Cet été avec les vagues de chaleur, les départs de feu pendant les moissons se sont multipliés, soulignant l’urgence de prendre en compte ce risque accru par le réchauffement climatique. Certains agriculteurs n’ont d’ailleurs pas attendu de voir leur matériel brûler en plein champ pour agir. Sur un de ses tracteurs, Jean-Marc Avril a installé une réserve frontale de 800 litres reliée à un tuyau sur enrouleur. « J’attèle ce tracteur à mon big baller parce je sais qu’à la moindre étincelle une paille fine peut s’enflammer… Avec ce système, on peut contenir un début de feu ». Mais l’éleveur va plus loin : « Chaque année, en début de saison, j’organise un entraînement parce qu’en cas d’incendie, on est plus dans la panique que dans la réflexion. Il faut que le geste soit sûr, qu’il n’y ait pas de question à se poser… Je l’ai déjà utilisé à la fin d’un chantier de paille. Il y avait du vent, de la poussière et il faisait très chaud. On a préféré arroser le pick-up de l’ensileuse de peur que le feu y couve ».

Entretien philosophique
À l’écouter parler, les mots ‘‘Jean-Marc Avril’’ et ‘‘prévention – Sécurité’’ se confondraient presque tant ils semblent, chacun, inscrits dans la culture de l’entreprise : « On est le fruit de son éducation, reconnaît-il, mon père était déjà très exigeant dans ce domaine. Pour nous, il s’agit avant tout d’un travail d’équipe, d’observation, de concertation. Je suis très attentif à la formation de mes salariés et apprentis et je trouve important de l’organiser à des moments choisis pour avoir le temps de bien expliquer les choses. La sécurité dépend aussi de l’entretien du parc et ça c’est dans notre philosophie parce que ne pas bien entretenir son matériel finit toujours par coûter cher. S’en passer, c’est risquer l’accident. Mieux vaut prévenir que guérir ! ».
Ne pas bien entretenir son matériel finit toujours par coûter cher
Un travail au quotidien
Il faut dire que sur le plan matériel, le parc de l’EARL Avril est conséquent (voir repères). « L’idée, c’est de pouvoir amortir ce surcoût d’investissement en matériel par des prestations dans les fermes alentours : épandage, semis de maïs, pressage de paille et de foin… ». Mais comment l’équipe de Jean-Marc Avril parvient-elle, au jour le jour, à relever le défi d’entretenir un tel parc ? L’éleveur n’hésite pas une seconde : « La réponse est dans la question : c’est un travail au quotidien. Ici, on fait nous-mêmes l’entretien donc on sait comment fonctionne le matériel, on connaît les gestes de sécurité avant d’intervenir : placer une chandelle quand on démonte une roue, purger la pression avant de travailler sur un circuit hydraulique…
Autre point important : la propreté. On fait très attention à avoir des tracteurs propres, des vitres propres, des rétroviseurs en état. Il nous est arrivé d’avoir un klaxon hors d’usage. On était perdu ! Je veux dire que si on s’était retrouvé à plusieurs à manœuvrer dans la cour et que, malencontreusement, l’un d’entre nous s’était rapproché de ce tracteur au klaxon défectueux, son conducteur n’aurait pas pu l’avertir. Voilà comment arrive un accident dû à un problème déjà identifié ! On se doit de réparer avant qu’il ne nous tombe dessus. Ici, la sécurité est toujours une priorité ».
Pierre-Yves Jouyaux
Repères : EARL Avril ; Ferme laitière ; 100 ha (82 ha cultures fourragères, 18 ha en herbe) ; 140 VL 2 salariés + 1 apprenti ; Travaux de battage, ensilage maïs et fauche confiés à une ETA ; Parc matériel : 4 tracteurs – mélangeuse – 2 plateaux à paille – semoirs – pulvérisateur – faneuse-andaineuse – big-baller – 2 tonnes à lisier ; Prestation en travaux agricoles : épandage, semis de maïs, pressage de paille et de foin.
Rien ne sert de courir
Vincent Rubin, expert sinistre en matériel agricole chez ‘’Alliance expert’’ nous donne son point de vue sur la notion de « culture de la prévention ».« La prévention doit effectivement se pratiquer au quotidien. Quand j’interviens après un sinistre matériel, par exemple une tonne à lisier couchée dans un fossé, mon argumentaire est de dire à l’exploitant qu’à vouloir aller trop vite – en s’exonérant du nettoyage du vitrage ou en roulant au-dessus de la vitesse autorisée – il peut se retrouver avec trois semaines, voire trois mois d’indisponibilité de son engin… Autrement dit, à vouloir gagner un peu de temps, il peut en perdre énormément. Même si je reconnais qu’en période de récolte, il est difficile de résister à l’envie d’en faire un maximum si on bénéficie d’une fenêtre météo favorable.La prévention, c’est comme boucler sa ceinture de sécurité : ça doit être systématique. Une bonne organisation du quotidien permet d’éviter l’accumulation de fatigue et de charge mentale. Jean-Marc Avril offre un bon exemple de ce qu’on peut faire sur sa ferme dans ce domaine. Dès qu’il entreprend quelque chose, il a toujours le mot sécurité en tête ».