- Illustration Le calendrier serré des vêlages groupés
« Nées au printemps, ces génisses issues des vaches les plus fertiles assure le renouvellement en intégrant le troupeau après un premier vêlage à 24 mois », explique Ronan Guernion.

Le calendrier serré des vêlages groupés

Il y a 7 ans, Ronan Guernion s’est orienté vers un système de vêlages groupés de printemps pour organiser son troupeau par rapport à la pousse de l’herbe. Un choix aussi en faveur de la qualité de vie.

Ronan Guernion s’est installé le 1er mai 2008 en reprenant la ferme familiale. De ses débuts, il garde un mauvais souvenir de la traite en période hivernale rendue difficile à cause de l’incidence des mammites. Mais aujourd’hui, grâce à la mise en place d’un système de vêlages groupés de printemps, ces problèmes ont disparu : en hiver, toutes les vaches sont taries.
L’histoire a démarré en 2012 quand le producteur de lait intègre un groupe d’éleveurs du Cédapa travaillant sur les vêlages groupés. « Au départ, j’avais l’impression qu’il y avait un gros challenge technique pour y arriver. Mais nos visites sur des fermes du Morbihan, du Finistère et en Irlande nous ont surtout rappeléque la nature fait bien les choses : c’est logique de chercher à produire du lait en faisant manger le maximum d’herbe à ses vaches », résume-t-il.

45 vêlages en 45 jours

Sur la ferme de Ronan Guernion, les premières naissances interviennent entre le 5 et le 10 mars. Les membres du groupe vêlages groupés se fixent des objectifs élevés : 70 % des mise bas sur trois semaines, 90 % sur six semaines. Le Costarmoricain n’a jamais réussi le premier temps de passage : « J’atteins 55 à 65 % de vêlages les trois premières semaines. Par contre, depuis deux ans, j’obtiens 90 % des veaux en 1,5 mois », apprécie-t-il.
Imaginez 45 mise bas en 45 jours. « C’est une période d’observation et de grosse astreinte. Côté vie privée, je ne prévois rien pour rester bien concentré. » Vers 7 h 30, la journée commence alors par un tour rapide au paddock (« Si c’est portant, les vaches vêlent de préférence dehors ») pour voir si tout va bien. Un nouveau né passe 12 à 14 heures avec sa mère. « Je m’assure qu’il est en bonne forme. S’il faut, je lui rapporte du colostrum. C’est simple car une fois que le mouvement est lancé, j’en ai toujours du frais sous la main. »
Les deux premières semaines, les vêlages s’enchaînent mais il y a encore peu de vaches à la traite. Cela permet de reprendre le pli en douceur.

Les premiers veaux nés sont ceux issus d’insémination. « Parmi eux, 6 ou 7 génisses formeront le lot élevées pour le renouvellement. » Pas davantage. « En gardant les premières arrivées, je conserve la descendance des mères les plus fertiles. C’est une forme de sélection par la voie femelle pour constituer un cheptel le mieux adapté aux exigences du système. » Toutes les autres femelles et les mâles sont vendus à l’âge de 15 jours à un moment où il y a généralement une « petite embellie » sur les prix, entre avril et juin. « En ayant désormais très peu de jeunes animaux sur la ferme, la charge de travail est réduite et une économie sur l’alimentation est réalisée. »
Fin mai, la page des naissances est tournée pour l’année. « Tous les ans, il y a tout de même quelques retardataires. En 2019, 4 vaches ont mis bas hors des 6 semaines dédiées. » Mais à peine les vêlages terminés, c’est déjà l’heure de penser à la réussite des prochaines gestations.

[caption id=”attachment_43404″ align=”aligncenter” width=”720″] Ronan Guernion a repris le troupeau familial Normande – Prim’Holstein. Il s’est rapidement orienté vers un système « épanouissant et passionnant » : une approche très herbagère, le croisement de races, les vêlages groupés de printemps et une conversion en bio.[/caption]

3 semaines d’observation, 5 jours d’insémination

Avant la remise à la reproduction, pendant trois semaines, la durée d’un cycle ovarien, Ronan Guernion est sur le qui-vive. « Je passe deux fois dans la journée voir le troupeau. Parfois, je fais un dernier tour le soir. » Les chevauchements, mais aussi tous les autres signes pouvant renvoyer à une chaleur, sont notés sur un calendrier.

Fin mai – début juin, quand les inséminations débutent, le Costarmoricain est très attentif à ses animaux : il vient un peu plus tôt le matin puis en début d’après-midi et juste avant de se coucher. « Ici, pas de problèmes de chaleurs silencieuses qui compliquent parfois la vie des éleveurs en vêlages étalés. » Comme les mises bas sont groupées, les vaches retrouvent leur aptitude à la reproduction au même moment et sont stimulées collectivement. « C’est intense. J’observe ainsi beaucoup de manifestations. À cette période, les chevauchements n’arrêtent pas, au point que les hanches et les queues des animaux sont irritées et rougies. Difficile d’en rater une. »

Pour des raisons pratiques, l’inséminateur ne passe que le matin (« Je veux éviter une contention trop longue de l’animal isolé »). Selon la vache, la paillette choisie peut contenir de la semence Prim’Holstein, Normande, Rouge Scandinave ou Jersiaise. Historiquement, cohabitaient dans le troupeau familial des Prim’Holstein et des Normandes. Rapidement, Ronan Guernion a opté pour le croisement à la recherche d’une vache rustique, fertile et bonne marcheuse adaptée à l’approche herbagère. Pour les accouplements, il choisit dans les catalogues de taureaux à partir d’un index de synthèse maison. « Les fonctionnels d’abord ! Dans mon calcul, j’accorde beaucoup de poids à la reproduction, à la santé mammaire et à la qualité des pieds. Je regarde très peu le critère lait… »

