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Accords bilatéraux, plus de dangers que d’opportunités

Cherchant des relais de croissance mondiaux, l’Union européenne multiplie les discussions pour des accords de libre-échange. Plus que jamais, la qualité et le sanitaire développés dans les filières bovines françaises doivent être mis en avant.

Il y a eu le Ceta et ses 65 000 tonnes de viande bovine qui vont arriver sur le marché européen exonérées de toute taxe, et plus récemment, le Mexique et ses 20 000 tonnes ne présentant aucune garantie sérieuse sur le plan sanitaire. Des négociations sont lancées avec le Mercosur, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, principaux producteurs de viandes à bas coût dans le monde. Alors que les politiques français travaillent à la mise en place de lois visant à rééquilibrer les relations commerciales au profit des agriculteurs, l’Union européenne (UE), avec le soutien de la France, multiplie les discussions en vue d’accords de libre-échange. Des accords qui déplaisent globalement aux citoyens européens.

« Pourquoi ce paradoxe, cette incohérence ? », s’indigne-t-on dans les campagnes françaises. Comme l’a expliqué Baptiste Buczinski, économiste à l’Institut de l’élevage, lors d’une réunion du syndicat charolais d’Ille-et-Vilaine, « la viande bovine ne représente qu’un petit pan des échanges négociés, aux côtés de l’automobile, des brevets pharmaceutiques, des services… L’UE cherche aujourd’hui des relais de croissance. »

Doubler les États-Unis

Alors que l’OMC*, qui mettait tous les pays dans les discussions, patine depuis le début des années 2000, l’Europe s’engage aujourd’hui dans des accords bilatéraux, de gré à gré. « Pendant que les États-Unis de Trump remettent des droits de douane, l’UE entend prendre leur place sur les marchés mondiaux. Elle souhaite aussi imposer ses standards plutôt que de laisser faire les États-Unis. »

Ces négociations comportent un volet commercial portant sur des droits de douane et des contingents. « Les deux parties peuvent s’entendre sur la possibilité de protéger des “produits sensibles” comme cela peut être fait sur la viande bovine en conservant des droits de douane. Mais en contrepartie, ils doivent ouvrir des volumes à zéro droit de douane. » Pour les importateurs, l’UE est surtout intéressante pour son marché solvable, plus que pour les volumes. « Ils peuvent y proposer des prix avant douane sans commune mesure avec les autres zones de la planète. »

Pas de conséquence à court terme

L’Europe a, par ailleurs, fait des concessions sur un produit sensible : l’aloyau qui représente 15 % de la carcasse, mais 30 % du prix. Malgré tout, l’UE demeure un marché protégé. Et « à court terme, les accords bilatéraux n’auront pas d’impact. » Autre point, toutes les négociations n’aboutiront pas dans l’immédiat. Au Brésil par exemple, des élections présidentielles ont lieu en octobre n’allant pas forcément dans le sens de l’ouverture des frontières. Et des scandales sanitaires émergent à l’image de la viande avariée de JBS.
Il faut aussi prendre en considération la croissance de consommation dans de nombreux pays, et donc les intérêts de nos productions sur les marchés extérieurs à l’Europe. Le pourtour méditerranéen est un enjeu, tout comme la péninsule arabique et l’Asie du Sud-Est. « Nous avons déjà conclu des accords avec la Corée du Sud et Singapour (libéralisation totale), ainsi que le Japon (43 500 à 50 500 t). Des envois vont être réalisés vers la Chine cet été. Ce pays pourrait notamment être intéressant à l’avenir pour une meilleure valorisation de nos abats. »

[caption id=”attachment_36058″ align=”aligncenter” width=”720″]La Commission multiplie les « fronts »  (Source Idele) La Commission multiplie les « fronts » (Source Idele)[/caption]

Rude concurrence en Asie

Si les importations de viande bovine sont en forte croissance sur ces pays, l’Europe n’est toutefois pas la seule à s’y positionner. « Les poids lourds sont déjà là : Australie, États-Unis, Mercosur… Ces derniers bénéficient de coûts de production plus faibles, de taux de change favorables et de normes plus souples. » Ce n’est pas sur les volumes et les prix que pourra se positionner la filière française, mais sur des produits différenciés. « Notre mode d’alimentation, notre traçabilité, nos races, nos exploitations à taille humaine sont des atouts à mettre en avant à l’export aussi », déclare Dominique Langlois. Le président d’Interbev se félicite de l’ouverture du marché chinois à de la viande bovine désossée d’animaux de moins de 30 mois, officialisée fin juin. « Cette viande s’adresse au créneau haut de gamme et restauration qui pèse 7 % du marché en Chine. »

[caption id=”attachment_36057″ align=”alignright” width=”166″]Dominique Langlois, président d'Interbev Dominique Langlois, président d’Interbev[/caption]

Les mêmes normes qu’en Europe

La filière bovine française n’est pas opposée aux accords de libre-échange internationaux, mais il n’est pas acceptable de signer des accords avec des pays qui ne respectent pas les critères sanitaires qui nous sont imposés, qui produisent sans traçabilité, avec des farines animales, des antibiotiques comme activateurs de croissance. Sinon à quoi servent nos normes ? Pour défendre nos produits, l’étiquetage d’origine fonctionne bien, mais quand la différence de prix est de 30 %, les consommateurs les moins aisés réfléchissent. Par ailleurs, les États généraux de l’alimentation présentent une formidable ambition de meilleure rémunération de la filière, de montée en gamme, de souveraineté alimentaire. Aujourd’hui, l’objectif donné par le Gouvernement de 50 % de produits bio et sous signes de qualité dans les cantines doit être tenu. Dans la restauration globalement, nous devons être plus transparents. L’Association des produits agricoles de France (Apaf) qui regroupe plusieurs interprofessions comprenant celles des viandes peut aider à la généralisation de l’étiquetage d’origine.

Dominique Langlois, président d'Interbev

* Organisation mondiale du commerce


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