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Les animaux à la table de noël

Faire ripaille le jour de Noël est une tradition bien ancrée en Europe chrétienne. Si l’on ne mange plus guère de cochon ou encore moins de chat pour célébrer la Nativité, la viande reste un mets de choix pour les fêtes.

Des siècles durant, le cochon a été « LA » viande de Noël. Elle le demeure encore dans certains pays de l’Europe de l’Est, comme en Estonie où elle se déguste avec de la choucroute. Ou encore en Lettonie où le plat traditionnel de Noël a longtemps été la tête de porc.

Un reliquat de rites païens

En Allemagne, où le réveillon de Noël très gourmand – ce qui lui vaut son surnom de « réveillon du ventre plein » ou Vollbauchabend –, le porc a longtemps trôné en centre de table de ce repas familial sacré ; une tradition perpétuée en souvenir du sanglier jadis sacrifié au dieu germain de la guerre, Wotan. Aujourd’hui, les Allemands, qui préfèrent les douceurs au goût musqué de l’animal sauvage, confectionnent des gâteaux et pains sucrés en forme de cochon pour Noël.

Si cette tradition de faire ripaille pour célébrer la naissance du Christ remonte à quelque reliquat de rites païens qui consistaient à sacrifier un animal pour célébrer un événement, la place du cochon sur la table de Noël tient aussi aux pratiques paysannes calées sur les saisons, comme l’explique l’historien Michel Pastereau, auteur de nombreux ouvrages sur la place des animaux dans les sociétés(1). Et cet exégète de relever que dans les campagnes, la tue-cochon intervenait pour des raisons évidentes à l’entrée de l’hiver.

Après la tue-cochon, la Saint-Cochon

« De nombreux règlements fixaient la fin de la glandée au 30 novembre, jour de la Saint-André. À son retour de forêt, le cochon était bien gras : c’était le moment de le tuer en prévision d’un hiver qui annonçait généralement des difficultés pour se nourrir. Dans une sorte de coïncidence heureuse du calendrier, la tue-cochon précédait de quelques semaines la Saint-Cochon, c’est-à-dire les festivités de Noël pendant lesquelles les paysans pouvaient se régaler de viande fraîche. » Un luxe à l’époque. Ces « journées de mangeaille » ne se résumaient d’ailleurs pas à un repas, mais à un festin qui pouvait se prolonger une dizaine de jours.

Pour autant que nécessité fait loi, la consommation de cochon ne serait pas sans rappeler une certaine symbolique comme l’évoque un texte anglais du 12e siècle qui mentionne que le porc « regarde toujours vers le bas et ne lève jamais le regard vers le ciel. C’est pourquoi, il est l’animal pécheur car bien qu’il ait l’ouïe fine, il n’entend pas l’appel de Dieu et préfère écouter les appels incessants de son ventre », cite Michel Pastereau. C’est un peu le cas de ceux qui font ripaille de sa viande. Comme quoi, trop penser à son ventre, n’empêche pas d’être mangé…

Traditions insolites

Jusqu’à la fin des années 60, les habitants du territoire de Belfort perpétuaient une tradition locale pour le moins insolite : pour le réveillon du 24 décembre, ils mangeaient du chat !

La viande de bœuf ne fait pas partie des plats traditionnels servis à Noël en Europe de l’Ouest. Le bœuf est pourtant l’animal du sacrifice dans les religions anciennes. Dans la religion chrétienne, il se contente de figurer dans la crèche réchauffant de son souffle l’enfant Jésus. Cette mise en scène remonte au 5e siècle.

La revanche des plumes

Progressivement, l’oie supplante le porc devenu banal sur les tables de fête. Une tradition à relier aux oies du Capitole que les Romains promenaient à travers la ville pour les remercier d’avoir alerté les militaires de l’arrivée des Gaulois. Pour honorer le volatile protecteur de la forteresse, les Romains choisissaient la plus grosse pièce qu’ils faisaient rôtir pour les festins. Une mythologie qui inspire « Les douze travaux d’Astérix », quand Obélix engloutit une volée d’oies, provoquant panique dans la cuisine romaine.

Ce n’est qu’à la fin du 16e siècle que la dinde commence à remplacer progressivement l’oie dans les rituels festifs. Cette volaille de luxe servie pour la première fois au mariage de Charles IX séduit par son côté exotique et le monde nouveau qu’elle représente. Aux États-Unis, la tradition un peu loufoque de la grâce présidentielle accordée à une dinde à la veille de la fête de Thanksgiving remonte à 1621 lorsque les pionniers rendaient grâce au Seigneur avant de se régaler de deux plats : de la dinde et de la tarte au potiron. À ce sujet, Michel Pastereau l’accorde : « Les chefs d’État ont parfois des rapports étranges avec les animaux. Ainsi, selon une tradition du Moyen Âge, la reine d’Angleterre est propriétaire de tous les cygnes de son royaume. De quoi ajouter un tabou supplémentaire pour la consommation de cet oiseau immaculé, dont la blancheur, la puissance et la grâce symbolisent “une vivante épiphanie de la Lumière” ». Didier Le Du

(1) Bibliographie : Les animaux célèbres, Bonneton, 2002 ; Bestiaires du Moyen Âge, Seuil, 2011 ; Le cochon, Gallimard, 2013.


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