Le message œcuménique de la profession au ministre de l’Europe

À moins de deux mois de la présidence française de l’UE, Jean-Yves Le Drian a pris la température de l’agriculture bretonne. Syndicalistes, Chambre d’agriculture et coopération ont délivré un message commun et partagé d’inquiétude, sinon de pessimisme. Au cœur de la Bretagne, samedi dernier, impossible pour le ministre breton Jean-Yves Le Drian de louer la sauvegarde du patrimoine religieux rural de Corlay (22), sans s’incliner devant le patrimoine agricole régional. À l’initiative du maire et conseiller régional, Olivier Allain, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a pris la température du poumon économique breton… et a certainement ressenti l’inquiétude unanimement partagée par les représentants des différentes organisations professionnelles. Jean-Marc Thomas parle même de « révolte et de découragement ». Et le porte-parole de la Confédération d’exprimer sa « colère par rapport aux arbitrages rendus par le ministère de l’Agriculture sur la première version du PSN (Plan stratégique national) qui sont complètement incohérents vis-à-vis des enjeux qui se présentent à nous. L’avis très sévère rendu par l’Autorité environnementale qui rejoint un grand nombre de nos remarques est un véritable camouflet pour le gouvernement ». La méthanisation plus aidée que le 2e pilier de la Pac Jean-Marc Thomas a réclamé le même soutien pour le 2e pilier de la Pac que pour la méthanisation. « Pour développer la méthanisation, le gouvernement est capable de mettre sur la table 16 à 17 Md € d’ici 2028. C’est plus de 2 Md € par an, c’est-à-dire plus que le second pilier de la Pac dans son ensemble. Un tel signal en faveur de l’énergie n’est-il donc pas envisageable pour une agriculture et une alimentation qui cochent toutes les cases de la qualité, de l’environnement, du climat ? » Sous-valorisation des produits agricoles C’est sur le terrain de la main-d’œuvre que Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination Rurale, a alerté le ministre. « Il y a le double problème de coût et de disponibilité », résume-t-elle, évoquant le chiffre de 2 500 offres non pourvues dans les fermes bretonnes tout en pointant le fait que « les jeunes préfèrent bien évidemment des postes dans le para-agricole souvent mieux payés. Alors quel avenir sans prix et sans main-d’œuvre ? Problème d’autant plus crucial que, comme l’a souligné le sénateur Duplomb dans son rapport, le coût de la main-d’œuvre salariée a augmenté de 58 % de 2000 à 2017, soit 2 fois plus qu’en Allemagne ». D’où sa demande d’instaurer une TVA sociale. La responsable syndicale a aussi pointé la sous-valorisation des produits agricoles. « Ladite vocation exportatrice de la France doit sérieusement être remise en cause. La politique de nos industriels qui consiste à exporter de la matière première agricole et à importer des produits transformés nous appauvrit tant sur le plan de la qualité des emplois que sur le plan fiscal ». DJA plus faible en Bretagne Kevin Thomazo, président des Jeunes Agriculteurs de Bretagne, a fait part de ses « inquiétudes concernant la DJA. L’Union européenne ne financera plus que 60 % du montant, contre 80 % aujourd’hui. L’État et la Région devraient compenser à hauteur de 20 % chacun. L’enjeu est important. Si la DJA baisse, c’est le parcours à l’installation, gage de réussite, qui est menacé. Nous avons déjà, en Bretagne, le montant moyen le plus faible des régions françaises avec 20 700 € par dossier. C’est jusqu’à trois fois moins qu’ailleurs. Nous demandons que l’enveloppe accordée aux régions soit proportionnelle au nombre d’installations. Cela nous semble plus équitable ». Mal-être des éleveurs Fabienne Garel, présidente de la FDSEA des Côtes d’Armor et représentant la FRSEA, a déploré qu’en Bretagne, « les filières soient prises en tenaille entre l’augmentation importante des charges et des prix payés aux producteurs qui n’augmentent pas. L’agriculture ne peut pas attendre la Loi Égalim, d’autant qu’on ne sait même pas si elle va fonctionner ». La responsable syndicale a également insisté « sur le mal-être actuel des éleveurs. À tel point que certains abandonnent. Nous avons expliqué qu’on pouvait faire tous les discours sur la souveraineté alimentaire de la France, mais qu’elle ne se ferait pas avec des agriculteurs mal considérés ». Impossible de répercuter Au titre de la coopération, Thomas Couëpel, administrateur Coop de France, a mis l’accent sur « la flambée du prix des matières premières, du fret et des vitamines qui pénalise très fortement les fabricants d’aliment. Il nous est impossible de répercuter la totalité de ces hausses aux différents acteurs de nos filières. Nous en répercutons un peu aux éleveurs mais la coopérative joue le rôle de tampon. Les abattoirs et la grande distribution n’acceptent pas de répercuter ces hausses des coûts de production. Cette situation n’est pas durable ». Le président du Gouessant s’est arrêté sur la production d’œufs bio, plein air et label. « La Bretagne a tellement bien amorcé la conversion de la cage vers l’alternatif qu’aujourd’hui nous sommes en surproduction. Il y a beaucoup trop de poules bio en France et en Bretagne par rapport à la demande du marché ». Enfin, il a fait part du climat social tendu dans certaines entreprises. « Nous craignons qu’il y ait des mouvements de grèves dans les abattoirs qui pourraient pénaliser très fortement nos productions. »

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