du renouvellement » pour disposer d’un attelage de secours. Mais ces ventes d’occasion jouent aussi un rôle dans l’équilibre financier des ETA…
« Et encore faudra-t-il avoir un chauffeur sous la main… Car on ne met pas un débutant ou un intérimaire là-dessus », reprend-il. «  Cela nécessite une connaissance approfondie des nouvelles générations de tracteur et de toute l’informatique embarquée », explique Jean-Marc Leroux, du syndicat régional des entrepreneurs. « Aujourd’hui, les systèmes d’aide à la conduite sont précieux pour des permanents avec de l’ancienneté », poursuit Dominique Pellen. « Mais un casse-tête pour qui n’est pas un chauffeur aguerri. »

Sans oublier qu’avec « un changement de parcelle toutes les 3 heures », l’expérience locale compte. « Sur les élevages, les fosses ne sont pas numérotées. C’est la connaissance des bâtiments et des lieux-dits qui permet de saisir les consignes », argumente Dominique Pellen.  « Le client peut demander de pomper sous la maternité pour une parcelle proche, puis d’épandre le lisier plus concentré de l’engraissement sur les îlots lointains pour éviter de perdre du temps sur route, tout en rappelant de ne pas passer à plein, comme d’habitude, sur la zone humide à tel endroit… Ces repères sont primordiaux. »

Éviter de travailler le samedi

Peut-être rallonger les journées alors ? « Franchement, demander des heures supplémentaire aux salariés à cette période n’est pas satisfaisant », répondent les professionnels. Profiter de l’autorisation de travailler le samedi ? « Ça n’arrivera que si nous n’avons pas le choix », lâche Dominique Pellen. Aux Abers, on acquiesce : « Cela donne un peu de souplesse. Mais si possible, nos chauffeurs ne travailleront pas le samedi. Si la météo est bonne et qu’il faut sortir, ce sera à nous, les 3 associés, de faire le fusible le samedi. Au final, nous serons plus fatigués et cela se fera aux dépend du temps passé à l‘entretien à l’atelier… » Travailler de nuit ? « On le fait déjà parfois. Grâce à la qualité des éclairages et au GPS des tracteurs et au DPA sur les tonnes pour gérer la dose, c’est aujourd’hui plus simple », concède Yann Faujour, à Ploudaniel. « Mais la condition est de trouver des chantiers adaptés : sans riverains pour ne déranger personne. » Et puis, physiquement, « c’est difficile de tenir le rythme », ajoute Dominique Pellen.

Le problème est proche d’être insolvable. D’autant que la pluie peut limiter les fenêtres d’intervention et concentrer encore les chantiers. Il faudra donc encore s’adapter en rêvant d’hypothétiques autorisations basées sur « davantage de bon sens paysan. » Et Dominique Pellen, frustré, de conclure : « La vraie solution ? Revenir à la possibilité d’épandre au 15 mars quand les conditions sont bonnes, quitte à ce que les rampes à pendillards ou enfouisseurs soient obligatoires. » Toma Dagorn

L’avis de Dominique Pellen, Entrepreneur de travaux agricoles à Plouvorn (29)

Il ne nous faut que 5 minutes pour pomper le lisier et 5 minutes pour l’épandre. Optimiser les chantiers passe par perdre le moins de temps possible sur route. Il ne faudrait pas de trajet au-delà de 10 km. Le top serait le développement des échanges parcellaires pour rationnaliser les parcours.

Autre solution, que des fosses à lisier annexes soient présentes près des lieux d’épandage. On pourrait alors y transférer le lisier en période creuse. Car quand fosse et parcelle sont très proches, la rotation dure 15 minutes et nous épandons jusqu’à 100 m3 / h. Mais vu le coût du béton, ça ne se développe pas. On peut juste l’imaginer sur des sites secondaires où il y a déjà des fosses qui ne servent plus.


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