- Illustration Voyage au temps des « pharaons » bretons
Les fouilles de cet automne ont permis de mettre à jour trois autres tombes.

Voyage au temps des « pharaons » bretons

Le tumulus est un peu à la Bretagne ce que la pyramide est à l’Égypte. Les dernières fouilles du tertre de Saint-Bélec, à Leuhan (29), ont dévoilé quatre tombeaux de dignitaires de l’âge du bronze ancien.

Le parallèle est amusant : le premier pharaon d’Égypte se nommait Ménès. Ce 19 octobre 2022, l’archéologue Yvan Pailler et son équipe de bénévoles sont également affairés sur leur « menez » de Saint-Bélec. Une colline où, 1800 ans av. J.-C, se dressait un tumulus, cet amas de terre que les sociétés de l’âge du bronze (période allant de -2200 à -1600 av. J.-C.) élevaient au-dessus d’une sépulture.

La dalle découverte en 1900 qui représente la plus ancienne carte en relief connue en Europe.

Des coffres mégalithiques

Dans ce champ de Leuhan qui offre une vue imprenable sur les Montagnes Noires, de sépulture il en est en fait question depuis 1900. Depuis que le préhistorien, Paul du Chatellier et le chanoine Abgrall ont déterré une lourde dalle qui formait un des murs d’un coffre funéraire. L’histoire en serait peut-être restée là si cette plaque de schiste d’une tonne n’avait pas été exhumée une seconde fois d’une cave du musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye où elle dormait depuis 1924. Car, cette grande dalle de 2,20 m x 1,50 m présente la curiosité d’être gravée de la plus ancienne carte en relief connue en Europe. De quoi attiser l’envie d’en savoir plus pour Yvan Pailler, archéologue à l’Inrap, et Clément Nicolas, du CNRS.
Aidés par les carnets de notes très précises du préhistorien bigouden, les archéologues sont revenus à l’endroit même où Paul du Chatellier avait manié de la pelle un siècle plus tôt. Là aussi où, il y a 4 000 ans, des hommes munis d’omoplate de bœuf avaient terrassé cette même terre pour enterrer leurs morts. « Le tumulus de Saint-Bélec est un édifice important. Sa structure avec des coffres mégalithiques constitués de grosses pierres, qui sont parfois taillées pour s’emboîter entre elles, est caractéristique de l’art funéraire breton même si l’on retrouve des similarités dans le sud-est de l’Angleterre et en Écosse », note Yvan Pailler sous l’œil intéressé de Denise Mévellec, ancienne agricultrice et propriétaire du champ. « Quand on m’a demandé l’autorisation de procéder à des fouilles j’ai été immédiatement d’accord », dit-elle en fidèle témoin des recherches effectuées cet automne. « Je viens tous les jours suivre le chantier. En partageant leurs découvertes sur-le-champ, les archéologues nous font voyager dans le temps ».

Une société très hiérarchisée

De découvertes, il y en a eu en effet lors de cette dernière phase de fouille qui doit reprendre dans un an. « Le puits que nous avons creusé nous a permis de mettre à jour trois autres tombes que nous envisageons d’explorer en 2023 », indique le chercheur de l’Inrap. Et de citer un élément qui permet de situer la période de l’édifice : « Nous sommes ici à l’époque du bronze ancien période durant laquelle les hommes inhumaient leurs défunts ; contrairement au bronze moyen qui se caractérise par l’incinération. Il s’agissait d’une société très hiérarchisée, régnant sur un petit royaume de 30 à 40 km2. Cependant, on a peu d’éléments pour savoir comment ils vivaient ».
Le bronze ancien se caractérisait par ailleurs par un usage très parcimonieux de métal. Une raison pour laquelle on ne trouve pas de trace d’arme dans les sépultures. Par contre, cette période de la protohistoire qui fait suite au Néolithique se caractérise par des sociétés sédentarisées grâce à la maîtrise de l’agriculture et de l’élevage. « Si l’on se réfère au groupe culturel du Néolithique de Villeneuve-Saint-Germain, on peut dire que l’élevage est déjà bien implanté en Bretagne à cette époque. Par contre, on ne trouve pas de trace de chevaux ».

Yvan Pailler, archéologue à l’Inrap (ici à genoux) a orchestré les recherches avec Clément Nicolas, du CNRS.

Nos grands-parents archéologiques

L’objectif des chercheurs est d’en savoir un peu plus sur cette société qui finalement n’est pas historiquement si lointaine au regard des 60 000 ans d’occupation de notre territoire par Homo sapiens. « Je dis souvent aux étudiants qu’il s’agit de leurs grands-parents archéologiques. 4 000 ans, c’est hier à l’échelle historique », relativise Yvan Pailler, signalant que cette société, comme celles qui l’ont précédée et celles qui l’ont suivie, a disparu « assez rapidement ».
Le tumulus a perdu sa symbolique quand l’incinération s’est répandue dans les pratiques funéraires. La nouvelle culture qui s’est imposée, sans doute influencée par de nouveaux contacts, par de nouvelles façons de penser, a alors définitivement enterré les souverains du bronze ancien de Leuhan qui renaissent aujourd’hui à la lumière de la curiosité contemporaine. 

Archéologie et microtoponymie liées

La microtoponymie, cette science qui étudie les noms de lieux très locaux, peut aider les archéologues à aiguiller leurs recherches. Youenn Leon qui réalise une thèse dans cette discipline accompagnait les archéologues à Leuhan. « Les noms de lieux sont très conservateurs. Qui plus est, ils désignent des choses assez simples », explique-t-il. Et d’ajouter : « Le nom de champ Park ar run, dans lequel nous faisons des fouilles, désigne justement une colline. Dans d’autres localités, on serait peut-être interpellé par un nom comme Prat ar Kof (champ avec du ventre) qui laisse entendre qu’il put y avoir un tumulus ».

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