manche-couteau-opinel-sculpture - Illustration Ronan se joue du couteau Opinel

Ronan se joue du couteau Opinel

Depuis 30 ans, Ronan Pondaven joue du couteau en personnalisant les manches de la célèbre marque grâce au recours à la sculpture en haut relief. 

« Aujourd’hui, je sculpte entre 400 et 500 manches d’Opinel par an », confie fièrement Ronan Pondaven. Ce Finistérien boulimique de son art, bien assis dans son canapé, préfère se faire un « plateau couteau » qu’un plateau repas. C’est là, confortablement installé chez lui, « mais aussi, chaque fois que c’est possible devant le grand public, sur les foires et lieux d’exposition pour montrer que tout est fait main, qu’il n’y a rien de collé », qu’il produit. Laissant libre cours à son imagination ou répondant aux exigences d’une commande, pour que chaque lame corresponde à chaque âme.

Tournevis de précision et scalpel de chirurgien

Le processus de création est toujours le même. D’abord, « poncer au papier de verre » pour retirer le vernis du manche du couteau. « Ma petite corvée », soupire Ronan. Puis tracer le modèle au crayon à papier et effectuer une petite découpe au cutter pour « bien délimiter la partie à travailler. » Ensuite vient « la sculpture en haut relief » proprement dite. « Depuis 30 ans, je travaille avec les mêmes outils, 2 cutters et d’autres que j’ai fabriqués moi-même : un ciseau à bois pour les petits détails, des tournevis de précision que j’ai affutés et un scalpel légué par un chirurgien… » Puis, les angles du motif sont arrondis « pour que le client ait le manche bien en main, sans arêtes vives. » Un nouveau ponçage précède l’étape de la teinture « avec des stylos à encre de Chine qui pénètre dans le bois contrairement à la peinture. » Enfin, quatre couches de vernis font office de finition. Sans oublier la signature « Pondaven », à l’encre de Chine, qui atteste de l’auteur.

[caption id=”attachment_5318″ align=”aligncenter” width=”800″]Dans son plateau, ses outils Dans son plateau, ses outils : cutters, tournevis de précision affûtés, scalpel de chirurgien…[/caption]

De deux heures à quatre jours par pièce

Pour un motif simple, « type Triskel ou Hermine par exemple, avec une seule teinte », la personnalisation d’un couteau est réalisée « en deux heures tout compris. » Par contre, pour des « sculptures totales, concernant le devant et le derrière du manche, avec des évidés, plusieurs teintes de coloration… comme un totem ou une licorne », le temps de travail explose, « jusqu’à 4 jours par pièce. » Le prix final, dans une fourchette de 30 à 100 € l’Opinel, dépendra d’ailleurs de la complexité de la réalisation.

[caption id=”attachment_5316″ align=”aligncenter” width=”800″]Ronan sculpte patiemment les manches d’Opinel depuis bientôt 30 ans Dans son canapé ou devant les gens sur les marchés, Ronan sculpte patiemment les manches d’Opinel depuis bientôt 30 ans.[/caption]

Chez lui, Ronan possède une incroyable collection de couteaux qu’il a revisités. Ces derniers retracent les 30 ans de cheminement de son art. Une histoire incroyable qui a commencé un peu par hasard, dans les profondeurs des mers, à l’intérieur d’un sous-marin nucléaire ! « J’étais militaire, mécanicien dans la marine. La nuit, pendant nos permanences à la surveillance des machines, les autorités nous incitaient à avoir une activité. Depuis l’enfance, j’aimais peindre. Malheureusement, les toiles avaient beaucoup de difficultés à sécher dans l’atmosphère confinée du sous-marin. Et puis, c’était une activité encombrante. » Le déclic ? En 1985, un collègue lui demande de peindre le manche de son Opinel. « J’ai trouvé que c’était mieux de le sculpter et j’ai réalisé un petit totem. Il l’a montré aux autres et tout le monde voulait son couteau… Puis la famille et les amis ont voulu le leur… » De fil en aiguille, d’escale en escale, de vacances à l’étranger où il partait « à l’aventure » en rencontres d’autochtones et de globe-trotters, son inspiration se nourrit et son coup de main s’affûte. « Masques africains ou polynésiens, totems de l’île de Pâques… Partout où je suis passé, je me suis intéressé à l’artisanat du bois. J’ai même offert des Opinel aux Pygmées au fin fond de la forêt primaire au Cameroun… »

