Bien installé pour durer

Acteur majeur du financement de l’agriculture, le Crédit Mutuel de Bretagne affirme haut et fort sa volonté d’accompagner dans la durée ce secteur clé de l’économie régionale. Le point avec Philippe Rouxel, directeur général de l’établissement coopératif.

Épizootie de grippe aviaire, flambée du cours des matières premières, impact de la sécheresse sur certaines cultures… Les motifs d’inquiétude ne manquent pas pour l’agriculture bretonne. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?

Philippe Rouxel

Je crois qu’il ne faut pas noircir le tableau. Avec 1,7 million d’hectares de surface agricole utile, 26 000 exploitations et près de 70 000 actifs, la Bretagne est et restera une région majeure de l’agriculture française et européenne, quelles que soient les difficultés du moment. Notre agriculture est très variée. Nous sommes la première région de l’Hexagone pour l’élevage de porcs, de veaux, de vaches laitières, de volailles de chair. Nous sommes aussi les leaders au plan national pour la production de lait, de beurre bio, d’œufs de consommation, de choux-fleurs, d’artichauts, de tomates, d’échalotes… Cette grande diversité constitue une vraie force et contribue à la capacité de résilience de l’agriculture bretonne. Mais le revers de la médaille lorsque vous avez autant de productions, c’est que le contexte est rarement favorable pour l’ensemble d’entre elles au même moment…
Il faut savoir prendre un peu de recul et dépasser l’écume du quotidien. De par nos racines agricoles et notre modèle coopératif, nous entretenons un rapport au temps différent. Nous ne sommes pas là pour faire des coups en fonction de telle ou telle opportunité, nous aimons inscrire notre action dans la durée. Par son poids économique, ses dimensions culturelle et environnementale, l’agriculture représente un enjeu majeur pour la dynamique de la Bretagne. Et ça, pour une banque territoriale comme la nôtre, cela a beaucoup de sens. C’est pourquoi d’ailleurs nous sommes depuis toujours aux côtés des agriculteurs bretons. Et ce n’est pas près de changer.

Le marché de l’installation est particulièrement concurrentiel…

Les pionniers du Crédit Mutuel de Bretagne et de la Caisse de Bretagne de Crédit Mutuel Agricole se sont battus durant des années pour obtenir que soit mis fin au monopole de la distribution des prêts bonifiés. Et, depuis 1990, les agriculteurs peuvent eux-mêmes constater les bénéfices de cette situation de concurrence entre établissements bancaires qui me paraît saine.
De son côté, le CMB a su répondre aux attentes des jeunes agriculteurs et s’est imposé comme l’un des acteurs de référence du secteur. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour saluer le travail remarquable réalisé par nos équipes de salariés et d’administrateurs. Si l’on examine la moyenne lissée de nos parts de marché à l’installation sur les cinq dernières années, elle avoisine les 36 %. Alors, il peut arriver que, ponctuellement, sur l’un des départements bretons, nous soyons un peu chahutés parce que notre principal concurrent ne reste pas sans réagir à notre progression. Mais la tendance générale est bien celle que je vous indique. Et nous n’entendons d’ailleurs pas en rester là. Contribuer activement au renouvellement des générations est pour nous une priorité.

Vous souhaitez encore accentuer votre présence en agriculture ?

Bien sûr ! Dans notre plan stratégique à moyen terme, nous avons clairement affiché notre volonté d’atteindre les 40 % de parts de marché en Bretagne pour les installations aidées. Et nous nous en donnons les moyens. Sur le plan humain, nous accordons une large place à la formation. Des chargés de clientèle recrutés par promotion interne ou à l’extérieur rejoignent ainsi un « vivier agri » où, durant 8 à 9 mois, accompagnés par un professionnel expérimenté, ils apprennent les spécificités du métier. Chaque année, deux promotions viennent étoffer nos équipes de terrain.
Notre organisation commerciale évolue également pour répondre au mieux aux besoins et aux attentes des agriculteurs. Cette année, nous avons intégré dans nos centres d’affaires des spécialistes agricoles qui suivent les exploitations réalisant les chiffres d’affaires les plus importants car elles nécessitent une approche particulière en termes d’ingénierie financière. Dans le même esprit, nous veillons à proposer une gamme adaptée de produits et services. Le Crédit Mutuel de Bretagne fait ainsi partie des quatre établissements bancaires agréés dans le cadre de l’initiative nationale pour l’agriculture française (Inaf). Concrètement, cela signifie que nous pouvons, jusqu’en 2023, faire bénéficier nos sociétaires qui, par exemple, investissent pour des projets de montée en gamme de conditions de prêt avantageuses avec la garantie de l’État. Nous avons également lancé Agrinovéo, un prêt au taux attractif, particulièrement dédié aux transitions énergétiques. Nous proposons aussi la formule de financement Clé-mat + qui, via un taux bonifié « maison », contribue à l’effort d’investissement en équipements de travail respectueux des sols.
De manière générale, nous mettons un point d’honneur à étudier tous les dossiers qui se présentent à nous. Sans a priori. Et notre gamme très complète nous permet d’élaborer des réponses sur-mesure.

Revenons sur les transitions, dans votre politique d’accompagnement agricole dévoilée en mars dernier, vous évoquez une approche inclusive et inscrite dans la durée…

Et c’est ce que nous mettons en pratique. Prenons l’exemple d’un jeune qui choisit le CMB pour s’installer : nous lui apportons une aide financière directe pour réaliser le bilan carbone de son exploitation et identifier les axes d’amélioration. Notre volonté est d’actionner tous les leviers dont nous disposons pour accompagner l’ensemble de nos sociétaires dans leurs transitions, quelles que soient leurs productions. J’ai évoqué la diversité de l’agriculture bretonne. Nos sociétaires sont à son image. Certains travaillent dans des systèmes dits intensifs, d’autres prônent l’agriculture raisonnée ou la régénération des sols, d’autres encore sont installés en agriculture biologique. Notre objectif est de ne laisser personne au bord du chemin : nous voulons favoriser, pour tous, les transitions vers des exploitations économiquement viables, humainement vivables et durables sur le plan environnemental. Oui, le temps presse mais nous avons bien conscience que cela ne va pas se réaliser en un claquement de doigts. Nous travaillons en concertation avec les services de l’État, la Région, les groupements coopératifs, les syndicats agricoles… Chacun détient des bouts de la solution. Je suis convaincu que, tous ensemble, nous allons relever ce défi. Et que, demain, l’agriculture bretonne sera toujours une composante majeure de notre identité régionale.

Propos recueillis par Jean-Yves Nicolas


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