Pendant des mois, les bénévoles ont travaillé « l’exposition sera très riche ». - Illustration “À nous de raconter leur histoire”
Pendant des mois, les bénévoles ont travaillé « l’exposition sera très riche ».

“À nous de raconter leur histoire”

À quelques semaines du 100e anniversaire de l’armistice de la Grande Guerre, Plouigneau consacre 1 000 m2 d’exposition « à tous ceux qui ont vécu en ces temps et ne sont plus là. »

Jeanne-Claudine Merrand était la dernière d’une fratrie de 10 d’un journalier de Plouigneau. Serveuse dans un restaurant de Brest, elle rencontra John Lyubanovic, un soldat américain d’origine croate débarqué dans le port du Ponant. Comme 500 femmes des environs de Brest, elle se maria à un Américain, puis émigra sur l’autre rive de l’Atlantique. Illustration que la guerre ouvre aussi de beaux livres d’histoire d’amour. Ce 14 septembre, la petite-fille de Jeanne-Claudine Merrand viendra pour la première fois à Plouigneau visiter la maison natale de sa grand-mère. Un retour aux sources qui n’aurait sans doute jamais eu lieu sans le travail de recherche d’une équipe de bénévoles passionnés par ces histoires d’hommes et de femmes dans la fleur de l’âge quand la Grande Guerre faisait rage.

Le nom de 226 Ignaciens sur le monument aux morts

Mais la guerre n’a que rarement la couleur du rose de l’amour. Elle est plutôt couleur sang mêlé de boue, versé dans la détresse et la douleur. En témoigne le nom des 226 Ignaciens –habitants de Plouigneau– tués sur le front de l’Est de 1914 à 1918. Sans compter les blessés, mutilés et affaiblis par le gaz sarin. « Durant cette période, Plouigneau compta 32 % de perte dans les classes d’âge mobilisables », cite Daniel Picart, éleveur de porc, qui s’est pris de passion pour la Première Guerre mondiale. Ce sont ces héros anonymes, d’une guerre aujourd’hui considérée comme absurde, que l’Association des anciens combattants de Plouigneau célébrera au travers de l’exposition Centenaire. « Une exposition qui a reçu le label « Mission centenaire » », se félicite André Chouin, président de l’Ufac de Plouigneau. Et de préciser que « seules les villes de Plouigneau, Brest et Quimper ont reçu ce label dans le Finistère ».
Pour « redonner vie » à ces disparus, les bénévoles ont fouillé les greniers, ravivé les souvenirs des familles des environs, dépoussiéré les archives, reconstitué des vies à partir d’une photo, d’un matricule, etc. Ainsi des pages de vie de Poilus se sont-elles ranimées. « Notre objectif est de transmettre », disent de concert les bénévoles.

Un soldat de Botsorhel décoré par Mangin

[caption id=”attachment_36821″ align=”alignright” width=”221″]La guerre a aussi ses histoires d’amour comme celle de l’Ignacienne, Jeanne-Claudine Merrand, et l’Américain, John Lyubanovic, ici sur le bateau USS Siboney en partance pour les États-Unis en novembre 1919. La guerre a aussi ses histoires d’amour comme celle de l’Ignacienne, Jeanne-Claudine Merrand, et l’Américain, John Lyubanovic, ici sur le bateau USS Siboney en partance pour les États-Unis en novembre 1919.[/caption]

Bénévole à l’association, Daniel Sannier s’est ainsi intéressé à l’évasion du soldat Guiner, de Botsorhel. « Prisonnier des Allemands, il est affecté au ravitaillement des cuisines d’un bâtiment de commandement. Quand, s’aventurant dans un bureau, il s’empare de documents et cartes secrets qu’il réussit à exfiltrer lors de son évasion qui le conduit à franchir les lignes ennemies, vêtu d’un uniforme allemand. En se présentant dans cette tenue devant les Français, il échappe de peu à la fusillade, avant d’être tour à tour interrogé par les gradés, jusqu’au général Mangin qui, sur-le-champ, lui décerne la médaille miliaire. Et comme le général n’en avait pas dans son bureau, il arrache la sienne et l’épingle sur le soldat de Botsorhel ».

Toutes les histoires des Poilus qui seront racontées à Plouigneau ne sont pas aussi épiques. Elles sont souvent dramatiques. Comme celle de ce charcutier de la commune qui à force de recevoir des courriers de calomnies sur son épouse finit par se suicider sur le front. Geste qui lui valu la mention « non mort pour la France » sur ses papiers militaires. Un déshonneur que sa femme s’est attelée à laver avec le soutien du conseiller général de l’époque. « Au-delà de l’honneur, cette mention valait en effet pour son épouse d’être privée de pension de veuve de guerre et à ses enfants de ne pas être reconnus pupilles de la Nation ».

Voyager avec Jae Charles Wood

Mais l’Exposition du centenaire, de Plouigneau, invite aussi au voyage. Comme celui proposé par Annie Quéméré, bénévole de l’association, qui s’est penchée sur le soldat américain Jae Charles Wood. « Le point départ, ce sont des photos, des articles de presse de l’époque, trouvés dans une brocante. Un genre de feuilleton au travers duquel le jeune soldat raconte sa guerre depuis son départ des États-Unis jusqu’à son retour au pays », explique l’Ignacienne qui a passé de longues heures à traduire les textes. Et de faire observer que les recherches conduisent « à rentrer dans l’intimité de la vie d’anonymes » mais, en fait, pas si anonymes que cela. C’est aussi à ce voyage que sont invités à prendre part les visiteurs jusqu’au 30 septembre.

[caption id=”attachment_36820″ align=”aligncenter” width=”720″]La cavalerie française pendant la Première Guerre mondiale se révéla très vulnérable face à la puissance de feu de l’infanterie et de l’artillerie. La cavalerie française pendant la Première Guerre mondiale se révéla très vulnérable face à la puissance de feu de l’infanterie et de l’artillerie.[/caption]

Date et lieu

Du 22 au 30 septembre, de 10 h à 18 h, à l’Écomusée, Plouigneau. Samedi 22, à 11 h : cérémonie inaugurale au monument aux morts, avec les associations des Anciens combattants locales dont les drapeaux entoureront celui du 19e régiment de Brest auquel étaient majoritairement incorporés les soldats de Plouigneau. Avec la participation de l’harmonie de Lannion et la chorale de Plouigneau qui interprétera la Chanson de Croanne (chanson contestataire interdite par le commandement militaire).

Samedi 22 et dimanche 23 : animation de l’exposition par des reconstitueurs, en uniforme, venus de la région de Verdun. À découvrir : collection d’objets (artisanat de tranchée) et d’uniformes, photos, lettres, etc. Inédit à voir : képi du général Weygand enterré à Morlaix (chef d’état-major du général Foch) ; fanion du général Foch chef des forces interalliées ; képi 19 de lieutenant (régiment de Brest) ; taxi de la Marne ; hussard sur son cheval… Entrée : 1 € Gratuit pour les moins de 16 ans.


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