12026.hr - Illustration Drôle de drôme
Deux à trois convoyeurs munis de perches prennent place sur la drôme, qui flotte comme un iceberg.

Drôle de drôme

À Plounéour-Trez (29), la technique de flottage était utilisée pour acheminer les « drômes » de goémon noir des zones rocheuses vers les dunes.

Sortant de la ferme des Buors à Kerurus en Plounéour-Trez (29), vêtus d’un kalaboussen (couvre-chef en feutre) et d’un bragez aod (pantalon pour la grève), ces paysans goémoniers d’un jour entretiennent le savoir-faire de leurs ancêtres. Ils se dirigent en procession vers le lieu-dit Beg ar Groas. Aujourd’hui, l’heure est à la fête, mais il fut un temps où cette activité était nécessaire pour subvenir aux besoins de la famille des paysans en pays pagan. Si cette activité a disparu, elle a été remise au goût du jour en 1976 par Fanch Buors, qui l’avait pratiquée jusque dans les années 1950 et par Alain Troadec, adjoint au maire. Aujourd’hui, c’est au travers de la troisième génération des Buors, par le biais de son petit-fils Fabien, président de l’association, que la fête des goémoniers fait revivre les gestes d’antan de cette activité hivernale.

[caption id=”attachment_68497″ align=”aligncenter” width=”720″]12025.hr De nombreuses charretées sont nécessaires pour dégager les algues de chaque drôme.[/caption]

Au rythme de la marée

Aussi, tous les deux ans, un jour férié avec un coefficient de marée suffisant de 90 à 100 et avec des horaires de marée correspondant à la coupe du goémon, quatre équipes de 30 paysans goémoniers embarquent à l’heure du reflux dans des barques pour rejoindre assez bas sur les roches un gisement de goémon noir repéré quelques jours auparavant. En attendant que la marée ne découvre les algues, l’heure est au ravitaillement, avant la journée de dur labeur qui les attend. Chacun a son rôle. Les plus anciens repèrent l’endroit le plus plat possible où sera constituée la drôme, gros cube de goémon frais cueilli. Munis de leurs faucilles – falz en breton –, les membres de l’équipage partent soit nettoyer l’endroit où sera édifiée la drôme, soit récolter le varech en constituant des petits tas. Chaussés de sabots à clous, pour se mouvoir avec plus d’aisance sur des rochers glissants, les plus gaillards les transportent à l’aide de brancards en bois (gravaz-hir en breton). Il faut faire vite. La marée n’attend pas. Quelques-uns, plus expérimentés, entassent le goémon et constituent un amas solide et tassé en 2 heures de temps sur huit cordages entrelacés. L’ouvrage ne sera terminé que lorsque ces cordages seront resserrés, à l’aide de « droll », clé en bois, façonnant ce paquet d’algues de 12 à 16 t, à convoyer. Ce dernier remontera ensuite au gré des courants vers la plage, à marée montante. Mais, auparavant, vient une seconde pause conviviale – la phase préférée sans aucun doute des paysans-goémoniers ! – qui consiste à finir les victuailles emportées dans les barques, le temps que la marée remonte et fasse décoller la lourde masse de son emplacement.

Convoyage délicat

L’équipage revient en barque, en surveillant les deux personnes qui restent sur la drôme, munis d’une longue perche de 5 à 6 mètres lestée, pour accompagner la remontée du ballot d’algues dans le bon courant. Il s’agit d’éviter que la drôme ne parte à la dérive vers Plouescat, ou de contourner les rochers qui peuvent sectionner les cordages ! Comme un iceberg, seuls 30 cm sont visibles en dehors de l’eau, mais la drôme mesure près de 2 m de hauteur (et les tas mesurent 4 m sur 3 m à la base). À marée haute, ce chargement atteint la côte, et commence à toucher le fond. Mené au plus près des dunes, le paquetage sera solidement amarré avec des cordes pour que la mer ne le reprenne pas. Le goémon sera récolté le lendemain, à marée basse. De nombreuses charretées seront nécessaires pour dégager chaque drôme.

Trois types d’algues étaient récoltées

Le littoral sauvage et rocheux de Plounéour-trez à Plouguerneau se prêtait bien à la récolte du Fucus serratus, plus couramment appelé goémon noir ou varech dentelé. Ce goémon frais était vendu sur Plouescat ou Landéda pour en extraire de l’iode ou de l’alginate. Autre récolte assurée par les paysans : le goémon d’épave, arraché des rochers par les tempêtes et échoué sur le sable à marée basse. Il servait essentiellement comme engrais dans les champs. Enfin, le « tali » ou laminaire était cueilli au large, séché sur les dunes et brûlé dans des fours à soude ; ces pains de soude étaient alors vendus à des entreprises qui en retiraient de l’iode.

En savoir plus
Après une pause de 3 ans, la fête des goémoniers aura lieu le 14 juillet à Plounéour-Trez. À partir de 10 h, départ et embarquement des goémoniers ; repas sous chapiteau sur la dune à midi ; animations tout au long de l’après-midi, une des drômes est constituée à proximité des dunes, retour des équipages entre 16 h et 19 h.
Contact : Fabien Buors : 06 45 64 77 63.


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