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Automation de l’agriculture : le progrès sous la contrainte

Ce sont lors des crises et sous la pression que l’homme a toujours cherché à innover les outils de production. Les révolutions technologiques répondent en partie aux problèmes de compétitivité. Mais elles ne fonctionnent que si l’homme domine la machine.

Impact démographique, croissance, volatilité ou versatilité des marchés, changement climatique… On doit être contraint pour que le progrès continue. Telle est la philosophie d’Yvon Peurou, apprise tout au long de sa carrière. Ce Breton, ancien responsable dans l’entreprise familiale Gruau, 1er constructeur carrossier de véhicules utilitaires sur-mesure en Europe, basé à Saint-Berthevin, près de Laval (53), est venu à la rencontre des éleveurs du Club robot de Triskalia, pour débattre avec eux des parallèles entre ce que l’industrie vit et subit, et comment elle s’adapte, et ce que vivent les agriculteurs.

La crise de 1929 n’a certainement pas été la meilleure période à vivre. Pourtant, c’est à partir de cette date que toute l’automatisation a démarré. Et depuis, tous les secteurs économiques en ont profité et ont évolué avec ces progrès techniques. Les domaines les plus touchés par l’industrialisation sont ceux qui touchent les tâches les plus répétitives. La distribution de l’alimentation et la traite en font partie.

Apprendre ensemble

« À chaque période difficile pour l’entreprise, les hommes ont dû se remettre en cause. C’est quand on est au pied du mur que l’on commence malheureusement à réfléchir », témoigne-t-il. Et là, il faut repartir de la base, réfléchir et rebâtir si besoin son « business model ». Un terme technique qui permet d’analyser comment on peut appliquer dans son entreprise les éléments détectés et mis en place ailleurs ou par les voisins. Ceci est possible par une veille continue, individuelle ou collective. « Vous avez de la chance de faire partie de structures économiques : soyez exigeants avec elles pour qu’elles vous permettent d’avancer et ne pas rester isolés. Quand une nouvelle notion s’intègre dans l’esprit de l’entreprise et que le choc culturel disparaît, tout le monde apprend ensemble et plus vite ».

Rêver sa vie

« Après le premier choc pétrolier en 1973, tous les spécialistes s’accordaient à dire qu’il ne resterait que deux constructeurs automobiles en Europe », illustre-t-il. Des prédictions démenties : les entreprises ont investi pour être moins sensibles et cela a permis des gains de compétitivité considérables. Elles ont rebattu les cartes, ont réfléchi à ce qu’elles voulaient offrir sur le marché, à quel prix de vente et ce qu’elles voulaient en retirer comme bénéfice, tout en investissant pour optimiser l’efficacité de leur système de production. Il faut de temps en temps prendre du recul et se questionner : « Où je me situe ? Est-ce que je peux me différencier de mes concurrents ? ». Et s’il faut suivre avec assiduité le chiffre d’affaires, le carnet de commandes, il faut aussi prendre du recul et « rêver sa vie », conseille-t-il. C’est de là que peuvent émerger les bonnes idées pour demain…

Une technologie à dominer

« Mais la technologie ne répond pas à tous les problèmes », alerte l’industriel. « Il faut toujours veiller à concilier l’humain avec les progrès industriels. La ressource humaine est la plus rare, c’est elle qui déclenche les phénomènes de survie. On ne lui accorde pas toujours l’attention qu’elle mérite. » Si ce qu’on achète doit être fiable et durable, il faut aussi rechercher la compétence pour accompagner toutes les innovations. « Il faut dominer l’automatisme que l’on vient d’acquérir, au besoin en s’accompagnant de partenaires. C’est vital pour ces investissements, dits de rupture. »

La ressource humaine est la plus rare, on ne lui accorde pas toujours l’attention qu’elle mérite.

Pour la maintenance des outils, face aux investissements importants, l’industrie négocie avec les constructeurs des contrats sur le nombre d’heures et les conditions d’utilisation. La maintenance est assurée en continu dans l’entreprise ou par des tiers, mais en aucun cas il ne peut s’agir du constructeur. Une piste à envisager peut-être en agriculture…

Se faire aider pour réfléchir et avancer

La vie de l’entreprise est faite d’accidents. Une crise peut survenir sans qu’elle ait été annoncée. « Il faut être suffisamment grand ou diversifié pour amortir ces aléas. » En 2008, l’entreprise Gruau a vécu une année noire. « Le choc venait de l’extérieur, il était visible. Mais on redoute toujours d’annoncer une crise. » Elle a alors axé sa stratégie sur l’automatisation et la formation, avec l’appui d’un regard extérieur. « Il ne faut pas avoir peur de se faire aider dans ces situations. » Et chercher si besoin de nouvelles sources de financement pour convaincre les banques. Mais point divergent avec l’agriculteur, l’industrie connaît une plus forte rentabilité. « Il est vrai que nous n’investissons jamais 1,5 fois notre chiffre d’affaires, sauf au démarrage de l’activité », note l’entrepreneur.

La recherche de compétitivité, une oppression continue
Toute ma carrière, j’ai vécu la recherche de compétitivité comme une oppression continue. À deux niveaux. Tout d’abord, en ce qui concerne les coûts. Le prix vient de l’exploration des marchés et de la proposition de valeur que l’on a définie dans l’entreprise. J’ai observé mes concurrents, c’était mon quotidien. Et j’ai toujours entendu : « Nos produits sont trop chers. » Dans l’industrie, le marché aussi impose la fixation des prix. Et avant chaque investissement, je dois redéfinir cette proposition de valeur : que m’apportera-t-il ? Plus d’efficacité, plus de régularité, plus de sécurité par rapport à mon produit… de nouveaux arguments de vente en quelque sorte. Yvon Peurou, Vice-président du conseil de surveillance de Gruau, à Saint-Berthevin (53)


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