Fertilisants sous concurrence

Entre évolution de la réglementation et concurrence vive des pays du nord de l’Europe, l’activité sur le marché de la valorisation des matières fertilisantes organiques est parfois complexe. « En Bretagne, en termes d’export de fertilisants organiques à base de déjections animales, il existe, historiquement, trois produits principaux : fientes de volaille déshydratées, fumiers de volaille compostés et engrais NP issus de centrifugation des lisiers de porc », rappelle Gabriel Menguy, président de l’Interprofession des fertilisants organiques de l’Ouest (IF2O). « Depuis quatre ans, s’y ajoutent les composts à base de digestats de méthanisation. » En réponse au plan de résorption des excédents structurels, IF2O avait été créée en 2004 pour organiser l’export des effluents d’élevage non voués à l’épandage. « Avant l’association, seules les fientes de poules répondaient à une norme Matières fertilisantes ». Les autres effluents non épandus étaient alors classés dans la catégorie déchets et ne pouvaient prétendre à la mise en marché en tant que matière fertilisante (commercialisation non autorisée). Grâce à nos travaux, sous réserve de répondre aux critères, tous peuvent depuis être vendus comme engrais ou amendements organiques. » Dans la spirale de l’économie circulaire Mais le créneau est loin d’être un long fleuve tranquille. Gabriel Menguy parle de « grosse épée de Damoclès » à propos de l’évolution régulière de la réglementation. « Nous devons être souvent présents à Paris pour argumenter auprès des instances de normalisation, des ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, des Frau-des… », poursuit la vice-présidente Stéphanie Sommier. « Sans cesse faire de la veille. Et surtout plaider activement notre cause pour éviter que nos produits d’origine animale ne soient pénalisés face à d’autres produits recyclés à base de diverses catégories de déchets organiques compostés (biodéchets, fraction d’ordures ménagères, boues de stations d’épuration…)- pour lesquels il existe un lobbying très présent. Désormais, dans le fameux contexte de l’économie circulaire, on cherche à recycler le maximum de matières organiques. » Moins compétitif face aux autres bassins Et à l’échelon supérieur, les normes bougent également beaucoup. « Jusqu’à présent un règlement européen concerne les matières fertilisantes minérales. En ce moment, la rédaction d’un nouveau texte, le « Règlement Matières fertilisantes », va élargir le spectre aux matières organiques. » À l’arrivée, l’équilibre entre grands bassins de production (ouest de la France, Allemagne, Flandre) devrait être modifié. Pour la Bretagne, cela risque de changer la donne : « Les échanges transfrontaliers devraient augmenter aux bénéfices des céréaliers français. » Déjà, la matière organique bretonne a des difficultés à rester compétitive sur ce marché très concurrentiel. « En termes de distance, les Belges sont plus proches que nous de 200 à 300 km des grandes plaines céréalières. Ainsi, depuis trois ans, les produits issus des élevages porcins finistériens sont pénalisés vis-à-vis du coût du transport… », confie Gabriel Menguy. Et les pays du nord de l’Europe ont d’autres atouts. D’abord, ils ont une culture de « transporteurs » et savent optimiser la logistique. Ensuite, les éleveurs là-bas paient un droit d’entrée pour apporter au traitement leurs déjections en fonction du taux de matière sèche. « Ces plate-formes collectives sont amorties sur de gros volumes. Au cumul de ces divers facteurs, le prix de revente du produit est ainsi moindre » « Présenter des produits de qualité » En Bretagne, le modèle de gestion sur l’exploitation prédomine : l’éleveur travaille lui-même ses déjections pour les transformer en engrais. « Un compostage de qualité permet de détruire les germes et d’homogénéiser le produit », rappelle Gabriel Menguy. Alors que l’offre sur le marché augmente et pour gommer « un peu » cette problématique de distance des clients, les responsables d’IF2O sont « obligés de présenter des critères qualitatifs ». Cela passe par de « l’accompagnement des clients ». Également par un nouveau travail pour caractériser les spécialités. « L’utilisateur ne se con-tente plus d’avoir la composition en éléments nutritifs, il veut connaître le comportement du produit dans le sol, la forme d’azote… » Cela passe par l’acquisition de connaissances affinées via, notamment, des essais agronomiques menés sur des micro-parcelles.

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