Bain de boue au soleil

Elle est là, figée en bordure d’un talus. Caressée par une lumière rasante d’un matin de décembre. La tête au soleil et les pieds dans la boue. Immobile. Un mouvement lent de rumination déjoue la feinte involontaire de cette grosse Charolaise qui voulait se faire passer pour une statue vivante. À deux pas de cette mère-gardienne, dans un nid de feuilles mortes improvisé au pied du talus, dort son veau à la fourrure généreuse d’un blanc immaculé. On le confondrait volontiers avec un ours blanc débarqué tout droit de la banquise. Ou peut-être une peluche de Noël abandonnée dans cette prairie bretonne.

Sans qu’aucun signe annonciateur ne prévienne, l’imposante vache entame à présent de se mettre en marche. D’un pas lent, elle prend la direction du râtelier métallique où s’affairent quelques congénères craintives profitant de l’absence des chefs pour se rassasier. Pour elles, il est temps de partir. Bientôt les traces de leur présence seront effacées ; englouties dans le magma de terre et d’eau labouré par une multitude de sabots. Cette surface de boue liquide à nouveau plane est un trompe-l’œil. Mais la grosse Charolaise ne s’y trompe pas. Elle s’avance et s’enfonce avec assurance. Les poils de son poitrail effleurent désormais cette fange soufrée, de boue et de bouse mêlées. Dernier coup de collier en avant. La tête de l’imposante Charolaise disparaît au cœur de la botte de foin. La voilà désormais sans pattes et sans tête. Ainsi va la vie des animaux des champs, un matin ensoleillé de décembre.


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