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Le voyage extraordinaire de l’azote

L’azote donne lieu à toutes sortes de calculs, d’interdictions. Mais que sait-on réellement de son organisation, de sa circulation dans le sol ? Petite pérégrination souterraine avec des agronomes.

La réglementation vise à traquer le moindre kilo d’azote susceptible de fuir dans l’eau. Quitte à ignorer le circuit complexe qu’emprunte cet élément indispensable à la vie du sol, à la vie des plantes, des animaux et donc de l’homme. Puisque l’azote c’est la vie, il n’a donc pas à porter le costume diabolique qu’on veut parfois lui tailler.

Les agriculteurs connaissent d’ailleurs parfaitement  ses bienfaits sur les rendements : « Si tu ne mets pas, tu n’as rien », entend-on souvent dans les campagnes. Ce à quoi il faudrait ajouter : « Si tu ne sais pas favoriser la circulation de l’azote et le capter dans le sol, ça ne poussera pas non plus ». C’est le credo de cette frange d’agronomes qui travaillent à maîtriser l’autofertilité des sols. Un thème abordé en profondeur lors de la journée annuelle Base qui s’est déroulée chez la famille Paumier à Maure-de-Bretagne (35), en septembre dernier.

4 t MS au crédit de l’autofertilité

L’autofertilité du sol, c’est sa capacité à fournir de manière autonome les éléments fertilisants à la plante. Exemple de l’azote : le bon fonctionnement du sol favorise la minéralisation de l’azote et donc sa mise à disposition pour les plantes. Elle varie de 50 à 250 kg/ha. Le meilleur moyen de l’évaluer, c’est de faire des bandes témoins avec 0 azote. L’autofertilité est liée au précédent et à la structure du sol. Un essai mené à Piré-sur-Seiche (35) a évalué le rendement dû à l’autofertilité jusqu’à 4 t de MS/ha en maïs après prairie.

De 250 à 500 unités sous prairie

« Le flux d’azote varie de 250 à 500 u/ha sous prairie, la minéralisation représentant 200 à 250 unités ». Les chiffres livrés par Frédéric Thomas, agriculteur en Sologne et président du réseau Base, tranchent avec les normes rouges à ne pas dépasser de 170 u/ha (210 u/ha autorisées sur prairie). Mais ce flux physico-chimique n’est pas à confondre avec la déclaration de flux papier exigée par l’administration. Ici, l’agronome parle de la circulation réelle de l’azote dans le sol.

Ce n’est pas parce que 500 unités se baladent dans le sol qu’elles vont finir par se précipiter systématiquement dans la nappe phréatique. La circulation est aussi horizontale, ascendante… « La moitié de l’azote du sol est par ailleurs emprisonnée dans l’humus stable », poursuit Frédéric Thomas. Cela fait déjà la moitié d’un stock potentiel de 500 unités qui sont ainsi cadenassées. Sachant qu’une prairie recycle annuellement 200 à 250 unités d’azote, le compte y est…

[caption id=”attachment_5182″ align=”aligncenter” width=”300″]Incidences des pratiques Incidences des pratiques.[/caption]

Limiter l’azote libre

En fait en Bretagne, selon la période de l’année, la part de l’azote libre dans le sol reste somme toute modérée par rapport au stock total. « Exemple : 27 unités au 14 novembre 2013 sous une prairie à Maure-de-Bretagne ; 33 unités au 25 décembre », illustre l’agronome. Et d’expliquer qu’une prairie qui ne fonctionne plus peut par contre ne plus maîtriser les fuites : 93 unités libres sous une prairie désherbée à l’automne. D’où cette interdiction fondée de ne pas détruire une prairie à l’automne puisque la minéralisation de l’azote (et donc sa libération) est favorisée par :

  • L’humidité qui ne manque pas à l’automne.
  • La température : la terre a accumulé de la chaleur pendant l’été et les hivers doux sont favorables à la minéralisation qui est exponentielle de 5 à 25 °C.
  • Le travail du sol ou la destruction de la prairie : autrement dit, on arrête la pompe à nitrates en déstructurant l’existant.

Culture et élevage

L’élevage est souvent désigné responsable des teneurs en nitrates dans les eaux. Or, un essai céréales mené dans les Deux-Sèvres a mesuré des fuites de 90 u/ha/an d’azote certaines années. En élevage, les fuites sont généralement inférieures à 50 u/ha/an.

Du lisier sur couverts ?

Des essais conduits dans la Marne ont montré que si l’on fertilise plus, il n’y a pas beaucoup plus de fuites. « Quant aux couverts bien implantés, ils divisent les pertes par 2 ». Si bien qu’il n’est pas agronomiquement absurde d’épandre du lisier sur des couverts. « Cette pratique de fertilisation des couverts permet de doubler la biomasse sans augmenter la part d’azote libre : 15 à 20 unités seulement après un apport de lisier modéré ». Par contre en dopant la culture, la quantité d’azote emprisonnée augmente proportionnellement. Cet azote sera progressivement libéré : « Au bout de 7 ans, on a récupéré 50 % de l’azote d’une moutarde, dont 25 % la première année ». Illustration s’il en est besoin que l’azote n’est pas qu’un élément lessivable à la moindre pluie. Au contraire, l’azote, c’est la lenteur par excellence. Sous condition que le sol ait une bonne structure et soit couvert. Didier Le Du

Le saviez-vous ?

  • 40 unités d’azote sont nécessaires pour fabriquer une tonne de MS d’herbe.
  • 1 binage = 2 arrosages. La formule est connue. Mais pourquoi dit-on cela ? Car le binage déclenche la minéralisation et fournit de l’azote à la plante. La croissance s’accélère.
  • 1/3 au printemps ; 2/3 à l’automne. La minéralisation est proportionnellement plus élevée après l’été.
  • 500 à 800 unités : c’est le recyclage moyen de chaque hectare de forêt. Les haies autour des champs sont d’excellentes pompes à nitrates.
  • Dans une association ray-grass trèfle, la légumineuse fournit de l’azote à l’écosystème mais pas directement à la graminée : 5 tonnes de trèfle fournissent 200 unités/ha.
  • 200 à 600 u/ha : c’est la quantité d’azote que peut larguer une prairie détruite.
  • 120 qx/ha de blé avec « zéro » azote. La prouesse est américaine. Mais ne tient pas au hasard : l’autofertilité des sols est améliorée par des successions de cultures réfléchies et des méthodes agronomiques adaptées.
  • 50 % d’azote en moins. Le compostage s’accompagne d’une perte de la moitié d’azote de l’effluent. 30 t de fumier apportent 159 uN ; 15 t de compost = 84 uN.
  • 200 unités : c’est le stock d’azote nécessaire sous maïs au stade 6 feuilles pour espérer un bon rendement.

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