Madagascar a « techniquement tout pour que son agriculture fonctionne, avec de l’eau, des sols fertiles, de l’élevage et des gens courageux. Le maraîchage est très présent, avec des tomates, des choux, des haricots, du pois, mais aussi de la vanille ou du cacao », énumère Maët Le Lann. La responsable de la station de recherche de la Chambre d’agriculture d’Auray (56) s’est rendue en mission technique sur cette île. 15 jours de présence sur place, « ce n’est pas suffisant, mais c’est indispensable pour comprendre la situation ».
Il y a de l’eau, des sols fertiles, de l’élevage et des gens courageux
Pendant les visites, la Bretonne a pu se rendre compte des problématiques rencontrés par les paysans, comme « la mauvaise qualité de nombreux fruits et légumes. Les tomates sont de petit calibre à cause entre autres de la Tuta absoluta. Les producteurs sont parfois dans des impasses techniques, les cultures sont chétives, les fleurs avortent ». Concernant la logistique, « on m’avait expliqué que les routes étaient en mauvais état. Mais je n’avais pas compris que souvent, il n’y a pas de route, les piétons vont plus vite que les 4 x 4 ». Le transport chahuté des marchandises, avec des camions remplis à ras-bord, « ne permet pas de livrer des tomates de qualité quand les caisses sont secouées pendant 4 heures ».
Pas ou peu d’équipements de protection
« 80 % des produits phytosanitaires identifiés dans la région sont interdits ici, en France. Certains sont CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques). Ce sont les femmes qui traitent les cultures sans EPI (équipement de protection individuel), ou très peu : le dernier mis en place sont des chemises à manches longues ». La solution chimique arrive « toujours dans l’itinéraire technique, les produits phytosanitaires sont partout. Ils sont à spectre large, je n’ai d’ailleurs pas vu d’auxiliaires dans les champs. Il existe aussi selon moi un problème de diagnostic, car on considère qu’à partir du moment où un insecte est dans la culture, il ne peut être que néfaste ».
Maët Le Lann a pu remarquer des dépérissements racinaires sur aubergine. L’explication de ce mal est difficile à trouver : « On ne sait plus ce qui est la cause de la conséquence, s’il s’agit d’un manque ou au contraire d’un excès d’eau. En effet, pour irriguer, il existe des tours d’eau suivant l’endroit où on se situe par rapport à la rivière, le producteur arrose même si la plante n’en a pas besoin ». L’île africaine connaît dans sa partie nord « un climat sec et venté, plutôt sain au moment où nous y étions ».


Le travail commence maintenant
La responsable estime que « ma mission a réellement démarré à mon retour en France ». Après avoir constaté les problématiques de terrain, place à l’aide à distance, à la création de fiches de suivi, à l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques qui reprendra des conseils comme « l’utilisation de solutions alternatives, la gestion des rotations et de l’arrosage, l’utilisation de semences saines ». Pour ces semences, Maët Le Lann s’est mise en contact avec des maisons grainières afin de tester sur l’île des semences de tomate dans des conditions pédo-climatiques malgaches. « Les solutions de biocontrôles existent aussi là-bas, il ne reste qu’à accaparer la technique ». Pour les fiches de suivi, les techniciens de l’UM vont noter les dates, les observations à la parcelle, identifier les bioagresseurs, les auxiliaires… pour élaborer un diagnostic technique. « Les producteurs et techniciens que j’ai rencontrés ont l’envie d’apprendre et de monter en compétences, leur courage force le respect », conclut-elle.
Fanch Paranthoën
On ne jette jamais de la semence
En ce qui concerne les graines, « une semence est une semence. Tout se vend, se troque, même si elle est virosée. On ne jette jamais les semences ». L’organisation paysanne UM a toutefois su développer une filière de qualité, avec « le riz parfumé Madame Rose, possible grâce à un gros travail de sélection ».
Changer de discours
La station d’Auray « accueille depuis toujours des délégations malgaches. Depuis mon voyage, je me suis rendu compte que nous étions parfois ‘hors-sol’ sur leurs problématiques travaillées. Désormais, j’aborderai les choses différemment ». En guise d’exemple, Maët Le Lann cite le sujet de la main-d’œuvre et le message qui consiste à dire « qu’il faut être attractif pour garder ses salariés. Pour un Malgache, c’est inaudible : ils travaillent pour manger ». Produire pour s’alimenter, l’essence même de l’agriculture, que l’on oublie trop vite en métropole quand nos assiettes sont toujours pleines. Un message qui animera sans doute la station d’Auray le 11 septembre, jour d’une porte ouverte technique avec entre autres la présence de Afdi.