10837.hr - Illustration Crise de l’élevage : Le porc en état d’urgence
La mobilisation pour la réunion de la section porcine à Plérin a rappelé les rassemblements de 2015.

Crise de l’élevage : Le porc en état d’urgence

La mobilisation à la réunion de la section porc de la FDSEA 22 en dit long sur la « détresse » des éleveurs et semble annoncer des actions syndicales à répétition.

Jeudi 13 janvier, à l’invitation de la FDSEA et de JA des Côtes d’Armor, 250 personnes ont pris part à la réunion de la section porcine. Cela faisait longtemps qu’une telle assemblée n’avait été vue à la Maison de l’agriculture de Plérin (22). De nombreux Costarmoricains, mais aussi des éleveurs de toute la Bretagne et de Mayenne. « Cette foule est à la hauteur de la gravité de la crise et de la frustration que nous vivons. Comme vous, j’en ai ras-le-bol de perdre de l’argent tous les jours ! », démarrait Jérémy Labbé, président de JA 22. « Ce soir, nous sommes là pour entendre vos voix, vos idées avant de décider des actions à mener en restant unis. »

« Qui va élever mes enfants ? »

Depuis des semaines, le prix au cadran est le meilleur d’Europe. Une « illusion » tant la hausse des charges fait des ravages. « Ces 1,2 € du kilo au MPB suffisent juste à payer l’aliment. Depuis des mois, cela ne couvre plus les autres factures, les anuités, le salaire du salarié et notre rémunération. Comment je fais avec un trou de 1 000 € de la truie ? Qui va payer mes dettes, élever mes enfants ? », martelait un éleveur. « Les trésoreries se creusent à une vitesse folle. C’est déjà un gouffre abyssal chez certains », reprenait Fabienne Garel, présidente de la FDSEA 22. Avant de confier qu’il y aurait fatalement « des tables rondes » pour les ateliers les plus en difficulté. « Il y a en a déjà ! », hurlait un producteur désespéré. « Si notre prix de base est meilleur que celui de nos concurrents européens, eux sont soutenus… », reprenait Thierry Marchal, secrétaire général de la FDSEA 29. L’aide directe de 20 € par porc des Allemands a plusieurs fois été évoquée. « Nous coulons et que fait l’État ? Rien », s’emportait un éleveur.

Le PGE avant l’aide directe ?

Fin novembre, Julien Denormandie a visité un élevage costarmoricain pour la sortie de l’arrêté sur la fin de la castration à vif des porcelets. La profession l’avait interpellé sur le besoin d’un soutien d’urgence. Mais le ministre avait botté en touche renvoyant aux outils Prêt garanti par l’État (PGE), Égalim 2 et contractualisation pour pallier les difficultés, arguant qu’une aide directe pendant les négociations commerciales serait une idée contre-productive. Moins de deux mois plus tard, « l’étau s’est resserré » et la « détresse » accentuée. « Le préfet du Finistère, à mille lieues de la réalité, vient de nous rappeler que nous avons eu de bonnes années avant d’affirmer que certains gagnent encore de l’argent », enrageait un membre de JA 29.

Dans l’urgence, Carole Joliff recommandait le PGE. « Ce prêt se rapproche d’une ouverture de crédit, mais nous avons tous besoin de ce volume d’argent. Mon dossier est en cours… » La présidente de la section porcine sait que personne ne pourra rembourser dans 12 mois « alors qu’il faut un an pour faire un cochon… » Mais promettait que le syndicalisme tenterait d’obtenir un étalement du remboursement sur 10 ans. Si beaucoup craignent de « traîner » ce prêt comme un boulet, Thierry Marchal expliquait : « C’est un outil pour passer les prochains mois mais aussi un indicateur de notre situation critique pour l’État. Il faut prendre ce PGE et travailler ensuite à le transformer en aide… »

Bagarre du prix, fin février

« Il nous faut surtout du prix », scandait un producteur alors que les négociations entre transformateurs et distributeurs doivent intégrer la loi Égalim 2. Patrice Drillet, président de Cooperl, précisait alors : « Attention, les négociations n’ont pas vraiment commencé. La vraie bagarre sur le prix se fait fin février. Pour l’instant, dans les boxes, on ne parle que des contours : augmentation des charges, du coût des emballages, cahiers des charges… Beaucoup d’acteurs réclament une dérogation d’un an, mais nous avons proposé une méthode Égalim à tous nos clients. »

Jérémy Labbé revenait alors sur les récents blocages de magasins par JA 22 : « Les patrons de GMS se disent tous prêts à mettre 0,5 € / kg pour soutenir l’élevage… Mais ils ne le font pas. Et la baguette à 29 ct en dit long sur leurs intentions… » Sentiment partagé par Carole Joliff : « Malgré leur communication sur le soutien aux filières, les enseignes ne semblent pas enclines à accepter des hausses. Certains acheteurs se contentent d’emporter au cadran quelques lots au-dessus de la moyenne pour s’acheter une virginité… Ne soyons pas dupes. » Les syndicalistes rapportent qu’abatteurs, salaisonniers et GMS font plancher leurs services juridiques pour contourner la loi Égalim. « Un acheteur national nous a déjà prévenus qu’elle ne fonctionnerait pas… » Avant de se disperser, les éleveurs ont symboliquement posé devant trois hypermarchés de l’agglomération briochine pour envoyer un message…

Pour l’élevage, l’heure du « quoi qu’il en coûte »

Chaque semaine, un atelier familial moyen de 200 truies travaille pour générer une perte équivalente à deux Smic mensuels. Quel citoyen accepterait cela ? C’est proprement inconcevable. Pour sauver nos éleveurs et leur famille, l’heure du « quoi qu’il en coûte » a sonné. Par conséquent, nous attendons de l’État des mesures immédiates et solides. À défaut, notre mobilisation sera à la hauteur de notre colère. Notre focus sur la situation porcine ne fait pas oublier les difficultés des autres productions animales bretonnes. L’application de la loi Égalim est aussi une obligation pour ces filières et nous y veillerons ! Aux abatteurs, transformateurs et GMS, la rémunération de l’éleveur n’est pas une option négociable. Carole Joliff, Présidente de la section porc, FDSEA 22


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