Le lait a de l’avenir en Bretagne

Pour son assemblée générale à Lorient, le syndicat des Entrepreneurs des territoires (EDT) Bretagne a invité l’économiste Vincent Chatellier à donner sa vision de l’avenir du secteur laitier en Bretagne.

« Bien sûr que le prix du lait va remonter… Mais entre-temps, il va y avoir de la casse », lançait Vincent Chatellier, directeur du Laboratoire d’études et de recherches en économie (Lereco) à l’Inra. Invité par EDT Bretagne au stade du Moustoir à Lorient (56), il poursuivait, sûr de lui : « Le lait est un produit d’avenir. » Grâce à la consommation de produits laitiers qui « progresse d’1,5 kg par habitant de la planète par an » et surtout à la croissance démographique mondiale « ahurissante » : « Il y a 230 000 personnes en plus sur terre chaque jour ! L’espérance de vie progresse. Il y a plus de naissances au Nigéria chaque année que dans toute l’Europe… »

Pour nourrir cette population qui se développe en zone urbaine, « dans les 50 ans à venir, la Bretagne va se rendre compte qu’elle a de la chance d’être au bord de la mer, d’avoir cette connexion directe au monde. » Alors que le transport maritime coûte « de moins en moins cher et est en pleine révolution technologique », pour lui, « Lorient est peut-être tout près de Shangaï… » Mais suite à l’embargo russe et au recul de la Chine à l’achat (« stock de poudre de lait, ralentissement de son économie »), le marché mondial, qui ne représente que 7 % de la production globale, s’est rétréci. « La Nouvelle-Zélande a su réagir assez rapidement » en se freinant.

L’Europe, responsable de la crise

Alors qui est responsable de la crise actuelle ? « La zone à l’origine de cet excédent d’offre est l’Europe avec 6 pays en cause : Allemagne, France, Ukraine, Pays-Bas, Pologne et Irlande. » Pour Vincent Chatellier, il est nécessaire d’organiser au minimum la filière pour maîtriser l’offre si nécessaire. « Mais au niveau européen. Pas au niveau national comme certains le prônaient en 2009 car sans droit de douane, ce qu’on produit en moins arrivera aussitôt d’ailleurs… »

« Le breton est assez extensif »

Vincent Chatellier a comparé la Bretagne aux 30 plus grandes zones laitières en Europe (Source : DG Agri – Rica UE 2012).

  • Au Danemark 53 % de la main-d’œuvre est salariée. La France est en queue de peloton avec 9 %, 6 % en Bretagne : « On ne sait pas recruter un salarié pour dynamiser l’activité laitière. On travaille en Gaec, on fait bosser les retraités… Mais attention à la surcharge de travail dans les 5 à 10 ans. »
  • 5 000 € / ha en zone laitière en France, contre 50 000 € aux Pays-Bas et 25 000 € en Irlande : « Nous avons le foncier le moins cher en Europe et donc de la marge en termes d’intensification. Mais les détenteurs de foncier sont de plus en plus à la retraite. Question : à qui appartiendra le foncier demain ? »
  • Les exploitations spécialisées en France produisent en moyenne 196 000 kg / UTA (513 000 kg au Danemark, 383 700 aux Pays-Bas). En Bretagne, 213 900 kg / UTA : « Pas assez pour diluer suffisamment les coûts fixes. Mais cela évolue, surtout chez les moins de 40 ans. »
  • Avec 7 400 kg de lait produits / an / ha de SFP, « le breton est assez extensif ». Contre 21 600 kg en Lombardie, 13 500 kg en Espagne, 13 400 kg aux Pays-Bas ou en Italie, 11 700 kg au Danemark…
  • La Bretagne ne produit que 15 % de son lait à partir d’aliments achetés : « Parmi les meilleurs d’Europe. » (47 % en Espagne, 36 % au Danemark ou au Royaume-Uni…)

La France, croître ou reculer ?

Et la France dans tout ça ? Si les Français avalent 350 L de lait par an, « au sommet du classement mondial avec les Suédois et Finlandais, il n’y a aucun espoir de voir la consommation globale nationale progresser ». Aujourd’hui, le pays produit 24 milliards de litres de lait. « Soit on décrète que l’export n’est pas intéressant et on a seulement besoin des 17 milliards de litres pour notre consommation nationale. Mais quand on décroche en compétitivité externe, on se fait croquer par les voisins en compétitivité interne… »

Soit on s’oriente davantage vers l’international « en visant 30 milliards de litres avec des entreprises laitières à la taille critique pour aller capter cette croissance sur le marché mondial. » Et le chercheur d’insister : « Les Pays-Bas et l’Irlande savent depuis 25 ans que l’Eldorado, c’est ce marché mondial. » Avant de conclure : « Je crois en l’avenir de l’agriculture, et notamment du lait en Bretagne. Les restructurations vont se poursuivre. Actuellement, c’est difficile. Mais c’est davantage une mutation qu’une crise… » Toma Dagorn


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