19013.hr light - Illustration Albert Pennec, une mémoire photographique
© A.Pennec

Albert Pennec, une mémoire photographique

Une rencontre avec Albert Pennec, c’est une rencontre avec le temps, une rencontre avec les gens. Depuis 1967, ce photographe saisit les instants ordinaires, pourtant si extraordinaires.

Cinquante-sept ans de photographie n’ont pas entamé la flamme de l’émerveillement chez Albert Pennec. À 73 ans, son regard pétille encore comme celui d’un enfant qui découvre le monde. « Le beau est partout autour de nous. Il suffit de regarder », dit-il, déclinant sans hésiter ce qu’il préfère saisir avec son appareil photo : « Les yeux des gens. C’est le regard qui crée la beauté, transmet l’envie, la peur, l’émotion… ». C’est cette admiration pour les gens qui l’a conduit à immortaliser des milliers de portraits, seuls, en couple ou en groupe ; d’abord dans son studio de Landivisiau où il a exercé une quarantaine d’années, puis au hasard de ses pérégrinations sur les chemins qui débouchent, sans crier gare, sur des rencontres inattendues. « C’est un peu comme une chasse : des fois on rentre bredouille ; d’autres, c’est la bonne prise. Je saisis un paysage, un animal, un objet, un visage ». Ces visages pris au vol mais jamais volés. « Quand, après les prises de vue, je demande l’autorisation aux gens, ils sont contents », constate le photographe qui ajoute alors ses dernières prises à sa collection déjà riche de plusieurs milliers de photos. « Je garde tout depuis le début de mon installation, à l’âge de 23 ans, après un apprentissage dans le studio brestois de Jacques Duchesne qui m’a initié au métier ». Au fil des ans, Albert Pennec est devenu un « collectionneur de mémoire photographique ». Une mémoire qui balaie presque six décennies de vie finistérienne et bretonne. 

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Albert Pennec s’apprête à scanner des négatifs.

L’image d’un moment, d’une époque

« La photographie permet de transmettre l’image. L’image d’un moment, d’une époque qui a souvent déjà disparu ou disparaîtra inéluctablement ». De ces moments et de ces choses disparus, il y en a à foison dans la banque de photos que conserve précieusement le photographe, désormais installé à Santec, avec Mano, sa compagne, créatrice de bijoux. Pour autant qu’il lorgne la mer juste à côté, la vie de la campagne d’antan, d’hier et d’aujourd’hui figure en bonne place dans son spicilège photographique. Travaux des champs, gestes de passion autour des bêtes jaillissent au fil du feuilletage de ses albums minutieusement répertoriés par date et par thème. « Il m’est arrivé de passer des nuits avec un vétérinaire pratiquant le poulinage. Vous saisissez ainsi, dans le vif, la naissance du poulain, la joie du paysan, la satisfaction du praticien », cite-t-il en exemple avant de plonger dans une compilation sur le thème de la fête de la moisson. « Là, nous sommes à Guimiliau en 1976 », date-t-il sans consulter les références chronologiques qu’il connaît par cœur. « Tout le monde était habillé en breton. Et regardez ces mains puissantes des fermiers et fermières », pointe le photographe qui a aussi écumé tous les pardons locaux avec son appareil photo. « Tous ces moments pieux ont quasi disparu », constate-t-il.

Le beau est partout autour de nous. Il suffit de regarder.

Des milliers de clichés

Depuis 2015, Albert Pennec a entrepris de numériser son fonds photographique. Un travail de bénédictin qui consiste à classer et sauvegarder des milliers de clichés accumulés sur plus d’un demi-siècle. Une vraie mission d’archiviste qu’il opère avec les moyens techniques offerts par la technologie. « Chaque photo – ou plus souvent il s’agit du négatif d’ailleurs –, est scannée ; puis elle est corrigée sur Photoshop », démontre le photographe assis devant son Imac connecté à son appareil photo numérique. « Quels outils merveilleux », dit celui qui a démarré le métier avec un appareil en bois… « Durant ma carrière, il y a eu des progrès notables tous les deux-trois ans. Aujourd’hui, c’est assez incroyable : vous pouvez photographier la nuit, vous pouvez figer le mouvement. Et en plus, vous pouvez enlever les ombres, recadrer et, bien sûr effacer tous ces fils électriques qui sont partout : une vraie pollution visuelle que nous oublions au quotidien et qui saute aux yeux sur les photos ».

Un faible pour le tirage papier

Sitôt une photo commentée, la main d’Albert Pennec en saisit une autre. « Je ne me lasse pas de les regarder. Tous les jours, je visite ma collection et me laisse guider. À chaque fois, je découvre quelque chose de nouveau sur une photo que j’ai pourtant observée maintes fois », glisse celui qui avoue avoir « des images plein la tête ». Et, si le format numérique lui confère des facilités pour le classement, ce professionnel garde un petit faible pour le papier : « Une photo tirée sur papier se partage, passe de main en main ; en numérique c’est moins vrai ». Une photo imprimée, c’est en quelque sorte comme un livre dans une bibliothèque : elle a sa personnalité propre, elle transmet une émotion, elle procure des sensations par le toucher ; jusqu’à sa capacité à engendrer une forme d’immanence avec une vie pourtant éteinte. « Même figé sur la photo, un regard continue de parler », approuve Albert Pennec.

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Mariage à La Roche-Maurice, 1980. © A.Pennec

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