Pour les fauches, les taureaux entrent dans la danse

En 2019, l’inséminateur n’est passé que 5 jours consécutifs sur l’élevage pour 17 actes. Puis les taureaux prennent le relais. « Comme les inséminations n’ont concerné qu’une partie de la durée d’un cycle sexuel, il y a alors du travail pour trois mâles autour des vaches et des génisses. » Comme à cette période, Ronan Guernion est très occupé par la récolte de l’herbe, sa surveillance est moins assidue. « Je note tout ce que je vois, mais la présence des taureaux est alors un confort. » Au cycle suivant, il recommencera à observer davantage son troupeau pour jauger la proportion de vaches pleines. « Celle que je n’aperçois pas en chaleur a certainement été prise lors des trois premières semaines de reproduction. »

Pour obtenir 90 % de vêlages groupés sur six semaines, il faut donc que la quasi-intégralité des animaux aient été fécondés sur six semaines, soit la durée de deux cycles sexuels. Les mâles restent tout de même avec les femelles pour assurer d’éventuels rattrapages, mais celles qui n’ont pas pris seront réformées. Fin août, un constat de gestation est réalisé par analyse individuelle du lait (outil Gestadétect proposé par BCEL Ouest) sur tout le cheptel. « Cette année, sur 52 vaches, seulement 4 sont sorties négatives. À la pesée suivante, je les ai fait recontrôler… »

Toutes taries pour Noël

Dans ce système de production laitière en vêlages groupés arrivant à maturité, Ronan Guernion avoue que son année se joue en trois mois : « Au printemps, il faut être à son affaire. C’est agréable car ça tombe au moment où les jours rallongent. Il y a énormément de travail pour bien gérer de front les vêlages, la reproduction et les fauches. Dans mon approche calquée sur la pousse de l’herbe, la moitié de mon volume de lait est produit entre avril et juin et le gros des stocks réalisé. À la mi-juillet, je suis en roue libre… » La charge de travail est alors sacrément réduite, d’autant que l’éleveur expérimente cette année la monotraite depuis les démarrages de lactation. « C’est assez simple de se faire remplacer. En octobre, j’ai ainsi pu réaliser un rêve : partir un mois sur les routes en vélo. J’ai embauché une ancienne stagiaire. En 35 heures hebdomadaires réparties sur 7 jours, elle a assuré la relève sans problème. »

En fin d’année, le tarissement de toutes les vaches intervient généralement avant Noël « pour profiter pleinement des fêtes de fin d’année en famille ». En 2018, année difficile en termes de production de fourrages, il était intervenu début décembre. La période sèche dure alors trois mois. Jusqu’aux premier vêlages en mars. Et c’est reparti.

Une approche qui redonne de la valeur aux petites fermes à transmettre

Mettre en place un système herbager en vêlages groupés de printemps ne se fait pas en un claquement de doigt. Ronan Guernion recommande d’être animalier dans l’âme et de disposer d’un parcellaire accessible au pâturage. « Au démarrage, la part d’IA est plus importante : le recours à l’insémination a lieu sur la durée d’un cycle sexuel en entier, soit 21 jours. Contre 5 jours aujourd’hui », explique Ronan Guernion. La surveillance du troupeau doit également être plus intensive : « Trois fois par jour pendant trois cycles, sept jours sur sept… »

Une approche durable

Au départ, il faut réussir à concentrer les vêlages en remplissant les vaches sur une période la plus réduite possible. « Dans ce cas, la vache qui vêle en juillet est la pire à gérer. Soit tu la vends, soit tu cherches à la faire vêler en octobre l’année suivante. Mais ce n’est pas si simple de rallonger une lactation quand le niveau d’étable est déjà faible. » Au total, il faut compter deux ou trois ans pour recaler tout l’effectif et le taux de renouvellement est alors important. « En complément, quelques achats d’animaux qui sont dans la bonne saisonnalité viennent donner un coup de pouce pour se rapprocher des objectifs. » Pendant cette transition, le résultat économique a tendance à baisser. Puis, peu à peu, l’équilibre est trouvé. Aux yeux du Costarmoricain, les vêlages groupés de printemps répondent parfaitement au challenge du développement durable : « Économique car il permet de livrer du lait avec des coûts de production très faibles. Environnemental car toutes mes surfaces sont en prairie. Et social, car le pic de travail étant concentré de mars à mi-juillet, il est aisé de se faire remplacer pour prendre du temps libre. »

Rémunération horaire attractive

Ronan Guernion insiste : « Entre la période creuse en hiver et la monotraite testée sur cette campagne, la rémunération ramenée à l’heure de travail est intéressante. » Mieux, il voit dans cette approche une solution d’avenir pour les nombreuses petites structures à transmettre en Bretagne. « Des ateliers avec 50 ha groupés, des références à produire de 200 000 L et des bâtiments vieillissants redeviennent de véritables opportunités. Réclamant moins de capitaux pour être reprises, elles sont pile-poil ce qu’il faut pour qu’un jeune puisse se lancer ! »


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