« La majorité des maïs ont faim avant d’avoir soif car on travaille avec de la matière organique : fumier, lisier. » - Illustration Cultiver à la lumière des étoiles
« La majorité des maïs ont faim avant d’avoir soif car on travaille avec de la matière organique : fumier, lisier. »

Cultiver à la lumière des étoiles

Quand l’agronomie, la science et le bon sens paysan se rencontrent, les idées germent et les projets fructifient. Voyage dans les champs, les pieds dans les bottes et la tête dans les étoiles, avec les « Savanturiers » du XXIe siècle.

D’un côté les pessimistes. Tous ceux qui pensent que la course folle du consumérisme au détriment de la planète mettra, au mieux, l’humanité au pied du mur, au pire, l’enverra dans le mur. D’un autre côté, les pragmatiques optimistes. Ceux qui savent qu’un changement de trajectoire est nécessaire et salutaire. Car il n’est pas trop tard. Il est simplement temps.

Faire bouger les lignes

Vendredi 14 septembre, sous la protection de tilleuls séculaires et des épais murs du château de Montmuran, sur la commune Les Iffs (35). À l’endroit même où Bertrand du Guesclin, le Breton craint des Anglais, fut adoubé chevalier en 1357. C’est là, en ce lieu symbolique de la résistance des Bretons contre l’envahisseur et la fatalité, que 75 chercheurs experts nationaux et internationaux se sont réunis pour se mettre en ordre de bataille ; un pied ancré dans l’histoire de la Bretagne, l’autre tendu vers le futur. « C’est une première étape qui sera suivie par d’autres à venir, pour participer activement à faire bouger sérieusement les lignes, au service du bien-être de la planète et de tous les vivants qui l’habitent, qu’ils soient du monde végétal, animal ou humain », ont résumé dans la concorde coorganisateurs de cette journée, Bernard de la Morinière, agriculteur à Saint-Brieuc-des-Iffs (35) et vice-président de Triskalia, et Jean-Yves Delaune, entrepreneur-développeur et président d’Etem, l’association « Entre terre et mer ».

Et parce que les bonnes idées nécessitent forcément d’avoir les pieds sur terre, c’est dans les champs que l’enthousiaste bataillon de chercheurs a commencé à cultiver les graines d’avenir. Plus exactement sur la ferme de Bernard de la Morinière, converti à l’agriculture de conservation depuis une bonne quinzaine d’années. Une agriculture où « il faut apprendre à devenir fainéant », comme dit ce cultivateur qui a vendu sa charrue en 2001. Sa ligne de conduite ? « Travailler le sol le moins possible, mais autant que nécessaire ».

Quand il fait sec, il y a de l’eau

En cette année particulièrement sèche, le maïs grain et les couverts de cet agriculteur ont profité de cette pratique agronomique qui peut trouver une comparaison avec l’épargne que chacun peut faire pour parer aux coups durs. Ici, c’est le sol qui est épargné et épargne en constituant des réserves en eau, en éléments nutritifs. Ainsi voit-on dans une fosse de profil pédologique creusée dans une parcelle où pousse un couvert plantureux semé après pois, une zone humide à 1 m de profondeur alors que la pluie a fait cruellement défaut depuis de longues semaines. Cette humidité, les plantes ont su – et pu – la trouver comme en témoigne l’enchevêtrement de racines visible dans la tranchée creusée par l’agriculteur. Ce constat amène cette réflexion inattendue : et si, avec le réchauffement climatique, le problème de l’irrigation était résolu par le dessous et non pas par l’irrigation superficielle qui sera de plus en plus mise à l’index. La nouvelle agriculture est en marche…

Cette nouvelle approche des modes culturaux ne fait évidemment pas l’économie de questions sur l’emploi des intrants. « Un couvert dense, c’est 200 à 250 unités d’azote produites par hectare », tranche un agronome présent qui tord le cou à cette idée que les légumineuses enrichissent le sol en azote : « Elles sont accélératrices de minéralisation ».

Quant au débat – souvent binaire du pour et du contre – sur les phytosanitaires, il trouve aussi partiellement réponse dans cette approche où le mot cultivateur prend tout son sens : il faut s’appuyer sur les rotations, faire collaborer les mycorhizes (filaments de champignons) avec les cultures, leurrer les ennemis des cultures par des plantes compagnes, etc. « Je sème mon colza en association avec du trèfle d’Alexandrie et du lin. Le désherbage du colza ? C’est le colza lui-même, sauf pour les graminées. Et depuis des années je n’ai pas employé d’insecticide », glisse au passage Bernard de la Morinière qui multiplie les tentatives pour se passer de glyphosate. Et Frédéric Thomas, expert en TCS, d’ajouter : « Si on veut limiter le glyphosate, il faut toujours semer après récolte pour avoir toujours une culture verte sur le sol ».

Bref, le 14 septembre, sur les pas du populaire Du Guesclin, les 75 « savanturiers » avaient des étoiles dans les yeux à l’idée de se lancer dans cette nouvelle aventure qui doit mener l’agriculture bretonne sur les terres du futur par une « approche nouvelle des modes culturaux et d’élevage, biocontrôle et apports des innovations technologiques. » (lire ici).

[caption id=”attachment_37105″ align=”alignright” width=”159″]Jean-Yves Delaune, Président d’Etem Jean-Yves Delaune, Président d’Etem[/caption]

L’agriculture au service de la planète

Il faut mettre l’agriculture au service du consommateur, du citoyen, de la planète. L’AEI (Agriculture écologiquement intensive) a été un lieu de sensibilisation. Aujourd’hui, nous avons décidé de nous prendre en main. Plus que jamais il faut donc poursuivre, en expliquant, en allant plus vite et plus sûrement, car on en a les moyens. La mise en place de sites pilotes, en Suisse (déjà engagée) et très prochainement dans le Grand Ouest de la France est bien engagée. Il faut accélérer le processus d’explication en cours, pour que les acteurs eux-mêmes, c’est-à-dire les « cultivateurs » et la communauté des prestataires de services qui les accompagnent mettent cette nouvelle agriculture en œuvre.Jean-Yves Delaune, Président d’Etem


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