Saint-Brieuc (22)
Peu de gens connaissent le rôle des Archives départementales. Historiens amateurs ou professionnels, professeurs, étudiants ou journalistes viennent y consulter des documents originaux sur leurs sujets de recherche. Dans le secteur de l’urbanisme, certains viennent chercher des plans d’origine de bâtiment. « Moins connu, nous recevons aussi des généalogistes mandatés par des notaires dans le cas de succession », explique Vincent Le Gall, chef du service Public et territoire aux Archives de Saint-Brieuc (22).
22 km linéaires d’archives à Saint-Brieuc
Le citoyen est une autre catégorie de visiteurs : « Des gens qui ont un problème à régler viennent chercher des preuves ou des arguments sur des questions de droit de passage ou de propriété d’un mur mitoyen par exemple. Après le confinement, une personne est venue en quête de son jugement de divorce datant des années 80… »
Collecter les archives publiques de 430 services
L’institution est chargée de la collecte des archives publiques qui ont un caractère réglementaire. Cela concerne les documents de la préfecture et des services de l’Administration, des tribunaux, des offices publics de HLM, des notaires (au bout de 75 ans)… « Nous comptons ainsi 430 services producteurs d’archives publiques », précise Marie-Aude Picaud, chef du service Fonds et collections. « Pour beaucoup, il y a une obligation de verser leurs documents aux Archives. Uniques, ils ont souvent une valeur juridique et patrimoniale. » La structure a aussi une mission de conseil auprès des services déconcentrés de l’État (tribunaux, hôpitaux, écoles…) : « Nous expliquons comment trier les documents et assurer un bon archivage. » L’élimination de documents officiels doit d’ailleurs passer par une autorisation préalable de la direction des Archives.
Une fois dans les murs, les fonds sont classés et conservés. « Pour chacun, nous réalisons une analyse des documents et produisons un instrument de recherche avec une introduction détaillée et un inventaire précis. » Si, aujourd’hui, encore peu de documents sont numérisés, les inventaires sont interrogeables en ligne.


Quasiment aucune archive sur l’agriculture
« Même si l’archivage numérique change la donne », le bâtiment datant des années 80 a été récemment agrandi pour passer de 22 à 36 km linéaires d’archives (6000 m2). « Actuellement, nos documents occupent près de 22 km », calcule Marie-Aude Picaud. Les archives publiques concernent 95 % du volume, s’y ajoutent 5 % d’archives privées derrière lesquelles se cachent les destins de femmes et d’hommes. Les deux types d’archives sont « extrêmement complémentaires et à regarder en parallèle » pour raconter une époque ou la trajectoire d’un territoire, insistent les spécialistes.
Dans les Côtes-d’Armor, la politique interne s’est orientée depuis longtemps sur la réception des archives des architectes privés. « Mais aujourd’hui, nous cherchons à diversifier notre collecte », confie Vincent Le Gall. Interrogée par le Conseil départemental dans le cadre de son plan Alimen’Terre d’Armor, l’équipe a constaté avoir peu d’archives publiques et encore moins privées sur l’agriculture, secteur pourtant essentiel et omniprésent du territoire. Elle lance donc un appel pour accueillir des fonds documentaires à portée agricole. « Potentiellement, tout nous intéresse : la vie d’une ferme à travers les générations, le développement d’une coopérative, les partenaires des agriculteurs, la mécanisation et l’outillage, les circuits de commercialisation… » Pour mieux comprendre, Marion Bizien, responsable de la collecte des archives privées, décrit deux ressources accueillies récemment. « Ici, nous avons un peu le fonds rêvé qui contient un ensemble de documents datés de 1883 à 1953 racontant une ferme de Ploubalay : photographies montrant les tenues de travail ou de fête, correspondances, livre de comptes, factures, journaux de bords retraçant l’activité quotidienne avec des termes d’époque et précisant des informations sur la météo, permis de conduire, carte d’identité, mérite agricole… » Il y a à la fois des éléments de vie professionnelle et de vie privée qui peuvent être mis en perspective, explique-t-elle. L’autre fonds concerne la création de la beurrerie coopérative du Trieux dans les années 50 avec une correspondance, le procès-verbal d’assemblée générale, un plan d’atelier, les modalités de calcul du prix du beurre, le portrait d’un des cofondateurs Jean Madoré…
Toma Dagorn
Pour proposer un ensemble de documents : 02 96 78 78 77 ou archives@cotesdarmor.fr
L’histoire familiale devient bien commun
« Les gens ne se rendent pas compte de la valeur de leurs documents. Il ne faut pas minimiser la petite histoire d’une famille lambda. », explique Vincent Le Gall. En confiant un fonds, les documents vont être conservés en bonne et due forme. « C’est un beau geste. Cette mémoire vive ne va pas s’éteindre. Il y a une notion de transmission et de démarche citoyenne : le fonds devient un bien commun pour laisser une trace de la famille, d’une entreprise, d’un domaine d’activité et prendre part à l’Histoire. Il peut intéresser lors de recherches universitaires sur la modernisation, le rôle des femmes dans les campagnes, le remembrement… »