On les croise parfois au petit matin, à une station-service. L’après-midi, on les aperçoit, courbés dans les champs sous tous les temps. Discrets, efficaces, ils sont souvent invisibles. Les travailleurs étrangers œuvrent dans l’ombre des pays riches. Indispensables et indésirables, comme en Californie où des patrouilles les traquent comme du gibier dans les vergers. L’image du 10 juin a choqué : des ouvriers agricoles poursuivis par la police de l’immigration au cœur des champs. Chasse à l’homme, au sens littéral. Et pourtant, sans eux, pas de récolte. Pas de fraises. Pas d’amandes. Pas de salade.
Un tiers de la main-d’œuvre agricole en Espagne et en Italie
L’Europe regarde. La France regarde. L’UE regarde l’Amérique, souvent pour l’imiter. Mais jusqu’où ? Nos campagnes européennes manquent de bras, notre démographie vacille. Que fait-on ? On « externalise », on « sous-traite », on « délègue ». Mots pudiques pour désigner ces milliers de saisonniers venus d’ailleurs, utiles mais observés avec soupçon.
En Californie, 60 % des ouvriers agricoles sont sans papiers. Essentiels en 2020, « clandestins » à expulser en 2025. L’UE suivra-t-elle ce virage cynique ? Car la situation n’est guère différente en Europe où les étrangers représentent un tiers de la main-d’œuvre agricole en Espagne et en Italie. En France aussi, le recours à ces salariés venus d’ailleurs augmente.
La peur du déclin, le mirage d’un retour à l’autonomie nationale, alimentent les réflexes les plus durs. Mais qui, demain, vendangera nos raisins ? Qui plantera nos échalotes ? Qui désherbera nos salades ?
Refuser d’ouvrir les yeux, c’est à terme préférer le champ vide à l’accueil organisé. C’est croire qu’on peut nourrir une nation sans la main de ceux qu’on méprise facilement sans motif. Et si le vrai scandale n’était pas leur présence, mais notre duplicité ?