Retraité de l’armée en 2000, ces créations sont devenues un véritable métier qui occupe une bonne partie de son temps, « entre la production pour répondre à des commandes particulières ou préparer le stock pour l’été et la période de Noël et la présence sur les marchés, foires et expositions… »

Sur commande, vache de concours, logo, gibier…

Anniversaires, départs en retraite, cadeau de Noël, souvenirs clins d’œil… Les commandes particulières se multiplient, des plus simples aux plus farfelues. « Blasons de famille, insignes de régiment militaire, logos d’entreprise ou de club de foot, Marseille et Paris en tête et Guingamp quand l’équipe a gagné la Coupe de France… »

Les chasseurs et les pêcheurs sont également amateurs de « bécasse, chevreuil, sanglier, faisan, champignon ou de tous les poissons d’eau de mer ou d’eau douce, avec en tête le bar et la truite. » La dernière originalité ? Deux couteaux pour de jeunes mariés avec Minnie et Mickey en tenue de cérémonie. Il y aussi chaque année la demande d’un membre de la garde du prince de Monaco pour un manche présentant « un carabinier en tenue. » Pour un éleveur, il a sculpté la fidèle reproduction d’une vache qui participait au Concours du Salon de Paris. Chevaux, 2CV, traction, DS, cornemuse, guitare, bombarde, voilier, trois-mâts, phare…
À partir d’une image, il reproduit, personnalise en plus de ses « classiques. »

Les faveurs de M. Opinel

Mais avant d’acquérir cette reconnaissance, il aura fallu une étincelle. Au début de l’aventure, un de ses amis lui parle de la revue « La passion des couteaux » à qui il envoie des photos de ses réalisations. Le rédacteur en chef, sous le charme du travail de Ronan, lui accorde « un reportage coup de cœur » et publie sur une double page une quinzaine de ses couteaux sculptés. Un coup de projecteur qui aura des répercussions. « Suite à la lecture de l’article, M. Opinel en personne m’a appelé pour m’acheter tous les modèles présentés dans le magazine », raconte avec émotion Ronan qui n’avait encore jamais donné un prix à ses travaux. « On s’est mis d’accord et je lui ai fait parvenir les pièces. » Le journaliste prolonge aussi son intérêt en faisant de l’artiste breton « l’invité d’honneur du Salon d’art du couteau à Paris. Là-bas, j’ai rencontré M. Opinel en chair et en os et je lui ai demandé son accord pour continuer mes sculptures. Il me l’a accordé. » Car ne customise ou ne détourne pas un objet breveté, sans autorisation, qui veut.

Adoubé par les propriétaires de la marque, Ronan a eu le privilège rare de visiter « trois fois » l’usine de production de Savoie d’où il reçoit directement ses pièces. Il est probablement le seul sculpteur en haut relief d’Opinel, « le couteau le plus vendu au monde, avec son manche tout en bois qui propose vraiment de la matière pour s’exprimer. » Au point que son travail est reconnu par-delà les frontières, se faisant souvent connaître par le bouche à oreille. Des Pondaven, il y en a aujourd’hui dans les poches d’Américains, de Canadiens, d’Australiens et autres Européens. Une petite revanche pour ce « passionné » : à l’école, les professeurs avaient tout fait pour le décourager d’embrasser une « carrière dans l’art, la peinture… » Mieux vaut tard que jamais.

Contact : Ronan Pondaven, Kersaint-Plabennec (29) Tél. : 02 98 02 50 05 / 06 80 98 21 73 – Mail : ronan.pondaven@sfr.f


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