vaches-laitieres-prix - Illustration La vache noire voit rouge

La vache noire voit rouge

Le prix de la vache de réforme est descendu à son plus bas niveau depuis le printemps 2011. Cette mauvaise conjoncture fait du bruit dans les trésoreries.

Retour deux ans en arrière. Les notes de conjoncture de janvier 2013 s’alarmaient du manque de gros bovins à abattre. Les jeunes bovins noirs substituaient alors le manque de vaches laitières de réforme pour les fabrications de steak haché. Aujourd’hui, changement radical de situation. Depuis cet automne, le monde de l’élevage assiste à un retournement des prix. Des vaches de réforme, il y en vient de tous les côtés.

Des génisses à caser, des vaches à dégager

« Entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2014, le cheptel européen de vaches laitières a augmenté de 300 000 têtes », chiffre Caroline Monniot, économiste à l’Institut de l’élevage. En France, le cheptel laitier a augmenté de 7-8 %. Un scénario prévisible comme l’évoquent les négociants en veaux de 8 jours qui constatent que les femelles ont été très peu nombreuses sur les marchés ces trois dernières années. Aujourd’hui, on les retrouve en nombre aux portes des salles de traite. D’autant plus nombreuses que le marché de la génisse laitière sur le Maghreb a été fermé pendant 2,5 mois. Ce coup de frein à l’export a eu aussi pour conséquence de reporter des amouillantes sur le marché local devenu particulièrement mou. Au final, toutes ces génisses restées en ferme ont le plus souvent intégré le troupeau des laitières.

Aujourd’hui, en prévision de la baisse du cours du lait pour 2015, des éleveurs sont tentés par la décapitalisation. D’autant plus rapidement qu’à l’approche de l’hiver, ils comptent les places dans les stabulations : il faut sortir des bêtes de l’élevage pour trouver une place à chacune dans les bâtiments. « Ils font le tri. Si bien que les abattages ont progressé de 23 % ces 5 dernières semaines », note l’expert de l’institut. Des observateurs de marchés prédisent que le recul des prix devrait se poursuivre jusqu’à la mi-décembre, et que ce niveau de prix de la viande, cumulé à une baisse du prix du lait, augure « un printemps 2015 tendu ».

Cette tendance baissière à partir de la mi-septembre est un classique du marché de la réforme laitière. Sauf qu’en 2014, le décrochage amorcé dès avril n’a pas empêché les prix de replonger à partir de septembre. Aujourd’hui, le niveau des cours a renoué avec son plus bas niveau depuis le printemps 2011.

Effet domino de l’embargo

Les génisses en surplus poussent les animaux plus âgés vers la sortie. Résultat, ces sorties anticipées riment avec état d’engraissement peu favorable à faire monter les prix. « On voit aujourd’hui des vaches de 450 kg sans état qui donnent 200-220 kg de carcasse ». Peu d’éleveurs consentent cependant à engraisser leurs réformes, car la valorisation du produit ne suit pas. « Deux mois d’engraissement, du soja, du travail : pour ne rien avoir de plus » : cette formule est souvent partagée par des éleveurs quand on aborde le sujet.

La France, pays de consommation de la viande de la vache laitière, doit par ailleurs faire face à un marché européen très concurrentiel. Les frontières de la Russie étant fermées aux exportations européennes, des vaches des pays de l’Est transitent par les abattoirs allemands avant de franchir le Rhin. Par cascade, ce flux commercial pèse sur les prix pratiqués sur les animaux de boucherie originaires des départements de l’est français. Les abatteurs bretons attirés par ce prix compétitif n’hésitent pas à traverser la France pour acheminer des semi-remorques de vaches de réforme vers les outils industriels de l’Ouest. Ces pratiques commerciales pèsent inévitablement sur les prix locaux puisque les vaches qui arrivent en Bretagne après 10 heures de route seraient moins chères que les réformes collectées sur place. Les effets se mesurent également sur les réformes allaitantes de second choix dont les prix tirent vers le bas.

31 € /1 000 L de produit

« En production laitière, les réformes représentent un produit de 31 € / 1 000 L pour un prix de vente moyen des réformes de 890 € par animal (vendues à 330 kg nets en moyenne) pour les clôtures du 2e trimestre 2014 », indique Pascale Van Belleghem, chargée d’études à CerFrance Finistère. Et de préciser que ce produit viande varie évidemment en fonction du taux de réforme, qui était à 26 % le trimestre concerné. La chargée d’études livre ce repère : « 100 € de baisse du prix de vente d’une réforme, soit environ 30 cts par kg, représente une perte 4 €/1 000 L (à taux de réforme identique) ».

Modification des habitudes de consommation

Cette dégringolade du prix de la vache de réforme au départ de la ferme n’entraîne pas dans son sillage celui de la viande à la consommation. Un classique dans le genre… Reste que le prix n’est pas le seul déterminant dans l’acte d’achat. « Dans le panel d’achat, la consommation de viande piécée baisse très fortement alors que le haché continue de progresser : – 3,4 % en pièce et + 4,1 % en steak haché, sur la période du 1er janvier au 5 octobre 2014 », livre Caroline Monniot. Inéluctablement, les modes de consommation changent. Jusque dans la restauration où le burger détrône de plus en plus le steak frites. Didier Le Du

L’avis de Hervé Denis, Président de la section bovine FRSEA

Le décrochage des prix observé est inacceptable. Le monopole des grandes surfaces contribue beaucoup à aboutir à la situation que nous connaissons aujourd’hui. D’un statut de vendeur de leurs produits, les éleveurs sont devenus de simples livreurs. C’est pourquoi nous ne pouvons qu’encourager les exportations, entre autres vers la Chine pour court-circuiter la GMS.

La situation des éleveurs de viande bovine n’est pas tenable, car ils n’ont plus de marge de manœuvre au niveau de leurs coûts de production. Pour notre part, nous demandons un prix de marché en rapport avec notre coût de production. Interbovi devrait être le médiateur à ce niveau. Si rien n’est fait, nous allons continuer à assister à l’érosion du cheptel bovin. Chaque année, la Bretagne perd 3 000 vaches allaitantes et les ateliers d’engraissement ne se remplissent plus.


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