robert-troy-secteur-laitier - Illustration Un secteur laitier attractif, mais une terre hors de prix

Un secteur laitier attractif, mais une terre hors de prix

Alors que la jeunesse est attirée par la production laitière en Irlande où le droit d’aînesse prévaut et où le foncier est hors de prix, s’installer hors-cadre est quasiment impossible. 

« Fauche, ensilage, élagage… Les travaux des champs sont délégués et il n’y a pas de cultures de vente. Ainsi, il y a très peu de matériel sur les fermes. Chez Mary et Robert Troy, il n’y a d’ailleurs qu’un seul tracteur de 60 CV qui sert essentiellement à l’épandage de l’engrais minéral. » Les Irlandais limitent les charges de structure de manière draconienne. Cela participe à la bonne maîtrise des coûts de production, « force de l’Irlande. »

Sur l’exploitation, l’investissement le plus récent est le manège de traite « en vue de préparer l’après-quotas. » Ce roto 44 places permet de passer les 290 laitières en 1 h 20 à deux trayeurs. Par contre, en fin de lactation, un seul opérateur suffit pour traire le troupeau en 1 h 10. « Notons quand même qu’une telle cadence est permise parce que les vaches sont simplement branchées, sans nettoyage préalable des mamelles, et que l’installation bénéficie d’une dépose automatique des faisceaux trayeurs. »

Un coût de production à 220 € / 1 000 L de lait

Avec une telle stratégie, les Bretons rapportent que l’éleveur irlandais « estime pouvoir produire à un coût de 220 à 230 € / 1 000 L, alors que le prix du lait le plus bas qu’il ait connu a été de 240 € en 2009. » Avec un prix de base moyen à 380 € / 1 000 L pour un lait standard à des taux de 36 et 33, l’année 2014 a donc été rémunératrice pour l’élevage qui livre un produit à 45 et 35 de taux. « Avec un bénéfice qui doit atteindre 50 % des produits, cela fait un joli revenu les années de bon prix du lait. Mais attention, le couple a acheté 50 ha en 1998 puis à nouveau 50 ha voisins en 2010. À 25 000 € / ha, cela représente donc de sacrées annuités à rembourser », tempère tout de même François Leray du Cédapa.

De quoi aussi assurer la rémunération du vacher qui travaille sur l’exploitation avec le couple. Ce salarié travaille 40 h par semaine. Il perçoit un salaire de 21 000 € net par an qui coûte au total 25 000 € à ses employeurs. Quant à la fiscalité, les exploitations irlandaises paient l’IS, l’impôt sur les sociétés. « Faibles charges sociales et fiscalité allégée participent au dumping social irlandais par rapport à notre cadre français », notent les éleveurs bretons. Par contre, il n’y a pas de cotisation retraite. Il est ainsi très fréquent de trouver les anciens encore très actifs sur les fermes irlandaises. Toma Dagorn

L’avis de :

Patrick Thomas, Président du Cédapa, éleveur à Plouguenast (22)

Cellules, butyriques, lipolyse… Les Irlandais sont moins à cheval sur la qualité, 85 % de leur lait étant transformé en poudre. Les laiteries qui veulent transporter le moins d’eau possible valorisent la matière utile : les éleveurs ont donc un malus sur le volume et un bonus sur les taux. Pour les cellules, les pénalités commencent au-dessus de 400 000. En dessous de 200 000, un bonus est accordé. Par ailleurs, en termes d’objectifs et de moyens de développement de la filière, les Irlandais ne jouent pas dans la même cour que nous. Je crains de les retrouver face à nous demain à l’export.

Ronan Guernion, Eleveur à Toncquédec (22)

Dans les années 80, beaucoup d’Irlandais ont quitté l’agriculture pour l’immobilier ou le BTP. Mais tous les chantiers ont été arrêtés par la crise de 2008-2009. Aujourd’hui, le lait est redevenu un secteur très, très attractif. Le métier d’éleveur, c’est un peu la classe. Les écoles d’agriculture sont pleines à craquer de jeunes, attirés par la sécurité de l’emploi, la qualité de vie et même le salaire.

Là-bas, il y a toujours quelqu’un pour reprendre une ferme et seul 1 % du foncier s’échange chaque année. Mais attention, il est impossible de s’installer hors-cadre tant le prix des terres est élevé. C’est le droit d’aînesse qui prévaut et celui qui reste sur la ferme n’a pas à indemniser ses frères et sœurs à qui les revenus de l’exploitation ont payé des études.


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