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Économie, bien-être animal, santé, environnement : le pâturage, résolument moderne

Le pâturage tend à perdre du terrain aujourd’hui. Pourtant, les bénéfices qu’il rend aux éleveurs et aux  consommateurs devraient plutôt le renforcer. À condition de le différencier.

Les vertes prairies françaises (encore plus longtemps vertes en Bretagne) sont une opportunité pour la filière laitière afin de réduire les coûts d’une part, et d’augmenter la valeur ajoutée d’autre part. Mais cette richesse se perd au fil des agrandissements laitiers et de la robotisation de la traite. Et aussi parce que l’optimisation des pâtures est souvent perçue comme difficile et contraignante par les éleveurs, et qu’elles génèrent des incertitudes face aux aléas climatiques. Alors que 72 % des exploitations avaient plus de 20 ares de pâturage/VL en 2008, le taux est passé à 67 % en 2013, chiffrent l’Idele et le Cniel.

« Sur l’échantillon du réseau €colait (760 éleveurs français en 2015), le pâturage dépasse 10 % de la ration moyenne de base seulement dans les troupeaux de moins de 50 vaches, les élevages de montagne et ceux en bio. La part d’herbe tend vers zéro pour les cheptels de plus de 110 vaches ou équipés de robot de traite », constate Michel Deraedt, de BTPL (Bureau technique de promotion laitière). Lors des journées « Le pâturage au cœur des systèmes d’élevage de demain », organisées les 21 et 22 mars à Paris par l’AFPF*, il a aussi précisé que sur un échantillon constant de 290 élevages entre 2004 et 2015, « une baisse de 50 % de l’herbe pâturée est observée, parallèlement à une augmentation de 50 % du lait produit par UMO (unité de main-d’œuvre). » Pourtant, les résultats économiques « montrent un écart moyen de 8 000 €/UMO favorable aux systèmes pâturants. »

Source de bien-être animal

Aujourd’hui, le pâturage diminue dans un grand nombre de pays, en particulier pour l’alimentation des vaches laitières. Si bien que de plus en plus, les industries, les distributeurs, voire certains états mettent le sujet sur la table. Car d’autres enjeux pointent leur nez autour de cette pratique. « Si les prairies nourrissent des ruminants qui émettent des gaz à effet de serre, elles présentent aussi l’intérêt de stocker du carbone. Elles limitent le lessivage d’azote, l’usage des produits phytosanitaires et favorisent la biodiversité », souligne Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inra. Et aux yeux des citoyens, elles sont perçues comme source de bien-être animal. Une donnée loin d’être négligeable au vu du contexte actuel.

Le Danois Arla Foods a débuté en 2013

Mais pour le moment, le consommateur n’a pas de moyens d’identifier les animaux nourris à l’herbe. Seul le label bio est une piste, du fait du lien au sol demandé et de la recherche plus active d’économies par l’herbe dans ce mode de production. Dans d’autres pays européens, le pâturage est « marketé ». C’est le cas chez le groupe laitier danois Arla Foods. « La demande est d’abord venue de la distribution néerlandaise pour répondre aux attentes des consommateurs sur ce « lait de pâturage », placé entre le lait standard et le bio », précise Marc Nidercorn, d’Arla Foods.

« Ce lait provient de vaches laitières pâturant au minimum 120 jours par an et au moins 6 h/jour. Le cahier des charges impose aussi une surface minimale disponible au pâturage : le chargement moyen de la surface totale pâturée ne doit pas dépasser 10 VL/ha (il est en moyenne à 3 – 4 VL/ha). Et la part du maïs fourrage ne peut excéder 50 % des fourrages grossiers. Les producteurs doivent tenir un cahier de pâturage et sont contrôlés par un organisme indépendant. »

Du côté de l’industriel, il a aussi fallu s’organiser, mettre en place une collecte séparée. Pour commencer, en 2013, le site allemand d’Arla proche de la Belgique a été ciblé. « L’Eifel est une région très pluvieuse, herbagée et vallonnée, où le pâturage est encore très développé. Cette zone de collecte nous permettait d’être le plus dense possible. Les coûts supplémentaires sont couverts par le client final. »

Complément de prix de 5 €/1 000 L

Les producteurs reçoivent un complément de prix de 0,5 ct/kg de lait. Un peu faible au regard des 15 à 16 ct supplémentaires versés au bio. « Mais ces exploitations n’avaient pas de grands changements à réaliser », argumente Marc Nidercorn. De 25 millions de L collectés fin 2013, le volume de cette filière devrait passer à 270 millions de L sur 2017 (combinés à l’obligation de « sans OGM » depuis fin 2016).

En France, des démarches similaires sont en discussion, mais rien de très concret ne sort pour le moment. En viande bovine, une démarche est portée par le groupe Bigard/Socopa sur la marque Charal, baptisée Herbopack. « Cette production concerne des génisses ou bœufs croisés, principalement Prim’Holstein avec Hereford, de 30 mois maximum, élevés à l’herbe et faisant autour de 320 – 330 kg de carcasse. Ils donnent une viande rouge, tendre et goûteuse », détaille Raphaël Bonnault, directeur d’EMC2 Élevage, coopérative de l’Est qui commence à développer cette démarche. Initiée en 2001, la filière compte aujourd’hui 50 exploitations engagées (ou en cours d’engagement) dans l’Ouest. La plus-value est de 40 ct/kg de carcasse.

Des produits plus sains

Les produits d’animaux nourris à l’herbe présentent aussi de nombreux intérêts nutritionnels pour les consommateurs, en comparaison à des régimes « maïs ensilage et/ou céréales ». Ils contribuent notamment à rééquilibrer le gros déficit en oméga-3 de notre alimentation actuelle, et sont plus riches en vitamines et polyphénols. Nous estimons qu’environ 45 % du lait français provient d’une alimentation à l’herbe des laitières. Pour la viande, l’estimation (très imprécise) est de 25 % de produits qui seraient finis à l’herbe (pendant environ trois mois). Michel Duru, directeur de recherches à l’Inra

* Association française pour la production fourragère


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