Christelle et Bruno Chevrel prennent la pose derrière Gessy, tête de souche des animaux sans cornes dans leur troupeau. - Illustration Les veaux sans cornes sortent de la brume
Christelle et Bruno Chevrel prennent la pose derrière Gessy, tête de souche des animaux sans cornes dans leur troupeau.

Les veaux sans cornes sortent de la brume

En Ille-et-Vilaine, Christiane et Bruno Chevrel ont vu naître leur première génisse sans cornes en 2010. Depuis, d’abord par le transfert embryonnaire puis par l’insémination, ce caractère s’impose peu à peu dans leur cheptel. Un progrès génétique palpable dès la naissance.

« Si tous les veaux pouvaient naître sans cornes, ce serait bien », démarre Christiane Chevrel, de l’EARL des Orgeries, à Tresbœuf (35). « Si je n’avais pas besoin d’écorner, ce serait un stress en moins pendant une période de croissance stratégique, car il faut intervenir avant le sevrage. » Se passer de cette petite corvée : « Un confort pour l’animal et aussi pour nous », une tâche de moins dans un agenda d’éleveur toujours bien rempli.

À la naissance, on le sait

Frimousse (fille de O-Man), la première femelle sans cornes est née sur l’élevage le 22 avril 2010. « Les enfants étaient encore à l’école. Passionnés de génétique, ils nous avaient poussés à acheter des embryons. Certains pouvaient être porteurs du gène sans cornes. On a eu la chance d’avoir cette génisse… » Le début de l’aventure. « Nous étions très contents, c’était tout nouveau pour nous », se rappelle la productrice de lait. Bruno Chevrel, son mari, poursuit : « Dès la naissance, on le sait. Les “sans cornes” ont un peu une tête de mouton : plus arrondie, une implantation de poils différente… »
Pour la petite histoire, Frimousse a  donné Hesse P, taureau diffusé à l’IA susceptible de transmettre à 50 % de sa descendance ce caractère monogénique dominant. La vache a depuis donné deux autres filles… « Mais cornues ces fois-là. »

[caption id=”attachment_16822″ align=”aligncenter” width=”600″]Lolita a le haut du crâne de forme plus arrondie. Cette génisse, issue d’un accouplement avec le taureau Grapon P qui transmet le caractère sans cornes, n’aura jamais eu besoin d’être écornée.    Lolita a le haut du crâne de forme plus arrondie. Cette génisse, issue d’un accouplement avec le taureau Grapon P qui transmet le caractère sans cornes, n’aura jamais eu besoin d’être écornée.[/caption]

Par voies mâle et femelle

En 2011, est née Gessy (Duparc), non cornue, aujourd’hui une tête de souche dans le troupeau sur cette question du « sans cornes ». « En effet, aux Orgeries, des veaux naissent aujourd’hui non cornus en héritant du gène soit par la voie femelle si leur mère est sans cornes, soit par la voie mâle quand un taureau du catalogue portant le suffixe P, pour Polled en anglais, est utilisé », explique David Girod, chez Évolution.

En 2013, quatre femelles sont ainsi nées sans cornes aux Orgeries, dont une fille de Gessy. « On a goûté par la pose d’embryons puis nous avons continué à développer par l’insémination avec des taureaux porteurs », poursuit Bruno Chevrel. À ses côtés, Vincent Fermi, l’inséminateur de l’exploitation, ajoute : « À l’heure des accouplements, ce n’est pas la première priorité. Mais à qualités égales, sans hésitation, le mâle porteur du caractère sera souvent privilégié ici. » Et cela se voit dans les chiffres : sur les 12 derniers mois, 15 inséminations sur 10 vaches différentes (sur 45 au total) ont été réalisées avec un taureau P. Sur la prochaine campagne, le potentiel de naissances de veaux sans cornes se situerait « environ 30 % ».

Prendre le bon taureau par les cornes

« Bien-être animal, économie de temps, agrandissement des troupeaux, tâche rebutante… Le travail sur le caractère sans cornes a accéléré », explique David Girod. « En 2010, nous diffusions les premiers taureaux. En 2014, l’offre a cru en qualité et en quantité avec Grapon P, Glor P, Gecko P, Ganadero P accessibles sur commande. Mais le sans cornes ne représentait que 1 % de la génétique diffusée. » Mais depuis l’été 2015, les inséminateurs ont en cuve 5 à 7 taureaux P en libre-usage. En quelques mois, le « sans cornes » a pris une « nouvelle dimension » puisqu’il représente aujourd’hui 7 % des IA de la coopérative. « Ce qui signifie qu’environ 1 veau sur 25 à naître sur la zone Evolution sera sans cornes. »

L’attractivité vient aussi du fait que « le niveau génétique des taureaux P rattrape celui des cornus ». Dans la sortie d’index d’avril, le spécialiste cite en exemple Jeez PP (homozygote, il transmet toujours le caractère) : 173 d’Isu, + 434 kg en lait, + 2,9 en morphologie, +2 en santé de la mamelle, + 1,4 en longévité… « Il sera accessible dès ce printemps en semence sexée. Dans ce cas, il donnera 90 % de femelles et toutes sans cornes. »

4 nouveaux taureaux dans les cuves

« À l’avenir, miser sur le “sans cornes” sera plus facile. La sélection génomique, facilitatrice, a permis de faire émerger davantage de taureaux porteurs du caractère. Dans les catalogues, l’offre grossit, c’est flagrant », précise David Girod. « Et surtout, ces mâles n’ont pas à rougir sur leur niveau génétique : on peut aujourd’hui en utiliser sans négliger le lait, le TP, les cellules… », reprend-il. « Parmi eux, on trouve d’ailleurs des mâles homozygotes, c’est-à-dire double-porteur du gène en question. » En d’autres termes, à la première génération, toute la descendance va naître non cornue. Une petite révolution est en marche.


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