C’est l’un des paradoxes les plus féconds de la construction européenne : un projet conçu pour désarmer l’Europe est devenu une immense politique agricole. Et ce basculement doit beaucoup… aux États-Unis.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les priorités sont claires : empêcher le retour des nationalismes (Cela résonne à nouveau aujourd’hui), intégrer l’Allemagne de l’Ouest, et contenir l’URSS (déjà…). Le 30 octobre 1949, Dean Acheson, secrétaire d’État américain, presse Paris d’ouvrir la voie à l’intégration de la RFA dans le bloc occidental pour qu’elle ne se laisse pas séduire par le bloc communiste. L’objectif ? Bâtir une Europe forte, autonome, démocratique, alignée sur les États-Unis.
L’histoire ne tient pas en un tweet de 280 caractères
Les États-Unis n’ont pas seulement dessiné ce cadre géopolitique : ils l’ont aussi financé. Le plan Marshall – que l’on réduit trop souvent à une relance industrielle – a largement contribué à la modernisation agricole. Tracteurs, engrais, semences, silos : c’est l’agriculture européenne qu’on remet sur pied, pour éviter famines, instabilité… et tentations soviétiques. Washington ne craignait pas une Europe agricole puissante ; il la voulait nourricière et stabilisatrice, et bon partenaire commercial.
C’est ainsi que la Pac, quelques années plus tard, devient la colonne vertébrale du projet européen. Pas par romantisme paysan. Mais parce qu’une agriculture solide, structurée, solidaire, répondait aux deux grandes angoisses du moment : la faim et Moscou.
Donald Trump, qui voit dans l’UE une machine hostile contre les États-Unis, semble ignorer que ce sont précisément les Américains qui ont incité, soutenu – et parfois poussé – les Européens à s’unir. Mais il est vrai que l’histoire ne tient pas en un tweet de 280 caractères. Et encore moins les réflexions visionnaires d’un Franklin Roosevelt ou d’un Harry Truman.