Jean-Paul Durand est installé à Saint-Pôtan (22) depuis 1991. Ancien producteur de fraises sous serre, il a maintenant cédé cette activité en 2023 pour se concentrer uniquement sur des cultures céréalières. Sur ses 88 ha, répartis sur deux sites distants d’une douzaine de kilomètres, il cultive du blé, du maïs et du colza. Depuis 2011, il fait partie d’un groupe Dephy animé par la Chambre d’agriculture de Bretagne.
Le non-labour limite la battance
Être l’écoute de son sol
La fertilité des sols a toujours intéressé l’agriculteur. « Je pense que cela me vient des fraises, où il faut produire des fruits avec une petite portion de terreau. Cela demande beaucoup de suivi et d’être vigilant sur les apports d’oligoéléments par exemple. Pour moi, la vie du sol est la base de tout. » Sur l’exploitation, le labour reste très ponctuel. Depuis une quinzaine d’années, Jean-Paul Durand préfère le chisel à la charrue. Avant maïs, les terres ne sont jamais labourées. « Cela préserve la matière organique et limite la battance de mes sols limoneux. »
Lutter contre les ray-grass
Cependant, la présence de ray-grass résistants dans certaines parcelles l’a contraint à ressortir sa charrue occasionnellement, tous les trois ou quatre ans en moyenne, et notamment entre un maïs et un blé. Pour contrer l’adventice, le Costarmoricain recherche également de nouvelles cultures pour allonger sa rotation, à l’instar du pois, de la féverole, du tournesol ou du lin. Les couverts végétaux sont intégrés au système depuis environ 25 ans. Pendant les longues intercultures, entre une céréale et un maïs, le sol est systématiquement occupé. « J’ai commencé à en faire avant même que cela soit encadré par la réglementation », souligne Jean-Paul Durand. « Aujourd’hui, je ne pourrais pas m’en passer. »
Un sol vivant
Le 11 mars, le groupe Dephy s’est réuni sur une parcelle de Jean-Paul Durand pour observer son sol. Précédemment implanté en blé après un labour, le champ était couvert avec de la phacélie pour l’hiver. Du maïs y sera semé au printemps.
Le profil 3D réalisé au télescopique a révélé un sol en bonne santé, malgré une légère zone de compaction à 30 cm sans conséquences pour l’implantation de la culture. « Les mottes se cassent bien et leur structure est grumeleuse », explique Frédérique Canno, conseillère agronomie à la Crab et animatrice du groupe. « Leur odeur de champignon indique une bonne dégradation de la matière organique et non un pourrissement. » De plus, des racines étaient présentes jusqu’à 60-70 cm de profondeur, indiquant un sol peu tassé avec une vie biologique importante.
À la suite de ces observations, l’agriculteur a pris la décision de ne pas décompacter la parcelle avant l’implantation du maïs.
Alexis Jamet
Impliquer les jeunes
Dans le cadre du projet Tanggo (Transmettre l’agroécologie aux nouvelles générations avec les groupes), les élèves de BTS Acse de la Ville Davy ont évalué la fertilité chimique, physique et biologique des parcelles des agriculteurs du groupe Dephy. Une parcelle était sélectionnée par exploitation. Les étudiants ont notamment mesuré la compaction des sols, leur activité biologique ou encore l’activité de la matière organique.
Travailler sur l'autonomie de décision
Opinion – Frédérique Canno – Ingénieur réseau Chambre d’agriculture
Ce groupe Dephy existe depuis 2011 et est aujourd’hui constitué de 12 exploitations, dont trois membres historiques. À l’origine, les agriculteurs engagés souhaitaient renforcer leur autonomie de décision et réduire l’usage des intrants. Le groupe a travaillé sur plusieurs thématiques, comme la diminution des fongicides et des insecticides, ainsi que sur la biodiversité et le rôle des auxiliaires. Aujourd’hui, nous mettons l’accent sur la gestion des adventices et surtout celle du ray-grass, qui devient problématique dans de plus en plus d’exploitations. Nous travaillons par exemple sur le choix des outils de travail du sol et sur l’intégration dans la rotation d’un labour non-systématique.